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triotisme mégalomane, mal entendu peut-être, mais non condamnable.

Mais l'idéal pangermaniste ne sera réalisé qu'en assurant les droits et la dignité de la race allemande, sur tous les points du globe, et c'est la contre-partie par l'humiliation et l'oppression des nationalités ou des groupes qui ont la disgrâce de n'appartenir pas à la race élue. Le Nationalstaat allemand ou germanique encourt les chances d'une lutte éternelle contre le monde slave, le monde latin, le monde anglo-saxon même. Le peuple allemand « a besoin de la guerre », prononce Ernst Hasse, dans son livre sur l'avenir de ce peuple (1). »

Mais voici une conception plus étroite et peut-être plus dangereuse le pangermanisme, dans ces dernières années, s'identifie avec le protestantisme.

Au Congrès de Worms en 1905, le même Hasse dénonçait l'ultramontanisme, déserté par les Latins, et hospitalisé parmi les Germains, comme l'ennemi né, en sa qualité d'émanation de la papauté internationale, d'un Etat national allemand (2).

Et l'Association qu'il présidait compléta ses statuts en 1907, par l'adjonction d'un paragraphe où on lit : « Que l'ultramontanisme politique antinational doit être rangé parmi les forces qui entravent le développement du peuple allemand, et contre lesquelles la lutte constitue une des obligations de l'Association pangermaniste (3). »

Ernst Hasse formule encore, avec sa franchise coutumière, la conclusion: « Seule, la culture évangélique protestante peut avoir quelque portée pour l'avenir du peuple allemand. Plus la culture de l'avenir sera protestante, plus sûrement elle sera allemande (4). »

(1) Die Zukunft, p. 132.

(2) 20 Jahre, p. 263.

(3) Handbuch, p. 7. L'on ajoute, il est vrai, que la lutte ne sera pas menée directement par l'Association, mais commise aux Associations, qui se sont donné cette tâche, comme l'Antiultramontaner Reichsverband, ou l'Evangelischer Band. On oublie le Deutschband, dirigé par P. LAN

GHAUS.

(4) Die Zukunft. p. 175.

VII

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Si l'on a pu dégager une « philosophie de l'impérialisme depuis les temps antiques jusqu'à notre ère, il ne semble pas que le pangermanisme alldeutsch mérite tant l'honneur. Il suffit de le considérer comme une manifestation d'un phénomène quasi-universel, entré aujourd'hui dans une phase particulièrement aiguë, le nationalisme. La marque du nationalisme teuton est l'orgueil de la race, qui, nulle part ailleurs, ne s'affiche avec la même candeur brutale; ce sentiment qui travaille l'âme allemande n'a rien de mystique; il s'épanouit dans la sécurité de la puissance militaire, dans la jouissance d'un confort de parvenu. Assurément, le pangermanisme est loin d'avoir cause gagnée; à l'intérieur, il n'a réussi ni à amoindrir, ni à intimider les nationalités, qui déshonorent à ses yeux le Nationalstaat germain; à l'extérieur, il n'exerce qu'un magistère académique sur les congénères, même sur les plus prochains d'Autriche, qu'il flatte comme Allemands, mais qu'il abhorre comme catholiques; il n'a pas satisfait ses ambitions coloniales. Le bilan pratique paraîtra un peu court, après une si laborieuse et si superbe agitation. Mais il serait prématuré de préjuger la fortune de ce mouvement, et le bénéfice matériel et moral qu'il réserve à l'Allemagne.

B. AUERBACH.

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Depuis un demi-siècle, pour ne pas remonter plus haut, la cause de la représentation proportionnelle a été défendue, en Angleterre, avec une vigueur et un éclat incomparables par des hommes éminents et profondément désintéressés, n'ayant en vue que l'intérêt général de leur pays, la justice électorale et l'amélioration des institutions parlementaires. Dans son admirable ouvrage sur le gouvernement représentatif publié en 1861, et, plus tard, en 1867, dans son éloquent discours à la Chambre des Communes, J. Stuart Mill, on le sait, a clairement exposé les vices du système majoritaire et les avantages du système proportionnel. « L'idée pure de la démocratie suivant sa définition, dit-il, c'est le gouvernement de tout le peuple, par tout le peuple également représenté. La démocratie, telle qu'on la conçoit et qu'on la pratique aujourd'hui, est le gouvernement de tout le peuple par une simple majorité du peuple, exclusivement représentée... Dans une démocratie réellement égale, tout parti, quel qu'il soit, serait repré

(1) L'étude que l'on va lire est le résultat d'une enquête personnelle : au cours d'un récent voyage à Londres, nous avons eu le plaisir de causer de la question de la réforme électorale avec plusieurs membres de la Chambre des Communes et de la Proportional Representation Society que nous remercions bien cordialement de leur aimable accueil. Nous avons également consulté les nombreux documents qu'a réunis la société anglaise de la R. P. dans ses bureaux de Saint-Stephen's House la collection de son propre journal et l'ouvrage si intéressant et si complet de son dévoué secrétaire, M. John H. Humphreys, Proportional Representation; les études et les discours si éloquents de Lord Avebury (Sir John Lubbock), de Lord Courtney of Penwith, de Earl Grey, etc.

senté dans une proportion non pas supérieure, mais identique à ce qu'il est. Une majorité d'électeurs devrait toujours avoir une majorité de représentants, mais une minorité d'électeurs devrait toujours avoir une minorité de représentants. Homme pour homme, la minorité devrait être représentée aussi exactement que la majorité. Sans cela, il n'y a pas d'égalité dans le gouvernement, mais bien inégalité et privilège ; une partie du peuple gouverne le reste; il y a une portion à qui l'on refuse la part d'influence qui lui revient de droit dans la représentation, et cela contre toute justice sociale, et surtout contre le principe de la démocratie, qui proclame l'égalité comme étant sa racine et son fondement » (1).

La discussion du principe de la représentation proportionnelle s'est engagée devant la Chambre des Communes chaque fois qu'il s'est agi de modifier les lois électorales en vigueur. En 1831, une proposition de représentation des minorités était déjà soumise à cette assemblée par M. Praed; une autre, en 1836, par Lord Grey, l'auteur de la réforme électorale de 1832. La même idée se retrouve dans le projet de 1854, présenté par Lord J. Russell, au nom du cabinet Aberdeen. En 1867, Lord Cains, devant la Chambre des Lords, et J. Stuart Mill, devant la Chambre des Communes, défendent avec vigueur contre Disraeli, la cause de la justice électorale. Thomas Hare vient de découvrir le système de R. P. qui porte son nom J. Stuart Mill, dans son discours du 30 mai 1867, en expose le mécanisme et fait ressortir, en même temps, l'erreur fondamentale du système majoritaire en vertu duquel il n'y a peut-être pas en Angleterre un seul électeur qui soit vraiment représenté. « Ceux qui le sont le mieux, dit-il, sont vraisemblablement les électeurs qui ont été subornés, car ils ont

(1) Il est intéressant de rapprocher de cette citation bien connue de Stuart Mill un passage de la Politique d'Aristote (Livre VII, chapitre 1, traduction de J. Barthélemy-Saint-Hilaire) :

« Les institutions communes à toutes les démocraties découlent de l'égalité parfaite de tous les citoyens, n'ayant de différence entre eux que celle du nombre, condition essentielle de la démocratie. L'égalité veut que les pauvres n'aient pas plus de pouvoir que les riches, qu'ils ne soient pas seuls souvrains, mais que tous le soient dans la proportion même de leur nombre, et l'on ne trouve pas de moyen plus efficace de garantir à l'Etat la liberté et l'égalité ».

bien voulu voter pour le candidat qui leur a fait le plus de dons ou de promesses d'argent ou de place ».

En 1878, la discussion recommence et surtout en 1884 et 1885, à l'occasion du nouveau projet qui accorde le droit de suffrage à deux millions d'électeurs de plus: Sir John Lubbock, Leonard Courtney, Goschen, Blennerhasset, Clarke et Albert Grey démontrent que la justice électorale ne peut être assurée que par la représentation proportionnelle (1).

Sir John Lubbock, devenu plus tard Lord Avebury, fonde en 1884 la Proportional Representation Society qui n'a pas cessé, depuis cette époque, de poursuivre ses généreux desseins, mais qui, depuis six ans, et en prévision des importants projets de réforme électorale élaborés par le cabinet libéral, a développé sa propagande avec une énergie nouvelle. Le savant et le politique, qui a pris cette initiative, est décédé le 28 mai 1913. Il n'a cessé de défendre jusqu'à sa dernière heure, la cause qui lui était chère. Quelque jours avant de mourir, il priait ses amis de laisser figurer son nom en tête de la liste des organisateurs d'un banquet proportionnaliste international qui devait avoir lieu à Londres le 18 juillet dernier et qui a dû être ajourné, afin de permettre aux parlementaires français et belges d'y assister. Mais ses collaborateurs continuent l'œuvre entreprise en commun. Parmi les membres de la Société anglaise de la R. P., on retrouve les noms des anciens défenseurs de la cause de la justice et de la vérité devant la Chambre des Communes: notamment, M. Leonard Courtney, devenu Lord Courtney of Penwith, ancien Chairman of Comittee de la Chambre des Communes, et M. Albert Grey, devenu Earl Grey, petit-fils de l'auteur de la première réforme électorale de 1832, et ancien gouverneur général du Canada.

Ce qu'il y a de plus remarquable dans l'organisation de la Proportional Representation Society, c'est la parfaite conviction qui l'anime qu'elle réussira un jour ou l'autre à faire triompher les desseins qu'elle poursuit. Il n'y a point d'exem

(1) Le résumé de ces grandes discussions, rédigé par MM. Auguste Arnaudé et André Lebon, a été publié par la Société pour l'étude de la R. P. dans son ouvrage sur la représentation proportionnelle qui a paru en 1888 avec une éloquente préface de M. Georges Picot.

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