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situation financière de la Régence, attestée par la progression des recettes ordinaires, en plus value de 3.621.960 francs sur l'année dernière. L'analyse de ce discours, où M. Alapetite, après avoir établi le bilan des progrès réalisés au cours de 1913, a exposé le programme des réformes et des améliorations projetées pour 1914, nous entraînerait au delà des limites qui nous sont assignées. Bornons-nous à constater que programme et bilan sont caractérisés, d'une part, par un redoublement d'efforts en vue du développement de l'instruction publique, de l'autre par les mesures prises pour favoriser la petite colonisation agricole, en même temps que pour faciliter aux indigènes l'accès de la propriété individuelle et pour améliorer leurs procédés de culture.

Au nombre des propositions dont le Résident général avait saisi la conférence consulaire, figurait l'abaissement de l'impôt de capitation payé par les indigènes, la Medjba, de 18 à 15 francs. Une généreuse initiative, prise spontanément par les membres de la section française de cette assemblée, assure, d'ores et déjà, et bien au delà, le dégrèvement proposé. Ils ont, en effet, à l'unanimité, demandé que la Medjba fût supprimée et remplacée par un impôt dont le taux ne devrait pas dépasser 10 francs et qui serait établi sur tous les éléments de la population tunisienne, sans distinction entre les Européens, les indigènes tunisiens ou étrangers, et sans exception aucune.

Cette motion, qui ne saurait manquer d'être accueillie favorablement, est toute à l'honneur des délégués français et de leurs mandants. Elle témoigne, en effet, chez eux, d'un esprit d'équité et d'un désintéressement dont on trouverait peu d'exemples. Il est rare, en effet, de voir, si cela s'est jamais vu, toute une catégorie de contribuables demander d'elle-même à être soumise à un impôt dont elle était exempte jusque-là, et, en offrant de prendre sa part des charges supportées par les autres éléments de la population, alléger d'autant celles qui pèsent sur ceux-ci. Mais il y a dans le geste des colons français de Tunisie, à côté d'un sentiment de justice, une inspiration patriotique qui l'ennoblit encore davantage. En réclamant l'égalité de tous les habitants de la Tunisie devant l'impôt, sans distinction de race ou de nationalité, ils ont apporté la solution d'une difficulté qui n'était pas sans préoccuper vivement le gouvernement du Protectorat de la Régence et celui de la Métropole. En effet, depuis l'annexion de la Tripolitaine à l'Italie, les Tripolitains résidant en Tunisie et ils sont nombreux sont devenus sujets italiens, et le gouvernement italien réclamait pour eux le traitement de ses nationaux, ce qui entraînait en leur faveur l'exemp

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tion de la Medjba, au même titre que pour les Européens ou assimilés. Résister à cette prétention, c'était aller à un conflit avec l'Italie. Y céder, c'était créer, dans la population tunisienne, une catégorie privilégiée d'indigènes. Nos protégés n'eussent pas manqué d'en prendre texte pour établir entre leur sort et celui de leurs congénères ressortissants de l'Italie des comparaisons qui eussent gravement compromis le prestige et l'autorité de la France, outre que, pour bénéficier de la même faveur, nombre d'entre eux eussent cherché à se faire naturaliser Tripolitains. Grâce à la résolution prise par les délégués français, ce double danger est conjuré. Tout risque de conflit avec l'Italie est écarté. Le bon renom de la France est accru et son influence, comme ses droits de souveraineté, est sauvegardée.

II. REVUE DES QUESTIONS AGRICOLES

Par D. ZOLLA

La loi belge sur les accidents du travail agricole. agricole en France.

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Les accidents du travail et l'agriculture. - Pourquoi les salariés agricoles ne seraient-ils pas protégés contre les accidents professionnels comme le sont les employés du commerce ou les ouvriers de l'industrie? On ne le voit pas clairement, et tôt ou tard le législateur sera probablement forcé d'appliquer à l'agriculture le principe du risque professionnel.

Nous disions nous-mêmes à ce propos, il y a quelques mois (1); « Le rapporteur du premier projet de loi sur la responsabilité des accidents du travail en agriculture formulait ainsi la conception nouvelle qui explique et justifie du même coup le principe juridique nouveau dont nous parlons:

« La production industrielle, disait-il, expose le « travailleur » à certains risques; or, c'est à celui qui recueille principalement les profits de cette production, c'est-à-dire au patron, que doit incomber

(1) Revue des Sciences Politiques, Juillet 1913.

l'obligation d'indemniser la victime en cas de réalisation du risque, abstraction faite de toute idée de faute de ce patron. »

« On le voit, l'employeur est considéré comme recueillant « principalement le profit qui résulte du travail de l'ouvrier. La responsabilité que le législateur lui impose n'a point pour origine une négligence, une faute, un fait quelconque ayant pour conséquence un dommage, entraînant une réparation telle que le prévoit notamment l'article 1382 du Code civil. Il semble bien que le patron est considéré comme un associé dans l'œuvre de la production, mais comme un associé qui se serait attribué une part tellement forte ou exagérée dans les bénéfices de l'entreprise, que sa responsabilité devient une compensation de ces avantages extraordinaires et injustifiés. Le patron est un accusé condamné d'avance sans avoir le droit de prouver son innocence et d'exiger que son adversaire fasse tout d'abord la preuve de son droit.

« Nous verrons plus tard quelles difficultés graves entraîne cette conception particulière et selon nous, fort critiquable, des devoirs du patron à l'égard de son auxiliaire salarié. Mais, le principe une fois admis, il est clair que le patron agricole convaincu de s'enrichir grâce au travail de ses employés, doit supporter les mêmes charges que le patron industriel ou commercial. »

On s'est contenté, en 1899, de rendre obligatoire l'assurance des ouvriers, et de rendre effective la responsabilité du patron, toutes les fois qu'ils s'agissait des accidents survenus au cours d'un travail comportant l'emploi des moteurs inanimés.

Or, il est aujourd'hui bien reconnu que les machines sont moins dangereuses à manier que les animaux ou les voitures. Il faut donc aboutir et protéger le salarié dans tous les cas.

Deux obstacles s'opposent, ou ont paru s'opposer à l'application de la loi de 1898 aux patrons agricoles. On a fait valoir la modicité de leurs ressources et par suite le poids trop élevé des frais d'assurance ou des responsabilités très graves qui leur seraient imposées,

Une seconde difficulté résulte de la situation sociale des agriculteurs parmi lesquels il existe fort peu de patrons assimilables à un gros industriel. Le plus souvent le « maître » et le domestique ou l'ouvrier, vivent de la même vie, travaillent côte à côte toute la journée.

avec son ou

Pourquoi protéger le salarié alors que l'agriculteur qui l'emploie n'est pas lui-même protégé et ne doit pas recevoir une indemnité s'il est victime d'un accident quand il prend part vrier aux mêmes travaux, et s'expose aux mêmes dangers? M. F. David, ancien ministre de l'Agriculture, l'a dit très justement : « La

loi de 1898 est une loi d'exception; elle fait peser tout le fardeau de la garantie du risque sur l'employeur alors que l'employé n'en supporte aucune part. Transportée dans le domaine agricole, et par conséquent dans le droit civil, la législation de 1898 montre aussitôt son côté choquant de législation d'exception. Elle divise les travailleurs agricoles en deux classes: 1° Ceux qui cultivent la terre d'autrui; 2o ceux qui cultivent pour eux seuls, ou avec l'aide d'autrui, leur propre terre. Aux premiers qui seraient au nombre de 3.700.000 d'après le recensement de 1901, elle apporte la garantie des risques auxquels ils sont exposés dans leur travail. Quant aux seconds, qui sont au nombre de 5.020.000, d'après le même recensement, non seulement elle ne les protège pas contre les conséquences des accidents du travail, mais encore elle leur impose l'obligation de garantir les premiers. Quelle est donc la tare dont sont atteints ces infortunés pour être ainsi sacrifiés par le législateur? Cette tare, la seule du moins que l'on puisse apercevoir, c'est qu'ils sont propriétaires.

« Ainsi, dans une société où toute organisation et tout effort sont basés sur la propriété individuelle, où le citoyen est obligé d'acquérir personnellement, s'il veut vivre, on aboutirait à cette conséquence de ne lui lui faire connaître que les charges d'une législation de protection sociale et on l'exclurait de son bénéfice pour cette seule raison qu'il est propriétaire. »

M. F. David a parfaitement raison, et il faut, en effet, organiser un système d'assurance qui permettra, tout à la fois, d'assurer le salarié, et de garantir le patron contre les accidents. Le problème est double. Ainsi le veulent les conditions particulières à l'industrie rurale.

Avant de chercher une solution, on peut étudier tout d'abord la législation des pays voisins. Celle de la Belgique et bonne à connaître puisqu'il s'agit d'un pays qui ressemble au nôtre, par la division souvent très marquée de la propriété et de la culture.

La loi Belge sur les accidents du travail agricole. Il est intéressant pour nous de savoir comment on a résolu chez nos voisins le problème de l'assurance des accidents du travail agricole.

Remarquons-le tout d'abord, la loi belge du 24 décembre 1903 n'est pas spéciale à l'industrie rurale. Elle vise effectivement la responsabilité des patrons en général. Bien mieux, les agriculteurs

qui emploient habituellement moins de trois ouvriers ne sont pas soumis à ce régime. Une pareille exception mérite une mention spéciale et nous signalerons bientôt les conséquences qu'elle entraîne.

Le principe, posé par la loi est celui de la responsabilité du patron, responsabilité toujours présumée jusqu'à preuve contraire. C'est le système du risque professionnel tel que nous le connaissons en France depuis 1898.

Le patron doit fournir : 1o les soins médicaux et les produits pharmaceutiques; 2° des indemnités relatives aux accidents qui comportent, soit des incapacités temporaires ou permanentes, soit la

mort.

L'indemnité pour cause d'incapacité temporaire est dûe à partir du jour de l'accident, quand ce dernier a entraîné une cessation de travail pendant sept jours au moins.

Dans ce cas, la victime reçoit 50 0/0 de son salaire quotidien moyen.

Si l'incapacité temporaire permet cependant à l'ouvrier de travailler, celle-ci, touche une indemnité égale à 50 0/0 de la différence entre son salaire normal et la rémunération obtenue après l'accident.

L'incapacité permanente donne droit à une indemnité qui représente 50 0/0 du salaire ou de la différence de salaire indiquée plus haut, elle peut entraîner l'allocation d'une rente viagère.

En cas de mort, il est alloué 75 francs pour frais de funérailles, et, de plus, le conjoint, les ascendants, les descendants, ou même les neveux ont, droit, soit à un capital, soit à des rentes temporaires ou viagères.

A cet effet, on calcule le capital qui eût été nécessaire selon l'âge de la victime pour lui constituer une rente viagère égale à 30 0/0 de son salaire. Ce capital est attribué aux personnes que nous venons d'indiquer (selon les cas et dans l'ordre indiqué par la loi) et sert, tantôt à leur fournir une somme d'argent versée une fois pour toutes, tantôt à constituer en leur faveur des rentes tem poraires ou viagères.

Il résulte de cet exposé que la responsabilité des patrons agricoles est singulièrement étendue. Pour l'atténuer, la loi belge prévoit un système d'assurance et de garantie.

L'assurance résulte d'un contrat passé entre le patron responsable et des caisses communes (mutuelles), ou des compagnies à primes fixes agréés toutes deux par l'Etat. En outre, la caisse générale d'épargne et de retraite est autorisée à faire des opérations d'assurance de ce genre.

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