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I

LE DOMAINE

DES COMMUNES DE FRANCE, DES DÉPARTEMENTS

ET DES ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE

J'ai donné récemment, dans un grand journal parisien (1), le résumé de la statistique des biens possédés par les communes et les départements de France, dont la Revue Politique et Parlementaire publie ici les tableaux complets.

C'est une première évaluation du domaine départemental et du domaine communal, faite par la collaboration des administrations préfectorales, du ministère de l'Intérieur et du rapporteur général du budget de 1910 à la Chambre des députés. Jusqu'alors, la valeur de cette partie importante du domaine national était complètement ignorée.

Après quelques tâtonnements et une tentative malheureuse, il a été possible de faire évaluer et grouper en catégories semblables, dans chaque département, les édifices de tous genres, les terres, forêts, objets mobiliers et valeurs mobilières, dont les communes d'une part, les départements de l'autre, les établissements communaux de bienfaisance en troisième lieu, étaient propriétaires. Leur valeur en capital et leur revenu annuel ont été estimés, très exactement pour beaucoup de ces biens, au sujet desquels la comptabilité ou des actes récents fournissaient des chiffres incontestés; pour d'autres, l'estimation était plus aléatoire, et il est probable qu'on a apprécié assez différemment, d'une commune à l'autre, d'un département à un autre département. Des erreurs ont pu, en outre, se produire erreurs de jugement ou erreurs de calculs; et des lacunes existent à n'en pas douter.

Ce serait donc s'avancer beaucoup que d'attribuer aux statistiques ainsi dressées l'exactitude et la précision désirables. Elles

(1) Voir Le Temps des 11 et 13 septembre 1913.

valent ce que valent toutes les statistiques administratives dressées pour la première fois, et n'ayant pas pour base une perception fiscale. Ce n'est qu'avec le temps, en répétant les mêmes opérations et en les surveillant, en donnant une plus complète unité de vues et de méthodes aux organes chargés de les dresser, qu'on les corrige et les améliore.

Telles qu'elles sont ici établies, pour le début de l'année 1910, elles renseigneront en gros sur la valeur du domaine départemental et communal.

DOMAINE COMMUNAL.

Pour évaluer la valeur des biens mobiliers et immobiliers possédés par les 36.000 communes de France, on a divisé ces biens en cinq catégories, dont deux comprennent des propriétés foncières bâties, une les propriétés foncières non bâties, deux les biens meubles.

La première catégorie groupe, sous le nom d'édifices administratifs, les mairies, écoles, postes de police, justices de paix, etc. La seconde comprend les autres édifices communaux, comme les marchés, lavoirs, presbytères, etc.

La troisième renferme toutes les propriétés foncières non bàties, terres, incultes ou cultivées, jardins, forêts, etc.

La quatrième catégorie comprend les objets mobiliers, meubles meublants, matériels divers, etc.

La cinquième, enfin, est celle des valeurs mobilières, dont la majorité est composée de titres de rente dont les revenus ont une affectation spéciale.

Le premier tableau qui suit la présente note donne la valeur, dans chacun de nos 86 départements métropolitains, des biens communaux de ces cinq catégories.

Le total s'en établit ainsi pour l'ensemble des communes de France:

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Le département de la Seine, qui comprend Paris et sa prodigieuse accumulation de richesses, vient naturellement en tête des départements de France pour la valeur du domaine de ses 78 communes. Le total en est très voisin de la somme de trois milliards, soit plus du tiers de l'ensemble des biens des communes françaises.

Après le département de la Seine et loin derrière lui, le département du Nord occupe le second rang, avec une valeur de 329 millions de francs pour le total des biens de ses 666 communes. Viennent ensuite les communes du Doubs, avec 198 millions; celles des Vosges, avec 166 millions; celles de la Meuse et celles de Meurthe-et-Moselle, 155 millions; les communes de la Seine-Inférieure,152 millions, etc.

Les départements dans lesquels le montant du domaine communal est le plus faible, sont le Gers et les Basses-Alpes, dont les biens des communes, dans l'un comme dans l'autre, n'atteignent pas un total de 12 millions 1/2 de francs; puis vient le Tarn-etGaronne, avec 15 millions 1/2; le Lot, la Lozère, la Haute-Loire et l'Orne, avec un domaine communal compris entre 16 et 17 millions.

La propriété foncière non bâtie qui, dans l'ensemble du domaine communal de la France, représente près de 3 milliards de francs, est très inégalement répartie entre les départements. Les communes des régions forestières ont, en général, un riche domaine de propriétés non bâties, tandis qu'ailleurs le montant de ces biens tombe à un chiffre très faible et même nul. Les départements de l'est de la France sont, à ce point de vue, les plus favorisés. Les communes des Vosges ont un domaine rural, presque entièrement forestier, de 107 millions 1/2 de francs; ce même domaine dans la Haute-Saône et la Meuse, est d'environ 102 millions; dans Meurthe-et-Moselle il est de 89 millions 1/2; de 73 millions dans le Jura, de 68 millions dans la Haute-Marne....

Les propriétés non bâties des communes du département de la Seine, dont la valeur totale est proche de 1 milliard 1/2 de francs, doivent à leur situation dans la capitale ou dans sa banlieue immédiate, leur prix exceptionnel.

Il est intéressant de comparer la valeur des biens possédés par les communes de France au montant des dettes qu'elles ont contractées. Le total de ces dettes s'élevait, au début de l'année 1910. c'est-à-dire à l'époque même où était faite l'évaluation dont il est rendu compte ici, à 4 milliards 164 millions 693.791 francs.

Ainsi, à côté d'un actif communal de 8 milliards en chiffre rond, pour l'ensemble de la France, s'aligne un passif qui est assez exactement de la moitié.

Inutile de dire que la proportion change, si l'on met en regard la charge annuelle que les emprunts contractés imposent aux communes et le revenu des biens communaux. Alors que l'annuité payée par l'ensemble des communes pour le service de leurs emprunts n'est pas inférieur à 160 millions de francs, les revenus de biens communaux n'atteignent pas un total de 80 millions.

C'est que la plus grande partie des propriétés foncières des communes, en particulier les édifices affectés à des services publics,ne donnent pas de revenus proprements dits.Pour un ensemble de propriétés bâties, d'une valeur en capital de 3 milliards 769 millions, les communes ne tirent guère que 39 millions de revenu annuel, soit 1 0/0 environ. Le revenu des propriétés non bâties n'est guère supérieur.

DOMAINE DÉPARTEMENTAL.

Les biens possédés par les départements de France ont une valeur totale bien inférieure à celle des biens possédés par les communes. Tandis que celles-ci ont un domaine de plus de 8 milliards de francs, le domaine départemental est de 718 millions, c'est-àdire moins du dixième.

Les biens du domaine départemental ont été divisés en six groupes, un de plus que les biens communaux. C'est que la majorité des départements possèdent en propre des établissements de bienfaisance, qu'on ne peut légitimement distraire du domaine départemental. De là, des propriétés bâties d'une espèce spéciale, qu'il était aisé de mettre à part des autres édifices dont le département est propriétaire.

Les six catégories ainsi établies des biens départementaux font l'objet du troisième tableau actuellement publié par La Revue Pol. et Parl. Ces catégories sont les suivantes :

1° Edifices administratifs, comprenant les hôtels des préfectures et des sous-préfectures, les bâtiments des archives, palais de justice, prisons, maisons de la gendarmerie, etc.;

2o Etablissements départementaux de bienfaisance, c'est-à-dire hospices, asiles d'aliénés, écoles de sourds-muets, etc., appartenant aux départements.

3° Autres édifices départementaux (écoles d'agriculture, stations agronomiques, laboratoires, etc.);

4° Propriétés foncières non bâties;

5° Objets mobiliers, meubles meublants, matériels divers, etc.; 6° Valeurs mobilières, avec ou sans affectation spéciale.

La valeur totale du domaine départemental s'établit de la manière suivante :

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Comme lorsqu'il s'agit des biens possédés par les communes qui le composent, le département de la Seine tient la tête pour la valeur du domaine départemental, qui est de 136 millions de francs.

Le Rhône occupe le second rang, avec un ensemble de biens départementaux de près de 36 millions. La Seine-Inférieure possède des biens pour 28 millions; le Nord, 19 millions 1/2; Meurthe-etMoselle, plus de 16 millions 1/2; Bouches-du-Rhône, 14.406.000 francs; Loire-Inférieure, Hérault, Pas-de-Calais, plus de 13 millions chacun; Maine-et-Loire et Aisne, 12 millions; Oise et Marne 11 millions, etc..

Au bas de l'échelle, se trouve le département des Basses-Alpes avec un domaine départemental de 1 million de francs; puis le Tarn, Belfort, la Creuse, les Hautes-Pyrénées, chacun de 1 million 1/2 à 2 millions.

En regard de la valeur totale du domaine départemental, évalué à 718 millions au commencement de 1910, il faut placer le montant des dettes départementales à la même époque, dont l'ensemble est de 992 millions 823.025 francs; soit un passif d'environ 40 0/0 supérieur à l'actif.

Quant au revenu des biens possédés par les départements, il est faible pour tous, insignifiant et négligeable pour quelques-uns. Le total, dans la France entière, ne dépasse pas 1 million 1/2 de francs. Alors que les communes ont un beau domaine forestier qui leur procure des revenus appréciables, le domaine forestier départemental est inexistant.

REVUE POLIT., T. LXXVIII.

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