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unique ayant son siège à Paris. Elle se justifie par des considérations que l'exposé des motifs résume en ces termes : « Les mécomptes qui ont compromis à certaines époques la situation des anciennes banques ont eu pour principale cause une localisation excessive dont le danger se manifeste spécialement en temps de crise économique. On voit alors l'intérêt de la banque, et en conséquence l'intérêt général, sacrifié à celui de groupements particuliers qui prennent dans les conseils d'administration une influence prédominante. Un établissement central échappera aux pressions locales et sera plus assuré de l'indépendance nécessaire à sa bonne direction. Cette considération est la plus décisive de celles qui justifient cette fusion. Mais il en existe d'autres et, notamment, l'avantage de permettre un meilleur aménagement des ressources, d'équilibrer les risques de toute nature, d'élargir la base du crédit ».

Tout cela est l'évidence même et l'on pourrait croire qu'une réforme ausi fortement motivée ne dût soulever aucune opposition. Ce serait compter sans les influences locales et sans les intérêts particuliers à la prédominance desquels elle a précisément pour but de mettre un terme, et qui ne sont rien moins que disposés à se laisser exproprier de la situation privilégiée qu'ils occupent. Aussi leur riposte ne s'est-elle pas fait attendre. Au projet gouvernemental les députés des Colonies intéressées se sont hâtés d'opposer une proposition de loi qui, s'inspirant d'une conception diamétralement opposée, maintient l'autonomie des vieilles banques. Leur altitude n'est point pour surprendre. Bénéficiaires -- politiquement parlant du particularisme actuel, il est tout naturel qu'ils s'efforcent de le perpétuer en travaillant pour leur clientèle ils travaillent pour eux-mêmes. Nous espérons que le Parlement ne les suivra pas et se ralliera au système gouvernemental qui, par cela même qu'il soustrait le crédit à la pression des clans locaux, est celui qui sauvegarde le mieux les intérêts du public et ceux des colonies en cause elles-mêmes. Le grand mal dont souffrent celles-ci est l'abus de la politique, nous entendons d'une politique qui, sous le couvert des principes, n'est le plus souvent que le conflit d'influences personnelles rivales et d'appétits antagonistes. Plus on restreindra le champ où s'exerce sa malfaisance et mieux cela vaudra pour ces colonies.

L'emprunt de l'Afrique Equatoriale Française. M. Amiard vient d'être chargé par la Commission des Affaires Extérieures et

Coloniales de la Chambre du rapport sur le projet d'emprunt de l'Afrique Equatoriale française. Ce serait faire œuvre téméraire et inutile, après la remarquable étude consacrée ici même par M. E. Roume à cette question, de rappeler les considérations de tout ordre qui font au Parlement un devoir impérieux de fournir à notre Colonie du Centre africain les moyens de se constituer un minimum d'outillage économique. Il est cependant un point sur lequel on nous pardonnera d'insister; c'est le péril que font courir à cette colonie les convoitises allemandes. Pour méconnaître ce péril, il faut avoir perdu le souvenir des douloureuses négociations qui ont abouti au traité du 4 novembre 1911, et de l'apreté, malheureusement couronnée de succès, que les Allemands ont mise à s'assurer, par les fameuses « tentacules », un accès au Congo belge. Ce jour là ils ont posé une pierre d'attente cyniquement significative et, contraints de restreindre leurs appétits dans le présent, marqué avec éclat le but auquel tendent ces appétits dans l'avenir.

Que ces ambitions soient restées vivaces, c'est ce dont témoigne, à l'heure actuelle même, le redoublement d'activité de l'Allemagne dans l'Afrique Centrale. C'est, notamment, un fait caractéristique qu'elle a abandonné la construction du chemin de fer du Cameroun-Sud pour porter tous ses efforts sur celle de la ligne centrale, qui a son point de départ au port de Douala et va bientôt atteindre la Sangha, pour parvenir, en empruntant les anciens territoires français, au Congo belge. Et c'en est un autre que la célérité avec laquelle sont menés les travaux de la ligne de Dar-es-Salam au Tanganyika, qui, commencée à la fin de 1904, sera terminée au printemps prochain, en avance de deux ans sur les prévisions primitives et doit se raccorder, d'une part, à des lignes belges en voie d'achèvement et, de l'autre, à une grande voie ferrée dont le terminus sera à Benguela, dans l'Angola portugais et financée, pour la majeure partie de la dépense, par les capitaux allemands. Ainsi sera constitué un Transéquatorial à deux branches qui en dit long sur les visées de l'Allemagne dans le Centre africain. Enfin, pour compléter l'encerclement de notre colonie, un port de guerre et une base navale vont être établis à Douala, tête de ligne du chemin de fer du Cameroun.

Tout cet ensemble de faits précise le danger qui menace le Congo français. Le seul moyen de le soustraire à ce danger, on l'a dit et répété à satiété, mais on ne saurait trop le redire, c'est d'arracher cette colonie à l'état d'abandon qui, l'expérience ne l'a que trop prouvé, en ferait, le jour venu, une proie facile pour nos rivaux. II ne s'agit même plus de savoir si l'Afrique Equatoriale Française

vivra bien ou vivra mal; il s'agit de savoir si elle vivra, tout simplement. La question, ainsi posée, sort du cadre des questions proprement coloniales pour devenir une question nationale, qui relève non plus du sentiment plus ou moins pressant que le Parlement peut avoir, en théorie, de la nécessité de mettre en valeur nos possessions d'outre-mer, mais de son patriotisme. Ici, cette mise en valeur s'impose, parce qu'elle est le seul moyen de sauver une terre française, et de l'empêcher de passer en des mains étrangères.

En vain prétendrait-on que la crise du caoutchouc, en diminuant les ressources et les possibilités financières et économiques de la colonie, élève contre l'emprunt une objection majeure. La vérité est que cette crise est un argument de plus à l'appui du projet d'emprunt. C'est, en effet, par la constitution d'un outillage qu'on pourra le plus sûrement et le plus efficacement y remédier; car c'est seulement en développant et en améliorant les moyens de transport et de communication qu'on arrivera à abaisser d'une manière appréciable et permanente le prix de revient du caoutchouc congolais, et c'est par là seulement surtout qu'on mettra la Colonie à même d'exploiter ses autres richesses et de suppléer ainsi à l'insuffisance des ressources que, faute d'un outillage économique approprié, elle a dû jusqu'ici demander à un produit unique.

L'Ouenza à la Chambre. Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable. La question de l'Ouenza, sortie de l'ornière où l'obstruction du parti socialiste la tenait enlizée depuis plusieurs années, paraît enfin être à la veille de recevoir une solution. On sait comment s'est opéré ce miracle, Les deux groupes rivaux, concessionnaires, l'un d'une mine de cuivre, l'autre d'une mine de fer, ont fini par se rendre compte qu'ils ne gagneraient rien à prolonger une lutte qui risquait de se terminer à leur désavantage à tous deux, et renonçant à l'intransigeance de leurs prétentions respectives à l'exploitation intégrale de l'ensemble du gisement, elles ont accepté de fusionner dans une troisième et unique société à laquelle le gisement tout entier, fer et cuivre, sera attribué. Il n'a rien moins fallu, pour amener cet accord, que l'intervention pressante et persuasive du gouverneur général de l'Algérie, M. Lutaud, puissamment secondé dans ses efforts par le ministre des Travaux publics, M. Thierry.

Devenu, du fait même du rôle de conciliateur qu'il avait assumé,

l'arbitre de la situation, M. Lutaud en a profité pour stipuler au profit de l'Algérie des avantages nouveaux qui assurent à notre colonie méditerranéenne une situation infiniment meilleure que celle qui lui était faite par la première convention. La redevance à verser par la compagnie concessionnaire au budget algérien a été portée de 0,60 centimes à un franc par tonne en outre, ce budget aura droit à 50 0/0 des bénéfices. Enfin, la concession du chemin de fer cesse d'être liée à celle de la mine et l'Algérie reprend, à ce point de vue, sa pleine et entière liberté d'action, ce qui lui permettra, ainsi que les Délégations financières l'ont décidé sur la proposition du gouverneur général, de substituer à la voie ferrée primitivement projetée en vue de desservir uniquement les gisements de l'Ouenza tout un réseau destiné à desservir, conjointement avec eux, les énormes gisements de fer et de phosphates découverts depuis peu sur d'autres points de la province de Constantine et notamment, en ce qui concerne les premiers, au Bou-Kadra, et en ce qui concerne les seconds, au Djebel-Kouif, au Bled-el-Hadra, au Djebel-Onk. On a calculé que lorsque tous ces gisements auront été mis en valeur, l'artère principale de ce réseau aura quatre millions de tonnes à transporter par an, ce qui, déduction faite des frais d'exploitation, laissera une recette nette annuelle de près de 12 millions de francs, d'où, pour la colonie, un nouveau bénéfice à ajouter à ceux qu'elle est appelée à retirer directement de l'Ouenza, du chef de la convention rappelée plus haut.

Ainsi, sous tous les rapports, la situation de l'Algérie se trouve considérablement améliorée. Autre avantage, et non le moindre, de la solution élégante imaginée par M. Lutaud et par M. Thierry: le Gouverneur général de l'Algérie ayant le droit de concéder les mines et minières sans avoir besoin de l'approbation du Parlement, et cette approbation, d'autre part, n'étant pas non plus nécessaire pour l'élargissement du chemin de fer déjà existant de Tébessa à Souk Ahras, base du réseau projeté, puisque la colonie compte procéder à cet élargissement sur ses ressources ordinaires et sans recourir à l'emprunt, on était autorisé à croire que la Chambre n'aurait pas à connaître de la nouvelle convention et qu'on éviterait ainsi les atermoiements et les retards qu'a subis l'affaire dans sa première phase. Les socialistes en ont décidé autrement. La Chambre étant saisie de la question de l'Ouenza, ils entendent qu'elle en reste saisie, et, par voie d'interpellation, l'un d'eux, M. Albert Thomas, l'a portée à nouveau devant elle. Le débat a déjà com

mencé.

On ne voit pas bien d'ailleurs à quoi il rime et quelle en peut

être l'utilité pratique. L'interpellateur, auquel s'était joint un député d'Alger, M. Houbé, a été, en effet, le premier à reconnaître, ainsi que celui-ci, les avantages considérables de la nouvelle convention, comparée à l'ancienne. Dans ces conditions il va de soi que le vote d'un ordre du jour favorable ne saurait faire doute et que les socialistes ne luttent plus qu'afin de « sauver la face » et, si on peut ainsi parler, pour l'honneur du drapeau. Ils poursuivent, il est vrai, un autre objectif, où l'esprit de parti qui les anime exclusivement compte se donner librement carrière, avec l'espoir d'un succès facile et par suite assuré. L'occasion leur paraît bonne pour satisfaire une vieille rancune contre M. Jonnart à qui ils n'ont pas pardonné de s'être, dans une circonstance mémorable, posé résolument en adversaire vis-à-vis d'eux. Pour cela la comparaison de l'ancienne convention et de la nouvelle leur fournit un thème commode. Mais M. Jonnart n'aura pas de peine à se disculper des reproches qui lui ont été adressés. Il a déjà, d'ailleurs, dans une interruption, esquissé sa réponse à ces reproches, inspirés de l'esprit de l'escalier. Elle est péremptoire. Les circonstances n'étaient pas, il y a dix ans, à l'époque où il traitait, ce qu'elles sont aujourd'hui. Il y a dix ans, l'Ouenza était peu et mal connu et, pour en assurer la mise en valeur, il avait fallu, non sans peine, y intéresser les établissements métallurgiques de tous les pays d'Europe. Aujourd'hui, on se trouve en présence d'une situation toute différente. L'augmentation du prix du fer, le retentissement qu'a eu l'affaire ont provoqué la concurrence; c'est ce qui a permis d'imposer au concessionnaire des conditions plus avantageuses pour l'Algérie, et de donner un caractère plus nettement français à l'entreprise.

Ainsi, même la satisfaction personnelle que recherchent dans ce débat les interpellateurs leur sera refusée, et ils n'auront obtenu d'autre résultat que de retarder encore la solution impatiemment attendue par l'Algérie. Heureusement, cette fois, le retard ne sera pas long, et il ne s'agit pas, pour la colonie, d'attendre dix ans encore. C'est l'affaire de quelques semaines au plus, ou bien alors ce serait à désespérer du bon sens de la Chambre.

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Les colons français de la Tunisie et la Medjba. La session ordinaire de la Conférence consultative a été ouverte le 10 novembre, par un discours du résident général mettant en lumière l'excellente

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