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l'usine, au comptoir, au bureau, à la ferme, avec des connaissances plus étendues et aussi, profit appréciable, avec des forces physiques plus développées, puisque, ayant un an de plus, il pourrait ainsi se plier plus facilement aux exigences et aux fatigues du métier librement choisi.

Il est à noter au surplus que, dans la plupart des législations étrangères, la période de scolarité ne s'arrête qu'à 14 ans, quelquefois à 15 ans.

En ce qui concerne les écoles primaires supérieures au nombre de 423, qui comptaient au 1er janvier 1911 un effectif de 52.137 élèves (30.971 et 21.160 jeunes filles), on se rend compte, par le simple énoncé de ces chiffres, de quel secours elles peuvent être pour la prospérité économique du pays. Du jour où sans renoncer à la préparation des candidats aux écoles d'un degré supérieur ou aux emplois d'Etat, elles fortifieront leurs sections industrielles, commerciales, agricoles et ménagères, conformément aux vœux du Parlement, et s'efforceront d'orienter les élèves vers la vie active, au lieu de les en détourner, nul doute qu'elles ne s'acquièrent un titre de plus à la reconnaissance des familles. Nous savons que telles sont bien les tendances actuelles du ministère de l'Instruction publique et que, d'accord avec le ministère de l'Agriculture, il a pris, par exemple, l'initiative d'instituer dans certaines écoles des cours agricoles temporaires. Tout ce qui sera fait dans cet ordre d'idées mérite d'être encouragé.

L'école primaire supérieure, qui n'est plus l'école primaire et qui n'est pas le lycée ou le collège, renferme l'élite des enfants de ces travailleurs français qui ont eu le mérite de s'élever, à force de volonté et d'économie, au-dessus de leur condition première et nourrissent l'ambition de faire. une situation meilleure à leur descendance. Enfants et parents sont donc dans d'excellentes dispositions d'esprit pour écouter les conseils des maîtres; c'est à ceux-ci, suivant les aptitudes de l'élève, de lui indiquer la route à suivre dans son propre intérêt, et par là, ils serviront en même temps l'intérêt national, l'homme ne donnant son maximum de rendement qu'à la condition de bien connaître et d'aimer son métier.

Ne négligeons donc rien pour tirer le meilleur parti des réserves précieuses que nous offrent les écoles primaires supérieures.

Cours professionnels agricoles. Il faut à tout prix instituer des cours professionnels agricoles, annexés non seulement aux écoles primaires supérieures, mais encore et surtout à l'école primaire rurale. Dans un pays comme le nôrte, où l'agriculture constitue l'une des branches les plus importantes de la richesse nationale et occupe près de la moitié de la population, il serait illogique et dangereux de se désintéresser de l'instruction de ces millions de travailleurs qui vivent du sol et lui arrachent, au prix de durs efforts, la plupart des matières premières nécessaires à la vie même de l'industrie. La République a déjà fondé des écoles de tout ordre pour former des agronomes, des directeurs de grandes exploitations ou de fermes; elle a créé un corps spécial de professeurs chargés de vulgariser, dans un milieu encore enclin à la routine, les méthodes nouvelles de culture, l'emploi scientifique des engrais et la judicieuse adaptation des produits à la nature du terrain. Il reste beaucoup à faire. Quelle fortune pour la France si nos petits propriétaires, nos petits cultivateurs, nos paysans, race vaillante et vigoureuse, pouvaient tous recevoir une éducation appropriée, raisonner chacun de leurs actes et comprendre que l'isolement, si funeste à leurs propres intérêts, doit faire place à l'association!.

L'amélioration des méthodes de vente, la préparation même des produits, tout ce qui touche en un mot à la mise en valeur commerciale de notre agriculture peut aussi influer sur nos exportations à l'étranger et nous armer contre la concurrence.

M. Fernand David, ancien ministre de l'Agriculture, avait, émis l'idée qu'on pourrait, tout au moins pendant une partie de l'année, prélever sur la durée de la journée scolaire une heure ou une heure et demie qui serait consacrée à un enseignement purement agricole ou ménager à l'usage des adultes de plus de 13 ans, ayant par conséquent quitté l'école primaire.

Cet enseignement serait confié aux instituteurs et institutrices, dont le temps de travail resterait le même.

L'idée paraît ingénieuse, et mon ami, M. Clémentel, qui préside aujourd'hui aux destinées de l'agriculture nationale, a toute qualité pour l'étudier, d'accord avec le ministère de l'Instruction publique et en proposer la réalisation au Parlement. Il rendrait à coup sûr un grand service à son pays en contribuant par là, à faire aimer la terre et à enrayer l'émigration des campagnes vers les villes.

'Enseignement technique industriel et commercial. Reste enfin une œuvre considérable à continuer et à compléter elle intéresse ces autres travailleurs, également au nombre de plusieurs millions, engagés dans l'industrie et le commerce. C'est l'organisation de l'enseignement technique.

La question est à l'ordre du jour depuis plusieurs années et a fait, notamment en 1905, l'objet d'un projet de loi déposé à la Chambre des Députés, au nom du gouvernement, par M. Fernand Dubief, alors ministre du Commerce (1).

Depuis plus d'un demi-siècle, on se plaint que l'apprentissage se meurt en France et des faits chaque jour plus nombreux révèlent la gravité du mal. « La décadence de l'apprentissage, disait avec raison M. Alfred Picard, Président de la Commission permanente des valeurs de douane, dans son rapport sur le commerce extérieur de la France pendant l'année 1907, nous menace d'un désastre, d'autant plus redoutable, que l'industrie nationale vit essentiellement d'art, de goût, d'adresse, d'intelligente habileté, d'un ensemble de qualités ataviques, naguère cultivées avec un soin jaloux et transmises de génération en génération, comme un dépôt sacré. Cette décadence atteint du même coup la production et les ouvriers eux-mêmes qui, moins instruits, sont plus faciles à remplacer et plus exposés aux chômages. >>

(1) Qu'il me soit permis de rappeler ici qu'à la date du 21 juin 1912, j'interpellai le gouvernement pour connaître ses intentions et que j'ai déposé sur le Bureau du Sénat, le 4 mars 1913, une proposition de loi signée par 178 de mes collègues, qui est la reproduction dans ses lignes essentielles du projet Dubief.

Des causes multiples, on le sait, ont concouru à engendrer le mal. Les principales sont le développement de la grande industrie qui absorbe les patrons et les empêche de s'occuper des apprentis, l'invasion du machinisme et l'extrême spécialisation de la main-d'œuvre, enfin, la tendance des familles à chercher prématurément dans le travail rémunéré des enfants, un appoint pour leur modeste budget.

Les Pouvoirs publics se sont efforcés de remédier autant que possible à la situation en instituant des écoles professionnelles. Nous avons énuméré les établissements placés sous l'autorité du ministre du Commerce et nous avons constaté les services qu'ils rendaient au monde du travail. Mais, si précieuses que soient ces écoles, c'est à peine si elles peuvent recevoir 25.000 jeunes gens des deux sexes sur les 900.000 de moins de 18 ans employés dans le commerce et l'industrie ou s'y rattachant. Quels que soient d'ailleurs les sacrifices consentis sur le budget de l'Etat ou sur les budgets locaux pour l'accroissement des écoles pratiques, elles ne pourront jamais distribuer l'instruction qu'à un nombre restreint d'élèves.

D'où l'impérieuse nécessité de recourir à des moyens d'action plus généraux et moins onéreux.

C'est à quoi tend ma proposition de loi qui, à quelques simplifications près, contient les mêmes dispositions que le projet Dubief. Ce projet était le fruit d'une étroite collaboration entre le Conseil Supérieur de l'Enseignement technique, et le Conseil supérieur du Travail. Il comprend deux parties bien distinctes.

Dans la première partie, il dote l'enseignement technique d'une véritable charte, codifie les dispositions en vigueur, règlemente les écoles techniques privées et prévoit, en vue d'en favoriser l'essor, les conditions dans lesquelles l'Etat pourra les subventionner. Il n'est pas douteux, en effet, que certaines écoles privées, telles les écoles d'électricité de Paris, telles les écoles d'ingénieurs, tel l'Institut industriel du Nord, telle l'Ecole d'horlogerie de la rue Manin, etc., ont fait leurs preuves et affirmé indiscutablement leurs mérites, mais il n'est pas douteux non plus que, contrôlées par l'Etat et délivrant des diplômes officiellement reconnus, elles

auraient eu un champ d'action beaucoup plus considérable et formé un personnel plus nombreux.

La seconde partie, plus importante et plus nouvelle, crée pour les jeunes gens ou jeunes filles ayant moins de 18 ans et employés dans le commerce ou l'industrie, soit en vertu d'un contrat d'apprentissage, soit sans contrat, des cours professionnels ou de perfectionnement, gratuits et obligatoires. Ces cours seraient organisés par des Commissions locales dans les communes que désignerait le ministre du Commerce après avis du Comité départemental et du Conseil supérieur de l'Enseignement technique, deux organes fonctionnant déjà à l'heure actuelle; la charge en serait supportée, en principe, moitié par le budget communal, et moitié par le budget de l'Etat. Néanmoins, les chefs d'établissements industriels ou commerciaux auraient le droit d'instituer des cours semblables, même à l'intérieur de leurs maisons; la fréquentation de ces cours, de même que la fréquentation des cours payants actuels, pourvu qu'ils remplissent les conditions prévues par la loi, dispenserait de la fréquentation des cours municipaux obligatoires. Les leçons auraient lieu pendant la journée légale de travail, de préférence au commencement ou à la fin de la journée, dans la limite de 8 heures par semaine et de 200 heures par an au maximum; les patrons seraient tenus de laisser à leurs ouvriers et employés des deux sexes, le temps et la liberté nécessaires pour les suivre. Toutefois, dans les établissements, ateliers, magasins ou bureaux, où la durée normale du travail du personnel n'excède pas 8 heures par jour ou 48 heures par semaine, les patrons ne seraient pas astreints à cette obligation et les cours auraient alors lieu, soit avant, soit après la journée de travail. De même, des dérogations pourraient être consenties par arrêté du ministre du Commerce, après avis de la Commission locale professionnelle, en faveur des industries de la commune dont la production aurait à souffrir de l'absence, même momentanée, des apprentis ou des petites mains. Après trois années de cours, les élèves seraient admis à concourir pour le certificat d'études professionnelles, qui serait délivré à ceux dont les épreuves auraient paru suffisantes les autres recevraient

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