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un certificat d'années d'études, les dispensant à l'avenir de l'obligation de suivre les cours. Pourraient également se présenter à cet examen et obtenir leur certificat d'études professionnelles :

1o Les jeunes gens et jeunes filles ayant terminé leurs études dans une école publique ou privée d'enseignement technique ;

2o Egalement ceux ou celles qui, occupés dans le commerce ou l'industrie, âgés d'au moins 16 ans, résideraient dans des communes où les cours obligatoires ne seraient pas organisés.

Le projet prévoit des équivalences, indique des certificats de capacité dont la possession entraînera dispense, se prête à toutes les dérogations nécessaires, et ménage une période de transition, de manière à garder une grande souplesse, et à constituer, dans son texte et dans son esprit, au regard des patrons et des ouvriers, une aide efficace, et non une gêne.

Il n'a pas la prétention d'être intangible; il peut être amendé et perfectionné. Mais tel qu'il est, il offre une base de discussion sérieuse,

Quelles seraient les conséquences de cette loi? Résumonsles en quelques mots :

Au point de vue économique, la préparation méthodique de l'armée du travail procurerait aux patrons les collaborateurs qui leur font souvent défaut; si, dans les industries d'art, il est déjà devenu malaisé de trouver de jeunes ouvriers aptes à remplacer les anciens, il est à craindre, au train dont vont les choses, que, dans un délai prochain, les mêmes difficultés ne se fassent sentir dans les industries de tout ordre bâtiment, mécanique, métallurgie, tissage, etc. En associant l'école à l'atelier, en les complétant l'un par l'autre, en faisant la part plus large, suivant les cas, à l'un ou à l'autre, on transformerait les conditions de l'apprentissage, on doterait l'industrie et le commerce d'un personnel à l'esprit plus ouvert. à la technique plus étendue, à la conscience plus éclairée. Au milieu des perfectionnements incessants de l'outillage moderne, l'ouvrier se reconnaîtrait plus vite, perdrait moins de temps, produirait davantage. Au

REVUE POLIT., T. LXXVIII.

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magasin, à la banque, l'employé se mettrait rapidement au courant des opérations les plus dissemblables, par le fait seul qu'il serait pourvu des notions théoriques commerciales en rapport avec sa profession. La qualité du travail y gagnerait. On a calculé que, dans un même temps, l'ouvrier français fournissait un effort utile moindre que la plupart des ouvriers étrangers; son salaire, quoique souvent inférieur à celui de ses camarades du dehors, prélève 32 pour 100 sur le rendement, alors que la proportion s'abaisse en Allemagne à 28 pour 100, en Angleterre à 26 pour 100, en Amérique à 18 pour 100. Il y aurait donc intérêt pour le patron à ce que l'enseignement accrût la valeur du travailleur et, du même coup, le rendement moyen de sa journée de travail.

Mais l'intérêt n'est pas moindre pour l'ouvrier. Lui apprendre complètement son métier, le mettre en état de l'exercer intelligemment dans son ensemble et dans ses parties, « c'est lui fournir, selon l'expression de Jules Ferry, le moyen d'échapper à cette spécialisation à outrance qui l'abaisse et l'asservit » ; c'est le soustraire à ces chômages périodiques, à ces mortes saisons qui frappent les spécialités de toutes les professions en condamnant les spécialistes au repos forcé, quelquefois à la misère; c'est lui permettre, dans certains cas, de s'élever jusqu'au patronat; c'est, en un mot, lui préparer une condition meilleure. Dirat-on qu'à trop instruire les ouvriers et les employés, un pays court le risque de manquer de bras pour remplir ces besognes modestes et infimes, dont personne ne voudra, et qui constituent cependant des rouages indispensables dans beaucoup de professions? On avait déjà prétendu, lors du vote des lois scolaires, que l'obligation primaire amènerait la disparition des hommes de peine et des domestiques; nous ne sachions pas qu'ils aient jamais manqué. Il n'en sera pas autrement dans les industries: malgré le principe de l'obligation de l'enseignement professionnel, il restera toujours assez, et trop, de manœuvres, parce que tous les jeunes gens ne profiteront pas également des cours et que ces cours ne pourront être institués dans toutes les communes. L'exemple de l'Allemagne, celui de la Suisse, où la

culture de l'ouvrier tient une si grande place, prouvent d'ailleurs qu'un tel danger n'est pas à redouter; les ouvriers instruits, habiles, y sont de plus en plus recherchés et rétribués. Chez nous, les apprentis connaissant bien la théorie et la pratique de leur métier commenceront par remplacer les éléments étrangers qui, dans certaines de nos régions, ont envahi l'industrie et le commerce; puis, entraînés à leur tour dans la lutte, ils iront offrir leurs services au dehors ou dans nos colonies, avec des chances de succès d'autant plus sérieuses que, à savoir égal, le jeune Français sera généralement préféré à ses compétiteurs, en raison de ses dons naturels et de sa faculté d'assimilation.

Au point de vue social, que d'avantages aussi. On se plaint avec raison de l'aggravation de la criminalité dans les grandes villes elle est due surtout, d'après les statistiques, aux jeunes gens de moins de vingt ans. L'ancien directeur général des Services pénitentiaires, M. Grimanelli, en faisait la constatation officielle : « La progression accusée par la criminalité juvénile, est un fait aussi certain que douloureux... Les mineurs commettent plus d'infractions et ils commencent plus tôt. Parallèlement, chez les filles s'abaisse l'âge de la prostitution commençante. » Jusqu'à ce que l'âge de scolarité primaire ait été reculé à quatorze ou quinze ans, la fréquentation de cours professionnels pendant trois années comblera en partie, le vide qui sépare l'école du régiment; elle entretiendra le goût du travail chez les adolescents, fortifiera le sentiment de leur dignité, rien n'étant plus moralisateur que l'étude.

Qu'il s'agisse des garçons ou des filles, les suggestions de la rue seront moins dangereuses quand elles auront pour contrepoids la certitude d'une vie normalement assurée par l'effort quotidien. Il y a plus: on a souvent reproché aux ouvriers des mouvements irréfléchis, des docilités fâcheuses aux appels de la violence, sans se demander si la société les avait suffisamment mis en garde contre leurs propres entraînements. Quand l'Etat aura pris la responsabilité de leur éducation technique, développant en eux à la fois l'homme et le citoyen, c'est toute une nouvelle mentalité qui se substituera à l'ancienne. Le travailleur obéira moins à ses nerfs

qu'à son jugement; il ne fera usage des armes que la loi lui confère qu'à bon escient, sans s'exposer à se blesser luimême; le meneur aura moins de part dans ses décisions que son intérêt bien compris. Et, par là, il sera vraiment l'artisan de sa propre destinée.

Prospérité industrielle et commerciale, intérêts du patron et de l'ouvrier, prévoyance sociale, ainsi tout s'accorde pour dicter au Parlement la résolution de solutionner ce problème si important.

A supposer que, au début, l'obligation légale post-scolaire ne touchât que la moitié, ou même le tiers, des 900.000 jeunes gens de moins de 18 ans, engagés dans le commerce et l'industrie, c'est 300 ou 400.000 recrues précieuses qu'on préparerait à l'armée économique, dont nous avons de plus en plus besoin pour lutter contre la concurrence étrangère.

Voilà, à notre avis, quelques-unes des améliorations à réaliser dans le domaine de l'éducation nationale professionnelle. Un grand pays, comme le nôtre, doit sans doute s'enorgueillir d'être un foyer littéraire et artistique dont le rayonnement puissant s'étend sous les formes les plus diverses à travers le monde, mais nous ne devons pas perdre de vue que cette suprématie intellectuelle ne peut être assurée et sauvegardée sans une prospérité matérielle incontestée. L'une est la conséquence naturelle de l'autre, et notre prospérité économique diminuera fatalement au profit de nos concurrents, si nous laissons ceux-ci nous devancer dans la voie des grandes entreprises commerciales et industrielles.

P. ASTIER.
Sénateur.

Président de la Commission sénatoriale

de l'Enseignement technique et de l'apprentissage,

Pour la première fois, le suffrage presque universel vient d'être appliqué en Italie. Les élections générales qui ont eu lieu le mois dernier ont été faites conformément à la loi du 30 juin 1912, qui, réformant le système censitaire jusqu'alors en vigueur, a porté le nombre des électeurs de 3.300.000 a 8.600.000. Pour la première fois, la consultation politique a eu ainsi, au moins théoriquement, un caractère national, toutes les classes sociales, même les plus basses, ayant été appelées à y participer. Les volontés qui ont été exprimées méritent d'être retenues, parce qu'elles témoignent avec netteté de l'orientation de l'esprit public chez nos voisins d'au delà des Alpes.

I

Il y a eu, lors des scrutins des 26 octobre et 2 novembre derniers, un nombre assez considérable d'abstentions dans certaines villes, le pourcentage des votants relativement aux inscrits a même été inférieur à celui constaté lors des précédentes élections de 1909. Ainsi à Rome, alors qu'en 1909 sur 29.916 électeurs, 15.018, soit plus de 50 pour 100, avaient voté, cette fois-ci (scrutin du 26 octobre) sur 108.297 inscrits on ne compta que 38.833 votants. Certains optimistes mirent les défections sur le compte du soleil d'automne, auquel beaucoup d'électeurs n'auraient pas su rester insensibles. Elles eurent aussi des causes plus profondes. La première a été certainement la complication même de la loi électorale,

(1) Au scrutin de ballottage du 2 novembre, le nombre des votants fut presque partout plus élevé.

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