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l'administration de M. Taft, de ratifier les nominations effectuées par celui-ci, afin que les démocrates pussent procéder à ces nominations dès que M. Wilson aurait pris le pouvoir.

Avant de s'en aller, M. Taft a soumis, par une ordonnance de l'exécutif, 40.000 chefs de bureaux de poste au régime des services civils, ce qui empêche leur révocation pour des raisons politiques. Les démocrates furent quelque peu blessés de cet acte du président sortant et firent tous leurs efforts, auprès de la Chambre des Représentants, pour obtenir l'annulation du décret de M. Taft. S'ils y avaient réussi, 40.000 agents des postes auraient été soumis au «spoils system » (système des dépouilles). Heureusement ils échouèrent. Le président Wilson, prévoyant les terribles sollicitations dont il allait être l'objet, fit savoir prudemment, peu après son élection, qu'il ne recevrait aucun solliciteur non expressément convoqué par lui. Il estime d'ailleurs, avec raison, qu'un président ne doit pas perdre son temps à écouter les requêtes de coureurs de places, mais le consacrer à des questions plus importantes. Il a annoncé également qu'il se consulterait avec les sénateurs au sujet de toute nomination à des fonctions publiques dans leurs états, et il a toujours suivi leurs recommandations dans les choix qu'il a faits. Estimant que les dépouilles appartiennent aux vainqueurs, il n'a nommé jusqu'ici que des démocrates aux emplois vacants, mais il n'a pas prononcé de révocations générales et les fonctionnaires républicains resteront en charge, pour la plupart, jusqu'à l'expiration de leur mandat, date à laquelle ils seront remplacés par des démocrates. Comme l'attitude du président dans cette question était conforme à l'attente générale, elle a soulevé peu de critiques.

Il a déjà été nommé des représentants diplomatiques auprès de la plupart des pays étrangers et à peu près tous sont des démocraies. Le président a choisi un certain nombre d'Universitaires très distingués, bien qu'ils ne possèdent aucune expérience en diplomatie. Dans certains cas, les nominations faites ont soulevé de vives critiques. Nous avons maintenant, dans le service diplomatique, pas mal de personnalités qualifiées et ayant une longue expérience, mais, avec les pratiques en usage, il est peu probable que leurs fonctions leur soient renouvelées. Toutefois, le président s'est montré moins sectaire en ce qui concerne le service consulaire, car beaucoup de consuls en service depuis longtemps ont vu leur mandat renouvelé et ceci est tout à l'honneur du président. Il est regrettable qu'il n'ait pas cru devoir suivre la même politique pour le service diplomatique, mais nous ne sommes

pas encore arrivés, en Amérique, à apprécier à leur juste valeur, comme c'est le cas en Europe, les services de diplomates de carrière ayant une longue pratique professionnelle.

La politique extérieure a été marquée par plusieurs incidents qui ont absorbé une bonne partie du temps de la nouvelle administration. Le premier de ces incidents fut la protestation du Japon contre la loi californienne interdisant aux Japonais la propriété de terres pour des exploitations agricoles. La loi ne s'applique pas spécialement aux Japonais, mais seulement aux étrangers qui ne sauraient obtenir la nationalité américaine. Toutefois, comme les Japonais rentrent dans cette catégorie et sont presque les seuls atteints par cette loi, le gouvernement japonais a vu là un traitement discriminatif à la fois offensant et injuste. L'attitude du gouvernement américain dans toute cette affaire a été nettement conciliante et le président a envoyé M. Bryan, secrétaire d'Etat, en Californie, pour intercéder en faveur des Japonais. Mais cette intervention fut vaine et la loi fut adoptée en dépit des représentations du président. Les Californiens justifient cette loi par la nécessité de maintenir la suprématie des blancs et le niveau d'existence américain, menacés par l'accession à la propriété foncière d'étrangers dont le niveau de vie est très inférieur. Malgré tout, le préjugé de race contre les Japonais est en partie la cause de cette mesure discriminative. On se demande si la loi en question est bien conforme au traité en vigueur entre les Etats-Unis et le Japon et la Cour Fédérale Suprême aura à se prononcer à cet égard avant qu'aucune suite lui soit donnée. Si la décision prononcée est contraire au point de vue japonais, la question devra être réglée par la voie diplomatique.

Nos relations avec le Mexique sont également tendues, à cause du refus du président Wilson de reconnaître le général Huerta comme le chef légal du pouvoir exécutif dans la République mexicaine. M. Wilson a été très offensé de l'assassinat du président Madero et des procédés par lesquels Huerta est arrivé au pouvoir et il s'estime en droit de refuser de reconnaître un gouvernement dont l'autorité repose sur de pareilles bases. Enfin, il invoque que l'autorité de Huerta n'est nullement acceptée par la masse du peuple mexicain. Il agit là conformément au précédent créé en 1877 par le gouvernement américain, lequel se refusa pendant plus d'un an à reconnaître le président Porfirio Diaz, tant qu'il ne fut pas assuré que celui-ci était accepté par le peuple mexicain et était en mesure de garantir l'ordre et la paix dans la République. Au mois d'août, M. Wilson a envoyé à Mexico M. John Lind comme

commissaire spécial, chargé de lui adresser un rapport et de proposer à Huerta de faire procéder à de nouvelles élections sans sy porter candidat. M. Wilson déclarait en même temps qu'il observerait une stricte neutralité entre les fédéraux et les insurgés ; en même temps, il invitait les Américains résidant au Mexique à quitter le pays immédiatement et le gouvernement promettait de contribuer à leur transport hors du pays. Les avis sont partagés au sujet de l'attitude prise par M. Wilson en refusant de reconnaître le régime Huerta et en conseillant aux Américains de quitter le Mexique. Beaucoup de personnes qui connaissent bien la situation, ont critiqué M. Wilson de n'avoir pas reconnu Huerta, qui a établi son autorité sur une grande partie du Mexique. D'autres l'approuvent pour des raisons morales.

En refusant d'appuyer la participation de banques américaines à l'emprunt chinois, M. Wilson a provoqué de vives dicsussions dans la presse américaine. Il estimait que les conditions de cet emprunt étaient de nature à menacer l'indépendance de la Chine, puisque certains impôts chinois devaient servir de gage et puisque l'administration de ces impôts devait être confiée à des agents étrangers. M. Wilson a senti que l'on pouvait se trouver contraint à intervenir dans les affaires de la Chine, si l'emprunt se faisait dans de pareilles conditions, et il ne voulait pas que son gouvernement encourageât des banques américaines à participer à une opération pouvant entraîner de pareilles conséquences. En agissant ainsi, M. Wilson a renoncé complètement à la « diplomatie du dollar », chère à M. Taft, et qui consistait à mettre l'influence du gouvernement américain au service des banquiers et commerçants américains dans leurs opérations avec l'Amérique Latine et la Chine. Les avis sont partagés au sujet de l'attitude prise par le président, mais la majorité l'a approuvée. Les Américains qui réfléchissent sentent qu'il y a danger à des alliances avec des pays étrangers, susceptibles de nous contraindre à nous joindre à eux pour saisir les douanes chinoises et obliger le gouvernement chinois à payer une dette contractée dans des conditions très oné

reuses.

Ce que tous les Américains s'accordent à approuver, c'est la reconnaissance par de président, au bout de deux anx au plus, de la nouvelle République chinoise, dont la création a été accueillie avec satisfaction aux Etats-Unis.

II.

BELGIQUE

Par M. HERMANN DUMONT, Ancien Député suppléant.

Bruxelles, le 26 octobre 1913.

La session de 1913 aura été certainement l'une des plus importantes de l'histoire parlementaire de la Belgique; elle a été marquée par le vote d'une importante réforme militaire, qui a eu comme corollaire l'adoption de taxes nouvelles et les quelques semaines qui la terminent voient le commencement d'un débat scolaire dont l'enjeu est considérable.

Avant les élections du 2 juin 1912, le gouvernement que présidait M. Debroqueville avait combattu avec la plus grande énergie les suggestions de l'opposition libérale, qui dénonçait l'insuffisance de notre état militaire et le manque d'équilibre de la situation financière soutenue principalement à l'aide d'emprunts répétés qui ont porté la dette de la Belgique à plus de quatre milliards.

Et les candidats ministériels ne se firent pas faute. pendant la campagne électorale, d'invoquer contre leurs adversaires l'accroissement des charges militaires et fiscales, qui serait résulté de l'application de leur programme. Aussi n'est-ce pas sans une certaine surprise que l'on a vu, après que les élections eurent maintenu le parti catholique au pouvoir et augmenté même sa majorité, ces réformes représentées comme inutiles être acceptées par le gouvernement qui en prit l'initiative et les a réali

sées.

Notre régime militaire a subi depuis quelques années une série de transformations successives et l'on est généralement d'avis que la loi qui vient d'être votée ne sera, elle aussi, que provisoire et transitoire. J'ai exposé au mois de mai dernier aux lecteurs de la Revue politique et parlementaire, comment, par la loi nouvelle, on compte porter l'effectif de l'armée belge à 340.000 hommes, résultat qui ne doit, du reste, être obtenu que dans quelques années.

Aussi, si la conflagration prédite et redoutée par beaucoup de gens devait éclater soudainement et mettre aux prises la France et l'Allemagne, il est probable que nous serions impuissants à nous opposer à une violation de nos frontières que les écrivains militaires des deux nations voisines et les nôtres aussi con

sidèrent comme inévitable. Nous avons, il est vrai, des forts à Namur et à Liége, qui ont été établis pour interdire aux envahisseurs le passage dans la vallée de la Meuse; mais sans que rien d'officiel ait été dit à cet égard, des indices nombreux et probants indiquent que l'on ne se risquerait pas à aller au delà et que, si les belligérants voulaient passer par l'Ardenne luxembourgeoise, l'armée belge retirée au Nord de la Meuse n'essayerait pas de les en empêcher.

Ce plan d'une défense plutôt négative, que les uns disent être imposé par la nécessité, est dénoncé par les autres comme contraire aux obligations qui nous incombent. Nous ne pouvons, diton, souffrir aucune atteinte à notre neutralité. Et ces débats ont posé devant l'opinion la question de la défense du Luxembourg belge. Cette question-là, au surplus, ne paraît pas à la veille d'ètre résolue et il est difficilement contestable que, dans la situation présente, la défense de cette province ne pourrait pas même être tentée.

Cette loi sur le recrutement de l'armée a été complétée par des mesures accessoires; c'est ainsi que l'on a voté immédiatement après une loi spéciale, réglementant l'emploi du flamand dans l'armée. Désormais, tous les officiers de même que les médecins militaires devront être en mesure de parler flamand à leurs soldats. Cette règle était du reste déjà plus ou moins mise en pratique par mesure administrative.

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Mais comme la question des langues est l'une de celles que l'on discute le plus âprement chez nous, les députés de la Wallonie ont combattu très vivement cette loi, qui exclut les Wallons des commandements militaires s'ils ne consentent pas à apprendre, de façon rudimentaire au moins, la langue flamande. Ils opposèrent aux propositions du gouvernement le principe du recrutement régional qui aurait permis de constituer des régiments flamands et des régiments wallons, mais cette proposition ne fut pas accueillie.

D'autre part, la généralisation du service militaire n'a plus permis de maintenir la « rémunération » qui, jusqu'ici, était payée aux parents des miliciens pour les indemniser de la privation du travail de leur fils. Cette rémunération n'est plus maintenue que pour les familles qui ne sont pas dans l'aisance.

En effet, par la loi nouvelle, les effectifs de notre armée seront sensiblement augmentés et la charge de la rémunération fùt devenue trop forte; la levée annuelle qui, il n'y a pas longtemps n'était que de 13.000 hommes, sera désormais de 33.000, et il

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