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nous supposerons que ce tonnage comprend exclusivement des cargo-boats: nous obtiendrons ainsi un chiffre minimum, car un paquebot, à tonnage égal, prendra beaucoup plus de charbon qu'un cargo-boat. Il ne paraît pas douteux, d'ailleurs, que deux lignes de paquebots fournissant environ 48 passages pratiqueront, dès l'ouverture du canal, la route Panama-Australasie et le port de Papeete, contribuant ainsi à accroître notablement le chiffre que nous aurons obtenu. Le type de cargo-boat que nous avons considéré plus haut aura besoin de 600 tonnes de charbon environ pour le parcours Papeete-Sydney et de 400 pour le parcours PapeeteAuckland. Tablons sur une fourniture moyenne de 500 tonnes. Notre tonnage probable de 600.000 tonnes de jauge nette, représentant 150 bâtiments de 4.000 tonnes, correspondrait ainsi à une fourniture probable de charbon de 75.000 tonnes. Ces chiffres de 600.000 tonnes de jauge nette et de 75.000 tonnes de fourniture de charbon sont, nous le répétons, des chiffres minimums et, comme nous le verrons plus loin, destinés selon toutes probabilités à être rapidement et largement dépassés, à raison des perspectives de développement considérable des relations commerciales entre l'Australasie et les Etats-Unis de l'Est. Il est ainsi permis de considérer les chiffres de 900.000 tonnes de jauge et de 112.000 tonnes de charbon indiqués pour 1915 dans le rapport de M. Jullidière comme susceptibles d'être réalisés à brève échéance et par la suite notablement dépassés eux-mêmes.

Ravitaillement du dépôt de charbon à Papeete. - Le prix de revient du charbon à Tahiti étant un facteur important dans la destinée du port d'escale, il convient de montrer que Papeete bénéficiera pour son approvisionnement en charbon de conditions plutôt favorables, malgré son éloignement des pays producteurs.

Ces derniers sont, dans l'Océan Pacifique, par ordre d'importance l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, la Colombie britannique, l'état de Washington, le Chili. Le charbon des pays autres que l'Australie et la Nouvelle-Zélande

est relativement cher, en général d'assez médiocre qualité (1) et, de plus, le transport à Tahiti en serait fort coûteux.

Le charbon de Nouvelle-Zélande, de qualité tout à fait supérieure, est cher et ne fournit rien à l'exportation. Le charbon australien, qui se vend à Newcastle entre 12 fr. et 14 fr., est d'excellente qualité et s'exporte, en quantités considérables, principalement dans le Pacifique sud et les régions tropicales du grand Océan. Il pénètre jusqu'en Californie et aux îles Hawaï. Il semblera d'autant plus indiqué que Papeete fasse, en général, venir son charbon d'Australie qu'il pourra bénéficier d'un fret de retour dans cette direction. L'île de Makatea, à 120 milles au Nord-Est de Tahiti, possède d'importants gisements de phosphates de chaux dont l'exploitation prendra certainement de l'extension grâce à l'abaissement des frets qui suivra, à Tahiti, l'ouverture du canal. Or l'Australie est une grande consommatrice de phosphates et les besoins de son agriculture croissent rapidement. L'exportation de phosphates en Australie et l'importation de charbon à Papeete semblent devoir marcher de pair et bénéficier ainsi de conditions de fret privilégiées.

Papeete, placée à proximité d'un très large courant de navigation, pourra encore, d'une autre manière, obtenir pour son charbon des transports avantageux. Un certain nombre de cargos devant partir soit d'Australie, soit des Etats-Unis, partiellement chargés en marchandises pourraient compléter leur chargement avec du charbon à destination de Tahiti. Le déroutement dû à l'escale de Tahiti occasionnant une dépense supplémentaire de quelques milliers de francs, 3.000 à 4.000 francs pour le type de cargo que nous avons envisagé ci-dessus, il leur suffirait d'apporter 500 à 600 tonnes de charbon, même à un fret de 15 francs, pour retirer un bénéfice d'une escale à Papeete; le charbon qui coûte à New-York et à Newcastle moins de 15 fr. pourrait donc revenir à Tahiti à 30 fr. environ. Saint-Vincent, dans les îles du cap Vert, où le cardiff se vend 36 fr., est en partie approvisionné de cette manière par de nombreux cargos qui y déposent quelques centaines de tonnes de charbon.

(1) Chili, Colombie-britannique, Washington.

III. AVENIR DU MOUVEMENT MARITIME ENTRE PANAMA ET L'AUSTRALASIE. DÉVELOPPEMENT DU COMMERCE DES ETATSUNIS AVEC L'AUSTRALASIE.

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Parmi les faits de nature très complexe qui influeront sur le mouvement maritime entre Panama et l'Australasie - et sur le tonnage d'escale à Papeete, il en est un qui semble devoir exercer une action prédominante et dans le sens d'un développement très remarquable, c'est la situation privilégiée que créera aux Etats-Unis l'ouverture du canal vis-à-vis du marché australasien. Il convient d'y insister un peu.

Ainsi que nous l'avons vu, la fraction du commerce australasien qui empruntera la voie de Panama se répartira entre trois branches principales. Le trafic de la branche (Australasie-Etats-Unis) est assuré à cette route dans sa totalité, alors que celui de la deuxième (Nouvelle-Zélande-Europe) ne lui est asuré que pour une fraction que nous avons estimée voisine du 1/3, et celui de la troisième (Australie-Europe), pour une fraction estimée à 1/30. Tout fait qui tendra à dériver une partie du commerce de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande avec l'Europe au profit de leur commerce avec les Etats-Unis, sera donc particulièrement favorable à la route Panama-Australasie, qui profitera ainsi intégralement d'un tonnage dont elle n'eût enregistré qu'une faible fraction.

Or il n'est pas douteux que l'ouverture du canal aura un tel effet. New-York est actuellement beaucoup plus éloigné du marché australien que les ports d'Europe; mais, par la voie de Panama, New-York sera plus près de Sydney que Liverpool d'environ 2.000 milles. Grâce au meilleur marché de leur production et aux frets moins élevés dont ils bénéficieront, les manufacturiers américains pourront détourner une part importante des exportations de l'Europe vers l'Australie, qui nécessitaient, en 1909, un mouvement de 2.446.367 tonnes de jauge dont 1.363.101 pour la seule Angleterre.

Cette espérance est nettement formulée dans le rapport de la Commission américaine (1899-1901): « Quand l'ouverture du canal aura supprimé notre actuel handicap et notre désa

vantage en distance par rapport à l'Europe, notre commerce avec l'Australasie se présentera dans des conditions beaucoup plus favorables >>.

Ce commerce a déjà, d'ailleurs, réalisé des progrès extrêmement rapides au cours des dernières années. Il se chiffrait

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Ces chiffres représentent le commerce total des Etats-Unis avec l'Australasie, mais la part des Etats industriels de l'Est est prépondérante: ainsi, en 1909, elle s'élève à 41 millions 126.925 dollars.

Les exportations des Etats-Unis vers l'Australasie sont d'ailleurs nettement plus importantes que leurs importations. Pendant la décade (1899-1909), les premières se sont élevées en moyenne à 29.772.000 dollars par an, et les importations à 10.182.000 dollars.

Les exportations des Etats-Unis en Australasie ont cru pendant la décade (1899-1909) de 50 0/0, alors que leurs exportations en Europe ont cru de 22 0/0 et en Asie de 48 0/0. Les importations des Etats-Unis en provenance d'Australasie ont cru de 366 0/0 pendant la même décade, alors que leurs importations d'Europe ont cru seulement de 85 0/0 et celles d'Asie de 84 0/0. Ainsi c'est avec l'Australasie que le commerce extérieur des Etats-Unis a fait les plus rapides progrès de 1899 à 1909. Ce commerce, on le sait, se compose à l'exportation à peu près des mêmes produits d'industrie que le commerce de l'Angleterre avec l'Australie. Or si on considère les nombreux liens de race, de traditions, d'intérêts qui unissent l'Australasie à l'Angleterre, et les habitudes d' commerce extérieur qui en assurent encore, malgré un déclin marqué, plus de la moitié à cette dernière en 1909, on considère de plus que la route de New-York à Sydney est plus longue que celle de Liverpool à Sydney de 1900 milles

si

(1) La part de la Nouvelle-Zélande est voisine du 1/6 du commerce total de l'Australasie avec les Etats-Unis, elle s'élevait en 1909 à 8.311.202 dollars.

par Suez et de 700 par le Cap, - enfin que les besoins de l'alimentation nationale en Angleterre lui fournissent, dans son commerce avec l'Australasie, un fret de retour qui manque aux Etats-Unis, on se rend compte combien est remarquable un tel rapprochement commercial entre l'Australasie et les Etats-Unis et combien il souligne la puissance d'exportation américaine.

Il est peu probable d'ailleurs que le commerce d'exportation des Etats-Unis en Australie soit menacé, dans un proche avenir, par le développement de l'industrie australienne. Des trois éléments nécessaires à la grande industrie fer et charbon en abondance, -main-d'œuvre à bon marché, hardis capitaux, l'Australie possède bien le fer et le charbon; mais la main-d'œuvre y est rare et chère et les capitaux y sont d'une timidité excessive, le fait est connu de tous. Les exigences de son développement économique très remarquable, les nécessités de sa défense nationale rendront longtemps encore l'Australie tributaire des grandes nations industrielles pour son matériel d'agriculture, de mines, la construction de ses chemins de fer et pour une foule d'objets manufacturés.

D'aucuns penseront que l'insuffisance du fret de retour opposera un obstacle insurmontable au développement du commerce des Etats-Unis avec l'Australasie. Il est peu probable, étant donnée sa progression dans des conditions particulièrement désavantageuses. De plus, cet obstacle manifeste une tendance à s'atténuer. Il y a quelque 15 ans, le fret de retour sur les Etats-Unis était fort mince en 1899, les importations des Etats-Unis en provenance d'Australie s'élevaient seulement à 15 0/0 du commerce total des deux pays; cette proportion a passé à 36 0/0 en 1909. Nous venons de voir que les exportations des Etats-Unis à destination de l'Australasie avaient crû de 50 0/0 pendant la décade 18991909, alors que leurs importations avaient augmenté de 366 0/0. Ces chiffres sont très dignes d'attention, car ils témoignent, entre les deux pays, d'un commerce plus systémafisé, d'une dépendance économique plus étroite (1).

(1) Malgré leurs richesses en matériaux d'industrie, leurs industries se développant et se diversifiant de plus en plus, les Etats-Unis achètent à l'étranger, en quantités croissantes, les matières premières qu'ils ne pro

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