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Mais ces concessions appellent une contre-partie : une amélioration réelle de l'administration ottomane, la certitude que les fonctionnaires turcs ne continueront pas les errements de jadis.

Croire d'autre part que la diplomatie russe en pressant l'exécution des réformes arméniennes, poursuit secrètement des désirs d'intervention et de conquête, c'est lui prêter des arrière-pensées qu'elle n'a pas. La Russie n'a ni le désir ni le besoin d'étendre encore son Empire, déjà suffisamment vaste comme il est. Nul appétit de terres nouvelles ne la pousse. Elle n'aurait rien à gagner à une guerre. La paix au contraire travaille pour elle.

Il se poursuit actuellement à Berlin, entre la France et l'Allemagne des négociations relatives aux chemins de fer de l'Asie Mineure. Il s'agit d'ajuster les concessions obtenues par la France avec celles qui ont été obtenues par l'Allemagne.

Cette dernière a la ligne de Bagdad et les embranchements qui en dérivent. La France en dehors des lignes qu'elle possède déjà, s'est fait accorder l'été dernier un certain nombre d'autres concessions. C'est Djavid bey qui, lors de son long séjour à Paris mena avec le quai d'Orsay ces négociations. Ce qu'il faut maintenant, c'est faire le raccord des lignes allemandes et des lignes françaises.

La quetion a également un aspect financier. Notre ministre des Affaires étrangères à envoyé à Berlin deux conseillers techniques. M. Sergent sous-gouverneur de la Banque de France et M. Ponsot, ancien secrétaire de la Conférence financière de Paris, pour assister M. Jules Cambon notre ambassadeur.

Les négociateurs ont pris contact. Chacun a déjà exposé son point de vue. Tout fait prévoir que la discussion, qui, d'ailleurs, est très compliquée, très embrouillée sera longue. Mais il n'y a aucune raison de croire qu'elle ne doive pas aboutir.

Un accord franco-allemand relatif à l'Asie Mineure, complétant l'accord russo-allemand qui est déjà acquis, l'accord anglo-germanique qui va l'être ne manquerait pas d'exercer une influence très apaisante sur la politique internationale.

C'est grand dommage que juste à ce moment-là, les incidents de Saverne détruisent en partie cet effet bienfaisant. Bien que nous n'ayons pas eu à nous occuper de ces incidents qui relèvent uniquement de la politique intérieure allemande, bien que notre presse se soit, avec beaucoup de sagesse et de sang-froid, abstenue de les commenter, il est fatal que les relations des deux pays voisins, sinon celles des gouvernements, s'en ressentent.

Les coulisses du drame balkanique. De très intéressantes révélations commencent, de-ci, de-là à se faire sur les deux guerres balkaniques. Petit à petit des indiscrétions es produisent; des documents, officieux, sinon officiels sont publiés. Déjà bien des points qui nous paraissaient obscurs, inexplicables, sont en train de s'éclaircir.

C'est en Bulgarie que le petit jeu des divulgations a pris toute son intensité. Les choses ayant on ne peut plus mal tourné pour les hommes d'Etat bulgares, qui par leur folie, ont privé le pays des bénéfices de ces victoires, il est très humain qu'ils essaient de se rejeter les uns sur les autres, toutes les responsabilités. Ce n'est pas cela d'ailleurs qui rendra à la Bulgarie, Andrinople, Monastir et Kavala qu'il ne tenait qu'à elle de conserver.

Les Stamboulovistes, amis de l'Autriche, MM. Ghénadief, Radoslavof, Radef qui sont maintenant au pouvoir étaient au printemps dans l'opposition. Ils accusent MM. Guéchof et Danef leurs prédécesseurs. Le général Savof, l'un de instigateurs de l'attaque brusquée qui coûta si cher à la Bulgarie, s'efforce de rejeter la faute sur le roi Ferdinand en personne. Car la personnalité du roi est mêlée quotidiennement à ce débat.

Le Bulgare est le peuple le plus foncièrement démocrate, le moins loyaliste ou dynastique qui soit au monde. Il s'est donné un roi, comme on prend un « manager » dans une affaire commerciale, par un pur motif d'intérêt. Le roi se servait de son peuple et le peuple se servait du roi. Il n'existait guère entre les deux d'autre lien.

Or, le général Savof, dans un curieux article de la Epoca, affirme que c'est Ferdinand Ier qui exigea de l'état-major l'attaque de juin dernier. Le général, avant de se résigner à une mesure imprudente qu'il désapprouvait de tout coeur, demanda un ordre écrit afin de couvrir sa responsabilité.

Il importe de ne point prendre à la lettre cette audacieuse affirmation. Tout ce qu'on sait par ailleurs la dément. Que Ferdinand ait donné cet ordre-là, c'est probable et même certain. Mais le tout est de savoir s'il le donna spontanément, librement, ou bien s'il ne fut pas au contraire contraint, par la terreur, d'agir ainsi. On a tout lieu de croire que cette dernière explication est la vraie. Les Macédoniens de l'opposition, qui sont maintenant dans le

gouvernement, ne voulaient pas entendre parler d'abandonner la moindre parcelle de la Macédoine. Ils menaçaient de recourir à l'action directe, dans le cas où le gouvernement aurait cédé sur ce point. L'armée, d'autre part, excédée par cette interminable guerre, demandait à en finir coûte que coûte et à rentrer dans ses foyers. Un vent de folle présomption avait soufflé sur tout le pays et avait fait perdre à tout le monde le sens exact des réalités. On méprisait l'armée serbe ; quant à l'armée grecque, chacun était convaincu qu'une simple division bulgare suffirait à la mettre en fuite. C'est dans ces conditions qu'on se décida à attaquer subitement les alliés de la veille.

Ferdinand dut recevoir des lettres de menace et il céda. Il est trop avisé, trop intelligent pour ne pas s'être rendu compte des gros risques que comportait l'opération. Le péril roumain, sans parler du péril turc ne pouvait guère lui échapper. Mais en ce qui concerne le premier, il dut recevoir des promesses, peut-être des assurances de la diplomatie autrichienne qui fit en effet tout ce qui dépendait d'elle pour retenir la Roumanie. Seulement la Roumanie s'affranchit délibérément de cette tutelle autrichienne. Elle suivit ses intérêts, sa politique et elle s'en trouva fort bien.

Il eût été plus courageux certes, de la part du roi Ferdinand, de résister aux pressions qui s'exerçaient sur lui, de se mettre résolument en travers de ce mouvement insensé. Malheureusement, le roi Ferdinand n'a rien d'un héros.

Après un assez long séjour à Vienne, d'où il ne semble pas qu'il ait emporté autre chose que de bonnes paroles, le voilà revenu dans sa capitale. Mais sa situation paraît sérieusement ébranlée.

Le Matin a publié récemment les traités d'alliance et les conventions militaires conclues entre la Bulgarie et la Serbie d'une part, la Bulgarie et la Grèce de l'autre. C'est de ces alliances que la guerre sortit.

Les textes publiés, bien qu'ils n'aient aucun caractère officiel, doivent être, dans leurs grands lignes, tenus pour exacts, et confirment, au demeurant les renseignements que nous avions déjà donnés. La partie la plus neuve, la moins connue, concerne l'obligation où se trouvait la Bulgarie de secourir la Serbie, dans le cas où l'Autriche envahirait non seulement le territoire serbe, mais encore le sandjak de Novi-Bazar. La diplomatie russe fut tenue, dès le début même, au courant de tous ces pourparlers.

RAYMOND RECOULY.

1. REVUE DES QUESTIONS COLONIALES

Par CH. DEPINCÉ

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Le port de Pa-
L'Emprunt de
Les co-

La crise du caoutchouc et nos possessions africaines.
peete. Le Régime bancaire des vieilles Colonies.
l'Afrique équatoriale française. L'Ouenza à la Chambre.
lons français de la Tunisie et la Medjba.

La crise du caoutchouc et nos possessions africaines. Nous assistons depuis quelque temps à un véritable effondrement des cours de caoutchouc. L'espèce la plus estimée, le Para, dont le prix moyen de vente, pendant la période 1904-1913, avait été de 15 fr. 75 le kilog., ne valait plus, en octobre dernier, que 9 fr. 20. Les caoutchoucs dits Plantations étaient tombés de 16 francs à 6 francs, pendant que les meilleures sortes congolaises descendaient de 12 fr. 50 à 4 fr. 75. Ce phénomène, d'ailleurs, n'a pas été une surprise. Tout au moins n'en a-t-il pas été une pour ceux qui savent voir et qui, ayant assisté il y a quelque vingt ans aux débuts des plantations de caoutchouc en Malaisie, à Ceylan et dans l'Afrique Orientale allemande, et ayant été les témoins du développement énorme pris depuis lors, dans ces mêmes pays, par cette culture, avaient prévu qu'un jour viendrait où l'apport du caoutchouc en provenant amènerait une dépréciation considérable des caoutchoucs de cueillette, jusque-là maîtres et régulateurs du marché. Or, ce jour est venu. Dans les 115.000 tonnes environ qui représentent le total de la production mondiale en 1913, le caoutchouc de plantatation figure pour 42.000 tonnes. Et, comme il est produit à meilleur marché que le caoutchouc de cueillette, que d'autre part, l'augmentation de la consommation marche d'un pas moins rapide que celle de la production, l'affaissement des cours s'explique de lui-même.

On a prétendu, il est vrai, que la spéculation n'y était pas étrangère, et il y a très probablement une part de vérité dans cette affir

mation, certains financiers pouvant avoir été tentés par l'appât du bénéfice que la baisse des cours du produit lui-même leur permettrait de réaliser en achetant à vil prix les actions des Sociétés de plantation, entraînées, par voie de conséquence, dans le même mouvement de chûte. Il est possible, d'autre part, qu'on se soit montré optimiste à l'excès en ce qui concerne le prix de revient du caoutchouc de plantation et qu'à l'user, après une expérience plus longue, ce prix se révèle supérieur aux évaluations qu'on en donne comme ayant un caractère général et définitif et qui ne sont sans doute exactes qu'à titre exceptionnel et pour le moment présent. On peut encore ajouter que les qualités de nervosité du caoutchouc de cueillette lui assureront toujours la préférence sur le caoutchouc de plantation.

Néanmoins, ces réserves faites, et quelque importance qu'on leur accorde, il reste que l'entrée en scène de celui-ci crée pour les pays qui s'en sont tenus jusqu'ici à l'exploitation du caoutchouc sauvage une situation critique. Au nombre de ces pays sont nos possessions de l'Afrique Occidentale et de l'Afrique Orientale, avec cette circonstance aggravante pour les secondes que ce produit constitue l'élément de beaucoup le plus important de leur commerce d'exportation, tandis que dans celui des premières, il occupe une place qui, pour importante qu'elle soit, est, relativement secondaire.

De cette constatation on peut déjà tirer une indication précieuse quant aux remèdes propres à atténuer les effets de la crise, sinon à la conjurer complètement. Elle met en effet dans une lumière décisive les dangers de la monoproduction à laquelle notre colonie du Centre africain s'est vue condamnée, faute de l'outillage économique nécessaire pour mettre en valeur ses autres richesses naturelles, faute, aussi, d'un organisme scientifique qui aurait pour mission, par une expérimentation méthodique et suivie, de prépa rer les voies à l'exploitation de produits agricoles ou forestiers autres que le caoutchouc, voire même de faciliter la substitution progressive du caoutchouc de plantation à celui de cueillette. Pour ce qui est de la création de cet organisme, nous croyons savoir que l'administration locale l'a mise à l'étude. Quant à la constitution de l'outillage économique indispensable à nos possessions de l'Afrique équatoriale, la solution est entre les mains du Parlement et il dépend exclusivement de lui, en hâtant le vote du projet d'emprunt dont il est saisi, de sauver ces possessions de la ruine dont elles sont menacées.

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