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dateurs, il devait être à la fois une Ecole d'agriculture supérieure, préparant aux grands services agricoles publics et privés et un établissement de haute culture destiné à donner l'enseignement des sciences dans leurs rapports avec l'agriculture et à servir de centre de recherches pour toutes les questions intéressant la science et la pratique agricoles. Le programme n'a pu malheureusement être qu'imparfaitement appliqué faute de crédits suffisants.

L'enseignement donné dans les écoles nationales d'agriculture de Grignon, de Montpellier, de Rennes, a un caractère plus pratique, plus spécialisé ; il serait susceptible de former des agriculteurs instruits, capables d'appliquer et de suivre tous les progrès de la science. Mais les résultats obtenus sont très minces depuis la loi militaire de 1905, la clientèle de ces écoles décroît d'une manière inquiétante. En outre, il faut bien le reconnaître, si les agriculteurs n'y ont pas envoyé leurs enfants en plus grand nombre, c'est principalement parce que l'enseignement qui y est donné n'est pas encore suffisamment pratique, par suite du manque de préparation des programmes pour une tâche de ce genre.

Aucun établissement n'a été mis en état de former un corps enseignant susceptible de professer utilement l'agriculture. En Allemagne, il y a deux écoles à Holdesheim et à Weilburg où les futurs professeurs vont pendant un an apprendre leur métier au point de vue pédagogique; en Russie, à l'Ecole d'agriculture de Kharkow, il existe une section spéciale de pédagogie pour former également les professeurs. En Belgique, à l'Ecole d'agriculture de Gembloux, on a prévu des concours spéciaux pour les professeurs et les candidats, qui avant d'être nommés sont obligés de rester stagiaires pendant trois années.

En France, dans cet ordre d'idées, on n'a presque rien fait. Les ressources budgétaires n'ont pas permis de relever les traitements et, par conséquent, d'exiger plus de garanties du personnel enseignant.

L'enseignement agricole élémentaire reste à organiser en France aussi bien que l'enseignement technique industriel et commercial. On ne saurait en charger l'instituteur. A l'école

primaire, on doit se borner à préparer l'enfant à l'apprentissage du métier qui le fera vivre et lui donner le goût de sa future profession, rien de plus, L'école primaire doit préparer à l'apprentissage, mais elle doit laisser le soin de cet apprentissage à l'école professionnelle.

Il est aussi nécessaire d'organiser un enseignement agricole professionnel qu'un enseignement technique industriel. Des cours temporaires d'agriculture devraient être organisés pendant l'hiver dans toutes les écoles rurales. Des cours de perfectionnement agricoles pourraient y être également installés aussi bien que dans les écoles primaires supérieures. Ces cours ne feraient pas double emploi avec les cours d'hiver, car, tandis que l'enseignement de l'école d'hiver est purement professionnel, les cours de perfectionnement postscolaires seraient à la fois généraux et professionnels.

A la sortie de l'école primaire, l'élève serait obligé de suivre pendant 8 à 12 heures par semaine les cours de perfectionnement. D'une part, il verrait complètement les matières étudiées à l'école primaire rurale et, d'autre part, il étudierait les questions agricoles, il recevrait en un mot, un enseignement semi-général et semi-professionnel appliqué à l'agriculture.

Pour combler ces graves lacunes de notre enseignement national, plusieurs mesures, émanant soit de l'initiative gouvernementale, soit de l'initiative parlementaire, soit de l'initiative privée, ont été mises à l'étude ou défendues dans la presse, au cours de ces dernières années.

Qu'on nous permette d'exposer et de juger sommairement les principales.

Enseignement supérieur.

Dans l'enseignement supérieur nous avons dit que certaines Universités, entre autres celles de Nancy, de Lyon, de Paris, de Grenoble, de Montpellier, de Lite, poursuivaient une heureuse évolution du côté technique industriel.

Si insuffisantes que soient ces tentatives, si partiel que reste l'enseignement technique donné dans les Facultés des

Sciences, par suite d'un défaut d'entente entre l'esprit scientifique et l'esprit industriel, il n'en faut pas moins tenir grand compte des résultats acquis et des bonnes volontés en action. En encourageant ces initiatives, en aidant les Universités à doter les services qui leur manquent et à pourvoir aux enseignements nouveaux par des professeurs ayant une pratique industrielle effective, l'Etat peut acheminer l'enseignement supérieur, sans amoindrir en rien son caractère scientifique vers le rôle que jouent en Allemagne les Universités techniques.

Pour cela, il faut en premier lieu, compléter ou organiser, suivant les cas, les laboratoires. L'Université de Nancy exceptée, les autres sont insuffisamment pourvues. « On peut d'ailleurs, remarquait M. Appel, doyen de la Faculté des Sciences de Paris, dans un discours prononcé à ClermontFerrand en 1908, lors du Congrès pour l'avancement des sciences, faire la même observation au sujet des écoles spéciales supérieures : Mines, Ponts et Chaussées, Pharmacie, Centrale, Institut agronomique, Ecole Centrale. On mesure même avec une parcimonie exagérée, les crédits aux laboratoires de la Sorbonne, qui se trouvent ainsi dans l'impossibilité de se livrer à des recherches fécondes. >>

De bons esprits estiment même qu'on pourrait aller plus loin. Plusieurs de nos Universités, disent-ils, faute d'une clientèle, et partant, d'une organisation suffisante, vivent pauvrement et sont loin d'apporter leur contingent à la somme des connaissances nouvelles élaborées dans les autres centres d'études. Ne vaudrait-il pas mieux, résolument, en transformer quelques-unes en Ecoles techniques supérieures et affecter les crédits qu'on y dépense à un enseignement directement utilitaire? Il ne serait d'ailleurs pas nécessaire, loin de là, de les instituer sur le même type et de leur assigner le même but. L'essentiel serait de les adapter aux besoins de la région. Il faut que l'enseignement supérieur se pénètre de plus en plus de l'esprit nouveau qui est en train de le vivifier, il faut qu'il s'occupe, suivant la parole de M. Appel, d'adapter l'homme « au milieu agricole, industriel ou commercial dans lequel il devra développer son activité et son initiative », c'est qu'il n'oublie pas,

suivant cette autre formule de M. Le Châtelier, professeur a la Sorbonne, que « avant de faire des membres de l'Institut et des fonctionnaires, il doit avoir pour but de faire des Français capables de vivre et de produire ». Et, dans cette voie, les pouvoirs publics doivent le soutenir et l'encourager.

Enseignement secondaire.

Dans l'enseignement secondaire, les programmes de 1902 ont imprimé une direction nouvelle aux études dans les lycées et collèges. Sans nier l'utilité des humanités, ce n'est ni le latin, ni le grec, qui peuvent former la jeunesse de notre démocratie en vue de la lutte qu'elle aura à soutenir dans la concurrence économique de demain. Le vieil enseignement classique ne conviendra jamais qu'à une élite, qui est du reste seule à en profiter réellement aujourd'hui, le reste constituant ce formidable déchet toujours en quête d'un emploi public, éternellement mécontent et inutile. Les principes de la réforme accomplie en 1902 doivent donc, en dépit des critiques qu'ils ont pu soulever, non seulement être maintenus, mais encore complétés. L'accueil si favorable qui a été fait aux programmes nouveaux des cycles où les humanités sont réduites à leur strict minimum, est une preuve manifeste que le Parlement, en accomplissant cette transformation, a réalisé une réforme utile que l'opinion demandait et a ratifiée.

Dans nos lycées de garçons, nous voudrions voir introduire un peu d'enseignement manuel, ne serait-ce que pour exercer la main et l'œil des élèves, mais l'expérience tentée par M. Liard, l'éminent vice-recteur de l'Université de Paris, dans les établissements de son ressort où elle a lamentablement échoué devant l'indifférence des professeurs et peut-être des familles, n'est pas faite pour encourager les espérances, Les innovations les plus simples et les plus heureuses ne vont pas vite dans la vieille Université.

Enseignement primaire. L'enseignement primaire est, de tous les domaines du ministère de l'Instruction publique, celui qui appellerait le plus d'améliorations et se prêterait le mieux à une formation plus moderne de la jeunesse fran

çaise. Sans nier les immenses progrès réalisés grâce à la législation scolaire de 1881-1883, il est permis d'escompter des résulats encore plus précieux.

Les dernières statistiques dressées par le ministère de la Guerre nous apprennent que, sur 227.068 jeunes soldats incorporés en 1912, 7.859, soit 3,46 pour 100 du total, étaient complètement illettrés, ne savaient ni lire ni écrire ; d'autre part, 50.800, soit 22 1/2 pour 100, ont une instruction à peu près nulle. Encore légèrement plus satisfaisants que les années précédentes, ces chiffres disent assez combien il nous reste à faire pour atteindre, par exemple, l'Allemagne et la Suisse, où le nombre des illettrés est devenu insignifiant.

Il serait à désirer aussi que, conformément à la loi « les travaux manuels et l'usage des outils des principaux métiers » fissent à l'école primaire l'objet d'un enseignement régulier et systématique. Or, en dehors des écoles de la Ville de Paris, où existe cet enseignement pratique? A peu près nulle part. Non seulement on n'inculque pas aux enfants l'amour et le goût des professions des parents et de la région, mais il arrive qu'on leur en inspire le mépris, grâce au vernis de culture théorique qu'ils reçoivent.

Enfin, une autre réforme d'ordre général, réclamée d'ailleurs depuis longtemps par M. Edouard Petit, l'infatigable propagateur des cours d'adultes, par la Ligue française de l'Enseignement, préconisée encore récemment par la Chambre de Commerce de Paris et le Congrès de l'Association de défense des classes moyennes, consisterait à prolonger d'une année la fréquentation de l'école primaire et à la rendre ainsi obligatoire jusqu'à 13 ans révolus au minimum. Cette année supplémentaire pourrait être consacrée à un complément d'enseignement général et surtout à des exercices manuels élémentaires, en rapport avec les professions probables des enfants et avec les industries dominantes de la région. Agricole ici, commercial et industriel ailleurs, maritime sur les côtes de l'Ouest, ce commencement d'instruction spéciale ouvrirait à l'écolier des horizons nouveaux. Celui-ci serait moins dépaysé en quittant les bancs de l'école pour entrer dans la vie active; il arriverait à l'atelier, à

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