des délégués turcs à Athènes soient finalement ratifiées par le gouvernement de Constantinople. L'armée turque, assure-t-on, est plus forte maintenant qu'elle ne l'a jamais été. Elle a été complètement réorganisée et remise en mains. La marche victorieuse et d'ailleurs, assez difficile sur Andrinople l'a grisée. Les chefs ambitieux qui la commandent et sur lesquels l'action du gouvernement est à peu près inexistante, ne seront-ils pas tentés de profiter de cette supériorité militaire qu'ils estiment écrasante, pour essayer de reprendre Salonique après Andrinople. Il est bien certain que les Bulgares ne s'opposeraient pas à leur marche, si tant est qu'il ne fissent pas cause commune avec eux. Le danger est là. Il ne peut être conjuré que par une action énergique des puissances à Constantinople. Malheureusement, il ne faut guère compter là-dessus. Il est un moyen de pression, dont notre gouvernement a le devoir impérieux de se servir: c'est le moyen financier. Ce serait folie de consentir la moindre avance, même la plus légère, à la Turquie et à la Grèce, tant que tous les différends n'auront pas été réglés et surtout tant que l'armée turque ne sera pas complètement démobilisée. Prochainement, se posera la redoutable question des îles. C'est à la Conférence de Londres qu'elle doit se poser. Rien ne serait plus dangereux que de laisser les intéressés la débattre entre eux. Quelles que soient les critiques adressées à la Conférence, il est juste de reconnaître que sans elle, la paix européenne aurait difficilement pu être maintenue. Elle a cherché et trouvé des solutions transactionnelles à toutes les graves questions posées par la guerre balkanique; ce sont des solutions de ce genre qu'on doit appliquer maintenant aux problèmes qui restent à résoudre. Et même il est nécessaire de le faire sans plus tarder. Le problème irlandais. - Voici le gouvernement britannique en présence d'une des difficultés les plus graves qui se soient depuis bien longtemps présentées à lui. Lié, de la façon la plus formelle par ses promesses et ses engagements, il est obligé de faire voter tout de suite le Home Rule, sous peine de voir le groupe irlandais l'abandonner et détruire ainsi sa majorité parlementaire. Et s'il fait voter tel quel le Home Rule, une partie de l'Irlande, les protestants de l'Ulster se soulèvent, constituent un gouvernement provisoire, ce qui peut rapidement provoquer la guerre civile. Tels sont les deux termes du problème. L'on comprend que M. Asquith se sente terriblement embarrassé. Le Cabinet libéral est prisonnier du groupe irlandais qui lui fournit l'appoint nécessaire à sa majorité; il est aussi prisonnier des promesses antérieures et des engagements pris. Le moment est venu maintenant de tenir ces promesses. La réforme constitutionnelle a débarrassé le chemin de l'opposition des Lords, dont le veto n'a plus désormais qu'un caractère provisoire. Le projet du Home Rule instituant un Parlement et un gouvernement séparés pour l'Irlande, a été voté deux fois déjà par la Chambre des Communes. Qu'il le soit une troisième, et il obtient ipso facto force de loi. Pressentant le péril, la minorité protestante de l'Ulster, a résolu d'organiser la résistance. Ces protestants d'Irlande sont de caractère énergique et de tempérament batailleur. La simple idée d'être soumis à un gouvernement catholique les remplit d'indignation. Ces descendants des oppresseurs dont les pères ont combattu sous Cromwell, redoutent maintenant ou feignent de redouter l'oppression. Ils possèdent le sens de l'organisation, car. étant en minorité, force leur était de vivre resserrés les uns contre les autres, de se sentir les coudes. Ils ont de l'argent en abondance; la région et la ville de Belfast sont parmi les plus laborieuses, les plus industrielles qui soient au monde. Il ne leur manquait qu'un chef. Ils l'ont trouvé en la personne de Sir Edward Carson. Avocat très illustre, député au Parlement. Sir Edward incarne les plus brillantes qualités et aussi les défauts de l'Irlandais. Il est amoureux de la bataille et rien ne lui plaît autant que de donner et de recevoir des coups. Excessif dans ses opinions, dédaigneux des solutions moyennes, s'embarrassant assez peu de la légalité, quand il se sent entraîné par une ardente conviction. Aucune résistance n'était possible au Parlement où la cause était jugée d'avance. La machine une fois mise en branle, rien ne pouvait empêcher la loi d'être votée. Il ne fallait pas compter non plus sur de nouvelles élections. Le gouvernement libéral est maître de fixer, quand il lui plaît, la date de ces élections et il n'a aucun intérêt à provoquer dès maintenant une dissolution. Il ne restait donc qu'un moyen : organiser ouvertement la résistance dans l'Ulster. Sir Edward Carson y a employé tout son talent, toute son énergie. Il a parcouru infatigablement la région pour échauffer et ameuter l'opinion publique. Comme au temps de Cromwell, on a ressuscité les vieilles formules du Covenant, le serment solennel prononcé sur la Bible et liant d'un lien religieux tous ceux qui l'ont juré. Puis, l'armée des protestataires a été enrôlée, équipée, entraînée. Des compagnies, des bataillons, des régiments se sont formés, sous le commandement d'anciens officiers. Des hommes, qui n'ont jamais pu s'astreindre au service militaire, se soumettent maintenant à l'exercice et à la discipline. On les passe en revue et le spectacle de ces revues est, paraît-il, des plus impressionnants. C'est là de l'action directe, dira-t-on. C'est la négation même de l'Etat et du gouvernement, puisque le principe du régime parlementaire consiste dans la soumission de la minorité aux décisions de la majorité. Si l'on permet à la minorité protestante de l'Irlande de s'insurger contre une décision du Parlement, pourquoi demain telle autre minorité n'imitera-t-elle pas ce très pernicieux exemple ! Tout cela est vrai. Mais il y a là un fait dont le gouvernement est bien obligé de tenir compte. La menace de l'Ulster n'est pas une menace vaine. Sans doute, Sir Edward Carson n'a-t-il envie de recourir à la résistance armée que s'il y est contraint. Mais supposez qu'il y soit contraint et imaginez la gravité des conséquences. Conscients de ce péril, les uns et les autres, le ministère et les chefs de l'Ulster sont présentement à la recherche d'un compromis. La grande difficulté sera de faire accepter ce compromis aux nationalistes irlandais. On avait parlé, par exemple, de séparer l'Ulster du reste de l'Irlande, d'en faire comme une autre Irlande plus petite, qui aurait reçu, elle aussi, son autonomie, son administration particulière. Mais M. Redmond, le chef des nationalistes, vient de protester nettement contre une pareille solution. Il la déclare inacceptable, parce qu'elle porterait atteinte à l'unité de l'Irlande. C'est cependant dans cette voie seule qu'il est possible de trouver une solution. Les désordres au Mexique. - Le président Huerta a accompli, le mois dernier, un coup d'Etat contre le Congrès. Il est vrai que le Mexique n'en est pas à un coup d'Etat près. La Chambre ayant été entourée de troupes fidèles au Président, a été dissoute et la plupart des députés emprisonnés. Dans sa proclamation, le Président justifiait cette mesure par l'obstruction systématique dont faisait preuve la majorité à son égard. Il annonçait en même temps que des élections auraient lieu le 26 octobre, pour les députés ainsi que pour le Président. Ces élections ont eu lieu. Il semble, d'après les dernières nouvelles, qu'elles n'ont donné aucun résultat, du moins pour ce qui est de l'élection présidentielle, la plus importante de toutes assurément. Le quorum n'a pas été atteint. La plupart des électeurs se sont abstenus d'aller voter. Sans doute, ont-ils de bonnes raisons pour cela. Une nouvelle élection présidentielle sera donc nécessaire. En attendant, le président Huerta continuera à exercer le pouvoir. Aussitôt le coup d'Etat accompli, le gouvernement des EtatsUnis avait d'ailleurs déclaré qu'il ne reconnaîtrait pas la validité des élections. Il a informé les puissances de sa décision et il les a priées en outre, de ne prendre aucune initiative, en ce qui concerne le Mexique, avant de s'être entendues avec lui. Au cas où les désordres s'aggraveraient au Mexique, quelle sera l'attitude des Etats-Unis ? Marche-t-on vers une intervention militaire ? Il ne manque pas d'Américains pour l'annoncer. Etant donnée, disent-ils, l'attitude prise par le président Wilson et la diplomatie américaine, quelque incident se produira, tôt ou tard, qui rendra nécessaire une intervention. L'armée ne paraît guère en état, pour le moment, d'entreprendre une campagne au Mexique. Une expédition dans ce pays ne va pas sans de très grosses difficultés. Nous sommes, nous autres Français, payés pour le savoir. A cela les Américains répondent qu'ils ont, chez eux, assez de ressources pour improviser une armée et venir à bout de tous les obstacles. Ils invoquent le précédent de Cuba et des Philippines. Il semble cependant que les difficultés seraient autrement plus grandes au Mexique ! RAYMOND RECOULY REVUE DES QUESTIONS POLITIQUES CONTEMPORAINES I. REVUE DES QUESTIONS DE TRANSPORTS Les transports locaux par voie ferrée et par automobiles. Les voies ferrées d'intérêt local. Le projet de loi présenté par M. Barthou, en juin 1908, pour modifier le régime des chemins de fer d'intérêt local et des tramways vient enfin d'aboutir et le texte de la loi nouvelle du 31 juillet 1913 a été publié au Journal officiel, du 8 septembre. Le moment est donc venu de résumer les résultats acquis sous les législations antérieures. Au point de vue du développement des lignes, ces résultats sont remarquables. Sans doute, les tramways urbains n'ont pu prendre en France le même essor que dans les pays principalement industriels, où la population est beaucoup plus dense et agglomérée dans les villes en bien plus forte proportion. Mais les lignes rurales, reliant les petites localités aux réseaux d'intérêt général, ont pris chez nous un développement auquel la Belgique seule, à l'étranger, présente quelque chose de comparable; les lignes secondaires très nombreuses en Autriche et en Hongrie rentrent, en effet, pour la plupart, dans ce que nous appellerions le troisième réseau d'inté rêt général. L'ensemble des voies ferrées auxquelles s'applique la loi nouvelle atteint aujourd'hui 25.000 kilomètres concédés, dont près de 20.000 kilomètres en exploitation, sans compter les voies ferrées des quais dans les ports maritimes, qui sont de véritables annexes des grands réseaux. Le capital dépensé, tant sur les lignes en exploitation que sur les lignes en construction, s'élève à environ 2.700 millions. En 1912, l'exploitation a donné 273 millions. de recettes brutes et 86 millions de produit net. La loi établissait jusqu'ici, parmi ces lignes, une division en chemins de fer d'intérêt local, comportant une plateforme spéciale. et tramways, établis sur une voie ouverte à la circulation des voitures. Cette distinction était purement arbitraire, car, matériellement, la plupart des lignes rurales sont établies en partie sur les REVUE POLIT., T. LXXVIII. 21 |