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Enfin, il fallait prévoir le cas de l'insolvabilité des patrons qui n'auraient pas été couverts par des contrats d'assurance. Il a été institué, à cet effet, une caisse spéciale alimentée par des cotisations mises à la charge des patrons qui ne peuvent pas produire un contrat d'assurance. Ces cotisations sont recouvrées par le service des contributions directes.

Pour prévenir toute pression morale exercée sur le salarié, celui-ci ne peut pas renoncer d'avance par convention expresse

aux avantages de la loi. Celle-ci à un caractère obligatoire.

Le jour où l'on votera en France une loi générale s'appliquant à tous les accidents du travail, et à ceux du travail agricole comme à tous les autres, il est fort probable que la législation belge sera analysée et appréciée. Nos lecteurs la connaissent maintenant dans ses lignes essentielles.

Elle comporte l'obligation;

Ellle pose le principe du risque professionnel et de la responsabilité du patron, sans aucune faute ou négligence imputable à ce dernier;

Elle ménage toutefois les petits agriculteurs employant moins de trois ouvriers et ne leur impose pas l'assurance.

Elle n'organise pas d'une façon précise l'assurance du patron lui-même.

Ces deux derniers points méritent de fixer tout spécialement l'attention.

Il est aujourd'hui reconnu qu'un grand nombre de petits agriculteurs belges ne sont pas assurés et que cette situation comporte des dangers. L'ouvrier employé dans ces petites exploitations n'est pas protégé ; il le sait et il le regrette. Son recrutement est donc plus difficile.

Le petit patron rural peut toutefois se soumettre volontairement à la loi et assurer son personnel, mais il ne paraît pas l'avoir fait

souvent.

Reste la question intéressante entre toutes, à notre avis, de l'assurance du patron lui-même et de sa famille. Elle ne paraît pas avoir préoccupé le législateur belge, et n'a pas davantage fixé l'attention du législateur français. Notre loi de 1898 relative au travail industriel l'a certainement ignorée. Nous croyons que l'on ne pourra pas écarter ce problème parce qu'il est naturel autant qu'humain de ne pas imposer au patron rural des charges nouvelles sans lui fournir en même temps des avantages.

Il est bien permis maintenant de se demander si le problème de l'assurance agricole contre les accidents du travail ne doit

pas être résolu simplement par les intéressés, c'est-à-dire par les patrons responsables, au moyen de sociétés mutuelles dont les statuts pourront précisément prévoir des indemnités allouées aux mutualistes eux-mêmes, c'est-à-dire aux chefs d'exploitation.

Le principe de l'obligation une fois posé à l'égard de l'ouvrier, rien ne s'oppose à ce que l'assureur devienne lui-même assuré et bénéficie, moyennant une prime spéciale, des avantages qu'il garantit à son personnel.

Ce système a été adopté en France par trois sociétés mutuelles dont nous aurons l'occasion de parler longuement plus tard, celle de la Vienne, celle de l'Union du Sud-Est, et celle de la Sarthe. Beaucoup d'autres groupements semblables se formeront sans doute pour jouer le même rôle et rendre les mêmes services. Ce sera-là, croyons-nous, une solution désirable et définitive. En Belgique, l'œuvre déjà accomplie par la loi de 1903 sera probablement complétée de la même façon.

L'Enseignement agricole en France. - Au moment où les Chambres s'apprêtent à discuter une proposition de loi relative à la réforme de l'enseignement agricole, il nous paraît intéressant de retracer rapidement l'histoire de cet enseignement et d'en mon trer le caractère.

Il faut l'avouer, nul ne paraît avoir songé à fonder des écoles. ou même une seule école d'agriculture, en France, avant la fin du XVIIIe siècle.

Dans les dernières années du règne de Louis XV, le ministre Bertin associa l'administration royale aux efforts méritoires et l'initiative hardie de deux particuliers qui fondèrent une écol près de Compiègne. Le propriétaire du château d'Anel, M. Pa nelier, consentait à fournir gratuitement un domaine tout agencé l'agronome Sarcey de Sutières s'engageait à diriger la culture e l'enseignement; l'administration royale accordait des allocations.

Ce système mérite d'être noté avec soin; nous en verrons bien tôt les applications au milieu du xix siècle. Il consistait en somm à placer des élèves dans une ferme bien conduite, à les associer aux opérations de la culture et à leur donner, en outre, une ins truction théorique, c'est-à-dire des vues générales sur l'exploitation des terres et du bétail.

Nous croyons utile de citer ici le rapport de Bertin (1). I

(1) Ce document peu connu a été retrouvé dans le Journal Econ

marque bien, en effet, le caractère de l'institution et de l'enseigne

ment:

A MM. les Membres de la Société Royale d'Agriculture de Paris,

« Les sociétés d'agriculture ont procuré de grands avantages dans les différentes provinces où elles ont été établies, par l'exemple et l'encouragement qu'elles ont donnés aux cultivateurs. Il restait un bien à faire, c'était de s'assurer de la meilleure manière, connue jusqu'à ce jour, de cultiver les terres, afin de la répandre partout, mais elle ne peut être enseignée, et les leçons du premier des arts ne peuvent être données que sur le terrain avec la charrue ou le hoyau dans les mains. « On est enfin parvenu à trouver un propriétaire de bonne volonté qui veut bien prêter les terrains dépendant de ses terres d'Annel, près Compiègne, et formant avec ceux de Bertinval qui la joignent, une étendue de plus de 600 arpents, pour servir à des enseignements de toute espèce de culture, et qui consent à fournir gratuitement les logements et les ustensiles nécessaire pour les jeunes laboureurs qu'on enverra pour recevoir les instructions.

« D'une autre part, on a reconnu par les succès multipliés et bien constatés dans les provinces où elle a été mise en usage depuis plusieurs années, que la méthode de cultiver les terres du sieur de Sarcey de Sutières, membre de la Société d'Agriculture de Paris, est la plus sûre et la plus utile; il veut bien donner gratuitement tuso ses soins pour instruire chaque année douze laboureurs de la manière de cultiver qui leur sera enseignée conformément aux détails ci-après.

« 1o A connaître les principes généraux de la végétation et du développements des plantes,et l'on aura soin de se mettre à leur portée pour leur apprendre cette opération de la nature.

2o A bien distribuer chaque espèce de terre par les productions naturelles de chacune, c'est-à-dire que quand la terre sans culture produit telle plante, telle graine, ou pousse telle racine, elle est propre à la culture de tel ou tel autre grain;

3o La culture qui doit convenir à chacune de ces terres;

4o Les différentes espèces de charrues et les raisons de préférence en faveur de la charrue de Brie rectifiée;

5o Le nombre des labours, leur profondeur nécessaire, suivant chaque nature de terrain pour une bonne production, et le temps de faire ces labours;

6o Les engrais convenables à chaque nature de terre et leur quantité. On leur démontrera à cette occasion que trop d'engrais nuit aux plantes et que trop peu ne produit qu'un médiocre effet;

7o Le temps et la saison pour appliquer les engrais;

8o Le bombage des terres plus ou moins fort, suivant leur nature sèche ou humide;

9o La manière de former des sangsues ou saignées dans des terrains trop humides, ce qui conduira naturellement à leur apprendre les moyens

mique, par M. G. Daviet, bibliothécaire de la Société Nationale d'Agriculture.

de dessécher les terres marécageuses et de les rendre propres à donner de bonnes productions.

10° La qualité et la quantité des semences qui conviennent à tel ou tel sol, c'est-à-dire que celui-ci peut porter du froment, un autre, du blé ramé, un autre du petit, moyen, ou gros seigle. On fera connaître les moyens de rendre les épis plus forts et plus grenés et de donner plus de qualité aux grains, ce qui leur fait rendre beaucoup plus de farine et de meilleure qualité;

11o La manière et la nécessité d'apprêter les semences, la composition de ces apprêts, leurs avantages et les inconvénients qui résultent pour les semences quand le chaulage en est mal fait.

On comprend dans cet article l'explication des maladies du blé, de leurs causes, et les moyens d'en garantir les grains;

12o Le véritable temps de faire les semences et la raison de les enterrer plutôt avec la herse qu'avec la charrue;

13° Les soins qu'il faut donner aux terres ensemencées jusqu'au mois de mai;

14° La manière de faire ou de serrer une récolte.

15o Les moyens de conserver sans risques et sans frais les blés pendant plusieurs années.

24° On entrera ensuite dans les détails des dépenses nécessaires pour monter une ferme avec économie, savoir combien il faut de chevaux pour une charrue, combien d'arpents par charrue, etc., etc. Enfin leur produit net. On fera connaître en peu de temps combien la culture pour les chevaux est supérieure à celle qui est faite par les bœufs;

25° On leur enseignera la manière d'élever les chevaux et de se procurer des fourrages pour les biens nourrir et les entretenir, sains et vigoureux;

26o On leur apprendra aussi à élever d'autres bestiaux, comme vaches, bœufs, moutons, cochons, volailles, etc., et à les garantir des maladies auxquelles ils sont sujets par le défaut de soins ou de bonne nourriture;

27° On fera connaître la précaution qu'il faut prendre pour prévenir les maladies du bétail en leur faisant observer le temps et la qualité des pâturages et des nourritures;

28° On leur fera connaître quelles sont les espèces de bestiaux qu'il convient d'avoir dans une ferme, soit par rapport au sol, soit par rapport au climat, et quels sont les dangers d'en user autrement;

30° On apprendra aux élèves à cultiver la vigne par principe, ce qui la garantira d'une grande partie des intempéries auxquelles elle est sujette;

31o On leur expliquera quels sont les terrains propres à planter tels ou tels arbres fruitiers, leurs différentes cultures et leurs taille.;

« Le roi a daigné approuver cette institution d'agriculture et pourvoir aux autres dépenses nécessaires à cet établissement.

Conditions.

« 1° Les laboureurs qui seront envoyés au château d'Annel près Compiègne pour y recevoir des instructions pratiques seront pourvus de l'agrément de M. Bertin, Ministre et secrétaire d'Etat.

2o Ils seront âgés de 20 à 30 ans, de bonne vie et mœurs; ils donneront de bons répondants de leur fidélité;

3° Ils seront, sous la conduite et direction du sieur Sarcey de Sutières à qui ils seront tenus d'obéir ou à ses préposés;

4o Les laboureurs se rendront à leurs frais au château d'Annel munis de l'agrément du ministre; ils seront logés, nourris, et blanchis gratuitement dans ce lieu d'instruction durant une année, et leurs répondants seront tenus seulement de leur entretien en habillement et chaussures.

5o A la fin de leur année d'instruction il sera délivré à chaque laboureur qui aura bien mérité par sa conduite et par son travail, une charrue neuve construite suivant les principes de l'institution, et une herse (Janvier 1772) ».

On voit que l'initiative privée a fondé en France, au xvIIIe siècle la première école d'agriculture. L'administration a eu seulement le mérite de comprendre l'utilité de cette institution et de lui assurer des subsides. L'enseignement tel qu'il est prévu dès l'année 1772 n'est pas seulement manuel. Ce sont visiblement des cours d'agriculture générale et de culture comparée qui doivent être faits aux élèves.

Les exemples placés sous leurs yeux ont pour objet l'intelligence des vues théoriques autant que la connaissance exacte des difficultés d'une bonne exécution culturales.

Notons enfin que l'enseignement ainsi conçu ne s'adresse pas à des manœuvres, ou à des enfants que l'on préparerait simplement à la bonne exécution des travaux ordinaires. Choisis par des « rẻpondants » et constituant par suite une élite, âgés de vingt à trente ans pour être en mesure de réfléchir, d'observer, et de comprendre, les futurs élèves d'Annel devaient devenir des chefs d'exploitation, au besoin même des praticiens-professeurs, enseignant par l'exemple, et répandant dans les provinces les bonnes pratiques qui leur auraient été indiquées.

Ces vues sont trop justes pour qu'on ne les ait pas adoptées plus tard. Nous allons bientôt les voir défendues et appliquées.

L'Ecole d'Annel ne put rendre malheureusement les services qu'on était en droit d'en attendre. Les embarras financiers de l'ancien régime et la chute du ministre Bertin, la firent disparaître Quelques élèves seulement y reçurent l'enseignement dont nous avons marqué le but.

Durant toute la période révolutionnaire quelques projets furent ébauchés, mais aucune œuvre ne fut accomplie, tout restait à faire. C'est ce que dit François de Neufchâteau dans un ancien mémoire lu à la Société d'Agriculture de la Seine (Nivose an X).

«Le C. Talleyrand, dit-il, avait demandé à l'Assemblée Constituante REVUE POLIT., T. LXXVIII. 37.

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