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Les Anglais resteront-ils donc relativement désarmés sur le marché australien en présence de la concurrence américaine? La marchandise suivant généralement le pavillon, ils peuvent, à la vérité, compter sur le secours de leur puissante flotte de commerce; mais il convient de noter qu'il entre dans les vues du gouvernement américain de donner un développement considérable à la marine marchande des Etats-Unis qui ne joue, actuellement, qu'un rôle insignifiant dans leur commerce extérieur, en transportant seulement 8 0/0 environ (1).

En réalité, si les Anglais n'ont pris, en prévision de l'ouverture du canal, aucune mesure spéciale de nature à protéger leurs marchés d'Australasie vis-à-vis des Etats-Unis, ils n'ont pas laissé d'agir dans ce sens d'une manière énergique, il y a quelques années, en faisant établir dans leurs colonies des tarifs de douane favorisant l'entrée des produits britanniques.

L'Australie et la Nouvelle-Zélande, extrêmement protectionnistes, frappaient, également, de droits très élevés tous les articles manufacturés sans aucune distinction d'origine. Or depuis longtemps les effets de la concurrence allemande et américaine s'y faisaient sentir: ainsi les exportations anglaises en Australie sont tombées de 71,62 0/0 du total des importations australiennes en 1895 à 60,10 0/0 en 1908. A la suite de négociations laborieuses, l'Angleterre réussit à obtenir de ses colonies, en faveur de ses produits, des tarifs douaniers préférentiels qui sont en vigueur depuis 1903 en Nouvelle-Zélande et en Australie depuis 1908. Sur la base des importations de l'année 1908, les produits anglais étaient frappés de droits moins élevés que les étrangers de 5,10 0/0 en moyenne en Australie et de 12,69 0/0 en Nouvelle-Zélande.

duisent pas en quantité suffisante. Ainsi, bien qu'ils possèdent un troupeau important, ils ont acheté à l'extérieur, en 1909, 120.665 tonnes de laine, dont 16.049 d'origine australienne. Il n'est pas douteux que les exigences de leur industrie les rendront de plus en plus tributaires de l'Australie pour la laine. On pourrait en dire autant de leurs autres importations australiennes.

(1) Une très récente manifestation de la volonté qu'ont les Etats-Unis de relever leur flotte de commerce apparaît dans la loi douanière qu'ils ont mise en vigueur en octobre dernier: une clause du nouveau tarif assure une détaxe de 5 0/0 aux marchandises importées aux Etats-Unis sous pavillon américain.

Quelle conséquence a eue l'application de ces tarifs ? On peut vraisemblablement lui attribuer, autant qu'à la dépression très marquée qui frappa l'ensemble du commerce extérieur des Etats-Unis en 1909, la chute des exportations américaines en Australasie pendant la même année; les exportations des Etats-Unis en Australie qui s'élevaient en moyenne à 12,3 0/0 du total des importations australiennes pendant la décade 1899-1909, sont tombées à 9,7 0/0 en 1909 avec 24.348.000 dollars. Mais déjà en 1910 elles se relevaient à 10,8 0/0 avec 31.607.000 dollars et en 1911 à 11,6 0/0 avec 37.706.000 dollars. Les importations néo-zélandaises en provenance des Etats-Unis, après un recul, semblent se relever aussi, mais plus lentement parce que plus durement frappées par les nouveaux tarifs. Ainsi donc, autant qu'on en peut juger maintenant, la mise en vigueur des tarifs préférentiels ne paraît pas avoir contrarié d'une façon durable le mouvement des exportations américaines en Australasie, et particulièrement en Australie qui absorbe près des 5/6 de leur masse. D'ailleurs l'établissement de ces tarifs est encore si récent et a rencontré, au moins en Australie, de telles résistances qu'il n'y a pas lieu d'en prévoir l'aggravation dans un avenir prochain (1). En sorte qu'on peut logiquement penser que les avantages exceptionnels dont jouiront les manufacturiers américains, à l'ouverture du canal, auront leur plein effet et détermineront un développement considérable des exportations américaines en Australasie.

Nous nous sommes étendu un peu longuement sur les relations commerciales des Etats-Unis avec l'Australasie, car le trafic de ces deux pays, appelé, dans sa totalité, à emprunter la route de Panama et ouvert aux perspectives les plus brillantes, semble devoir occuper une place prépondérante dans le tonnage de la navigation entre Panama et l'Australasie.

(1) On conçoit facilement la résistance opposée à une diminution des tarifs douaniers en faveur de l'Angleterre par l'Australie et la NouvelleZélande, si l'on considère qu'elles tirent de leurs douanes leurs principaux revenus, qu'elles pratiquent avec l'Angleterre la plus grande partie de leur commerce extérieur et que cette dernière ne consentait point, d'ailleurs, à se départir de ses traditions libre-échangistes pour leur accorder un traitement réciproque.

Le tonnage d'escale à Tahiti est étroitement lié au tonnage qui circulera sur la route Panama-Australasie et participera à son développement. Il convient cependant de signaler un fait qui pourrait, dans l'avenir, amoindrir la force de cette liaison, savoir la substitution des huiles lourdes de pétrole au charbon et surtout la substitution des moteurs à combustion genre Diesel aux machines à vapeur à bord des navires. L'accroissement considérable du rayon d'action qui en serait la conséquence permettrait aux navires d'effectuer de longs parcours sans se ravitailler et d'éviter les dépôts où le combustible est cher (1). M. Douvry a traité cette question avec une documentation fort étendue dans son rapport, et il estime que toute affaire basée sur la vente du combustible pourrait être ruinée de ce fait. Il convient, certes, d'attacher à ce point de vue l'importance qu'il mérite et on peut en conclure, d'une part, que l'avenir du port de Papeete n'est pas exempt d'un certain aléa, d'autre part, qu'il pourra être opportun d'y installer un dépôt de pétrole. Le port d'Honolulu possède trois dépôts d'huiles minérales qui ravitaillent les navires des lignes de San-Francisco. Il n'est que juste d'ajouter que la question des moteurs Diesel à grande puissance n'est pas encore au point : la période des études et essais n'est pas close. Et en ce qui concerne le port de Papeete, le rapport du comité des Travaux publics nous paraît donner à ce sujet la note juste: « La transformation du matériel de la navigation, si elle devenait inévitable (par suite de l'adoption généralisée du moteur Diesel), exigerait des capitaux énormes; elle ne pourrait donc être réalisée qu'avec du temps. Il est permis de penser que d'ici là la navigation au charbon aura pu produire les effets favorables qu'on peut en attendre pour notre établissement français d'Océanie... Le Comité estime qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter à cette objection.

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(1) L'accroissement du rayon d'action des navires par l'emploi du moteur Diesel résulte de sa faible consommation (200 à 250 grammes d'huile par cheval-heure au lieu de 600 à 800 grammes de charbon dans les machines à vapeur), et de la possibilité d'emmagasiner le combustible liquide dans les doubles fonds et les réservoirs à ballast inutilisables pour le charbon.

En résumé,

Le commerce des Etats-Unis avec l'Australasie dans sa totalité, le commerce de l'Europe avec la Nouvelle-Zélande, pour une part notable, et avec l'Australie, pour une part très faible, emprunteront à l'avenir la route de Panama. Une fraction fort importante de ce mouvement maritime utilisera l'escale et le dépôt de charbon de Papeete. La situation privilégiée dont bénéficieront les Etats-Unis pour leurs relations avec l'Australasie, dès l'ouverture du canal, permet d'escompter un accroissement considérable de la navigation sur les routes de Panama à l'Australasie, et un développement rapide du tonnage d'escale à Papeete et de la richesse générale de notre colonie. Mais pour que ces perspectives favorables se réalisent, il est indispensable que le port de Papeete soit très promptement aménagé ; il y a urgence. L'ouverture du canal de Panama est annoncée officiellement pour le 1er janvier 1915, or il faut au minimum deux ans pour que les aménagements projetés à Papeete soient exécutés. Dès maintenant, nous sommes donc en retard; si de nouveaux atermoiements s'ajoutent à ceux qui se sont déjà produits, il est fort à craindre que la navigation qui empruntera la nouvelle route maritime, obligée au début de prendre des dispositions qui la dispensent de faire escale à Papeete, ne contracte des habitudes qu'il sera ensuite très difficile de modifier. On disait autrefois de l'Autriche qu'elle était constamment en retard d'une idée, d'une armée et d'une année; il faut prendre garde que dans l'occurence ce dicton ne s'applique à notre pays; et qu'après le lamentable échec de l'entreprise française de Panama, nous ne nous mettions même pas en mesure de recueillir le bénéfice de la dernière et relativement bien faible compensation que la fortune nous ait réservée.

J. VOLMAT.

Ingénieur hydrographe de la Marine.

RELATIF AUX USINES HYDRAULIQUES

ÉTABLIES SUR LES COURS D'EAUX ET CANAUX DU DOMAINE PUBLIC

Le Séant, avait consacré, en mars dernier, quatre séances à l'examen du projet de loi, déjà voté par la Chambre, relatif aux usines hydrauliques établies sur les cours d'eau et canaux du domaine public (1). Au cours de la discussion, il était apparu que nombre de points, soulevés par cette importante et délicate réforme, méritaient une étude plus approfondie et, pour donner le temps à sa commission de préparer la rédaction définitive de ceux des articles sur lesquels son attention. avait été plus particulièrement attirée, la Haute Assemblée avait décidé qu'il serait procédé à une seconde lecture. La commission sénatoriale se mit aussitôt au travail. Elle tint à s'entourer des avis les plus autorisés et la Chambre syndicale des forces hydrauliques fut invitée à présenter les observations que pouvait lui suggérer le projet en discussion. En juillet dernier, M. Cazeneuve (2) déposa un deuxième rapport supplémentaire sur lequel le Sénat a été appelé à statuer dans sa séance du 20 novembre dernier (3).

Le moment nous paraît donc bien choisi pour analyser et apprécier le texte adopté par la Haute Assemblée. Mais une question aussi complexe, qui met tant et de si grands intérêts en jeu, vaut la peine qu'on l'examine tout d'abord dans son

(1) J. O., Débats parlem. S. O. 1913, p. 147 à 205.

(2) Annexe au procès-verbal de la séance du 25 juillet 1913. Sénat, n° 330.

(3) J. O., Débats parlem., S. Extr., 1193, p. 1435-1448.

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