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Les réductions de droits qui furent le plus vivement combattues, furent celles sur les sucres et sur la laine. Le droit sur les sucres rapporte actuellement plus de 50 millions de dollars par an; il a permis à l'industrie de la canne à sucre, dans la Louisiane, de soutenir la concurrence et a favorisé le développement d'une importante industrie betteravière dans l'Ouest. Les sénateurs de la Louisiane et ceux de certains Etats de l'Ouest où l'on cultive la betterave, assurèrent que la suppression de ce droit détruirait virtuellement cette importante industrie, mais on passa outre à leurs objections et il fut décidé que le droit subsisterait pendant trois ans encore, et serait supprimé complètement au bout de ce délai. Cette mesure a été dûe surtout aux efforts énergiques du président Wilson.

Les producteurs de laines de l'Ouest avaient également de fortes objections à faire valoir. Dans plusieurs Etats de l'Ouest, la production de la laine constitue l'une des principales industries et elle était, déclarait-on, appelée à disparaître à la suite de la suppression des droits. Les producteurs de fruits de la Californie, les minotiers du Minesota et les éleveurs du Texas protestèrent également contre la suppression des droits sur les fruits, sur la farine et sur le bétail, mais ces articles n'en furent pas moins exemptés de tous droits. Sur les articles de coton, le droit fut réduit de moitié. Sur divers produits agricoles le petit élevage, les grains, le beurre, le fromage et les pommes de terre, les droits furent abolis ou considérablement réduits. Celui sur les produits en fer et en acier fut fortement réduit, et celui sur les rails en acier pour la construction de voies ferrées, fut complètement supprimé. D'une manière générale, les droits sur les articles de première nécessité furent considérablement réduits et ceux sur les articles de luxe furent augmentés. Dans l'ensemble, les droits ont été réduits de 30 % et les démocrates estiment que le consommateur américain épargnera ainsi un milliard de dollars par an. Le renchérissement de la vie, qui provoque de si vives plaintes dans le pays, se trouveràit ainsi très atténué.

Plusieurs dispositions sont intéressantes pour les pays étrangers! par exemple, celle qui accorde une diminution de droits de 5 % sur les articles importés à bord de navires américains. Cette mesure a soulevé une vive opposition, comme étant contraire à plusieurs dispositions de nos traités avec des Etats étrangers. Pour répondre à ces objections, il a été ajouté une disposition portant que ce texte ne saurait être interprété comme abrogeant ou affectant d'une manière quelconque les dispositions d'un traité quelconque en vigueur entre les Etats-Unis et un pays étranger.

Une autre disposition qui a soulevé les protestations des Etats étrangers, est celle qui exige que les fabricants ou exportateurs étrangers laissent des fonctionnaires de la douane américaine prendre connaissance de leurs livres.

Enfin une disposition de la loi abroge le traité de réciprocité avec Cuba et accorde à ce pays un droit de préférence de 20 % pour le sucre importé de Cuba aux Etats-Unis.

Une disposition de l'ancien tarif établissait un tarif maximum et un tarif minimum, et autorisait le président à réduire les droits sur les marchandises importées de pays qui accordaient aux Etats-Unis des concessions correspondantes. Elle a été supprimée et remplacée par une autre autorisant le président à négocier des conventions commerciales avec les pays étrangers, conventions comportant des concessions réciproques et tendant à l'établissement d'un régime libre-échangiste et à l'expansion mutuelle du commerce. Les conventions de ce genre devront être approuvées par le Congrès, et non plus seulement par le Sénat.

La disposition de l'ancienne loi qui limitait les quantités de riz, de tabac et de sucre pouvant être importées en franchise des îles Philippines a été modifiée toute limitation a disparu. Un régime libre-échangiste absolu existe désormais entre les Philippines et les Etats-Unis.

Une autre disposition, tendant à encourager l'industrie des constructions navales, autorise l'importation en franchise des matériaux étrangers destinés à la construction de navires, lorsque ces matériaux sont destinés à la construction de navires aux Etats-Unis.

Cette réduction générale des droits de douane amènera-t-elle une réduction du prix de la vie ? Les avis sont très partagés à ce sujet. Ce qui est certain, c'est qu'elle provoquera une perte de 80 millions de dollars par an pour le Trésor. Pour combler ce déficit, les démocrates proposent l'établissement d'un impôt sur le revenu, mesure qui a toujours figuré dans leur programme. En 1894, alors qu'ils étaient au pouvoir, ils ont fait voter une loi de ce genre, mais la Cour Fédérale Suprême l'a déclarée inconstitutionnelle, à cause de certaines dispositions qu'elle contenait. Toutefois, au cours de l'année dernière, il a été adopté un amendement à la Constitution Fédérale qui supprime toute incertitude au sujet du droit, pour le Congrès, d'établir un impôt de ce genre.

La partie de la loi douanière établissant un impôt sur le revenu prévoit l'établissement d'un impôt direct sur tous les revenus supérieurs à 4.000 dollars. Cet impôt est progressif et va de 1 à 10%,

suivant le chiffre du revenu, toutefois avec des déductions pour les charges de famille, pour les dettes contractées, pour le revenu provenant d'une assurance sur la vie, etc. On estime que cet impôt produira de 60 à 70 millions de dollars par an. Le principe même en est généralement reconnu comme équitable, mais on a critiqué son caractère progressif et le montant trop élevé du revenu exempté. Si le minimum exempté avait été de mille dollars seulement et si l'impôt avait été simplement proportionnel, la critique eût été plus difficile.

Cette mesure constitue manifestement une tentative en vue de faire supporter par les classes riches le poids de plus lourd des impôts.

Pendant la discussion de la loi douanière, les adversaires de celle-ci se livrèrent à des manoeuvres qui provoquèrent une protestation du président auprès du Congrès contre des manoeuvres de couloirs tendant à faire échouer le projet, manoeuvres qui consistaient en fausses assertions au sujet de celui-ci et en tentatives de corruption. En réponse à cette protestation, le Sénat a nommé une commission d'enquête, car, chaque fois antérieurement, des parlementaires représentant les intérêts de fabricants, importateurs, etc., affectés par les mesures proposées, se sont livrés dans les couloirs à des manoeuvres de ce genre. La Commission a enquêté pendant tout l'été et son rapport contiendra sans doute des révélations intéressantes sur ces campagnes occultes dans le passé.

Bien que la session extraordinaire du Congrès eût été convoquée avant tout en vue de réduire les tarifs douaniers, M. Wilson avait fait figurer dans son programme la réforme monétaire et, dès que la discussion du projet douanier eut été amorcée, il se présenta de nouveau en personne devant les Chambres assemblées et donna lecture d'un message invitant les membres du Parlement à négliger leurs commodités personnelles et à siéger jusqu'au vote final de la réforme monétaire, laquelle doit permettre aux hommes d'affaires de profiter de la liberté d'entreprise et de l'initiative individuelle que la loi douanière va leur attribuer. « Il nous faut, déclara M. Wilson, avoir un régime monétaire, non point rigide comme actuellement, mais élastique et se prêtant au crédit justifié. Le contrôle des banques et l'emploi de l'argent doivent être publics et non pas secrets, de sorte que les banques puissent être les instruments et non pas les maîtres des affaires. >>

Ce message bref, mais éloquent, fut bien accueilli par tout le pays. Le Sénat, sur les instances du président, consentit à siéger

pendant les terribles chaleurs de l'été ; un projet élaboré par la Commission des Finances fut présenté à la Chambre et adopté, au bout de quelques semaines de discusion, par 286 voix contre 84. Trente-quatre républicains et progressistes votèrent pour. A l'heure où nous écrivons, ce projet est soumis au Sénat et sera certainement adopté par lui d'ici quelques semaines. D'une manière générale, ce projet tend à simplifier et à uniformiser le régime monétaire et à le rendre plus souple et plus approprié aux besoins des affaires. Le projet connu sous le nom de « Bill Aldrich », qui avait été soumis au dernier Congrès et prévoyait l'établissement d'une banque centrale unique, ne plut pas à la majorité démocrate et on lui substitua un système plus centralisé.

Le projet actuel établit douze banques régionales de réserve dans différentes parties du pays et chacune d'elles devra avoir un capital d'au moins cinq millions de dollars. Ces banques auraient en dépôts de fortes sommes d'argent, à elles confiées par le gouvernement, et s'élevant au total entre six et sept cent millions de francs. Elles seraient soumises au contrôle d'une Commission des Réserves Fédérales, siégeant à Washington, et qui jouirait d'une très large autorité sur elles. Cette dernière disposition a été vivement critiquée, parce que la majorité des membres de cette Commission sera plutôt composée de politiciens que d'hommes d'affaires au courant des questions de banque.

La session extraordinaire du Congrès n'a guère été consacrée qu'à ces deux mesures importantes, mais, à la session ordinaire. qui s'ouvre en décembre, d'autres mesures législatives seront abordées. Le vote des projets douanier et monétaire est considéré comme un grand succès pour le président Wilson, qui, d'autre part, a attesté son rôle de chef par le manière énergique dont il a donné à ces deux lois l'empreinte de ses idées. Il est douteux qu'un président ait jamais dominé d'une façon aussi complète le pouvoir législatif. Il s'est tenu strictement à son poste, à Washington; il n'a fait aucune tournée dans le pays et n'a prononcé aucun discours dans des réunions publiques.

Trois arrêtés administratifs importants ont été promulgués au cours de cet été. Le premier émane du Postmaster General, et a pour but de développer davantage le système de colis postaux dont j'ai parlé dans mes précédentes chroniques. Le poids maximum autorisé est porté de onze à vingt livres (de 453 grammes) et, en même temps, les prix sont sensiblement abaissés. Cette mesure aura pour résultat de rendre ce service, récemment institué, beaucoup plus utile au public. On évalue à 600 millions au lieu de 300

le nombre de colis postaux qui seront transportés l'année prochaine et le Postmaster General prédit que, d'ici peu d'années, son administration transportera des colis de cent livres et aura pratiquement le monopole de ces transports.

Le secrétaire du Trésor a publié un décret portant que de 25 à 50 millions de dollars, prélevés sur les fonds gouvernementaux, seraient répartis entre diverses banques locales, en vue de leur fournir des ressources liquides destinées à faciliter le mouvement des récoltes. Dans certaines régions, l'époque de la moisson est caractérisée régulièrement par un resserrement monétaire et par l'insuffisance de ressources pour le transport des énormes quanités de grains et de coton qui sont jetées sur le marché à ce moment. Ces fonds seront prêtés, sur garanties sérieuses, à 2 % par an.

On attend les meilleurs résultats de cette mesure, qui a été unanimement approuvée.

Enfin l'Interstate Commerce Commission a réduit les tarifs des sociétés privées s'occupant du transport de colis. Depuis longtemps on se plaignait de leurs prix exorbitants. La Commission a procédé à une enquête et a reconnu que ces plaintes étaient justifiées. Elle a donc enjoint aux chemins de fer de réduire leurs tarifs et l'on estime que cette réduction représentera de 20 à 25 millions de dollars par an. Cette décision aura pour résultat d'établir une concurrence entre les compagnies de chemins de fer et le système de colis postaux actuellement exploité par le gouvernement. Les compagnies de chemins de fer ont protesté énergiquement. Le développement du système des colis postaux les a privées, disentelles, d'une grande partie de leurs recettes, et, maintenant qu'elles sont obligées de réduire leurs tarifs, il leur sera difficile de lutter avec le gouvernement pour le transport des petits colis. La Commission conteste formellement, à la suite d'une enquête minutieuse, l'exactitude de ces affirmations. Quoi qu'il en soit, la réduction des tarifs sera un grand soulagement pour le pays.

Quelle allait être l'attitude du nouveau parti au pouvoir quant aux nominations à des fonctions publiques? Comme le parti républicain était au pouvoir depuis près de seize ans, la plupart des fonctions publiques étaient naturellement entre les mains de ses partisans. Non moins naturellement, en arrivant au pouvoir, les démocrates avaient le désir de leur substituer des gens de leur parti. J'ai signalé, dans ma dernière chronique, que le Sénat, dont l'approbation est nécessaire, d'après la Constitution, pour la nomination à des fonctions publiques, avait refusé, pendant les derniers jours de

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