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intermédiaire à se manifester, enfin en faisant soutenir l'escadre légère par une escadre de bataille comme le fit Brueys lors du départ de l'expédition d'Egypte, on pourra tenir en respect l'échelon intermédiaire et l'escadre légère s'élancera en exploration à la recherche de la base d'opérations de l'ennemi.

C'est de cette façon que procède l'amiral Aubert, bloqué dans Toulon (III° thème des manœuvres de 1910).

A 6 heures du matin le 1er juin, la deuxième division légère sort escortée de la deuxième division de ligne. Cet ensemble bouscule les forces de contact immédiat, refoule l'échelon intermédiaire accouru à la première nouvelle de cette tentative, dégage un passage par lequel la deuxième division légère prend son envolée tandis que la division de ligne tient en respect les croiseurs de l'échelon intermédiaire. Ceux-ci, ainsi handicapés, ne pouvant espérer rejoindre leurs congénères ennemis, reprennent leur faction.

Les croiseurs échappés découvrent bientôt l'escadre de blocus qui a quitté le mouillage d'Ajaccio, mais ils sont trop faibles pour se mesurer avec elle, aussi se contentent-ils d'en prendre et d'en tenir le contact. La première division légère avait de son côté appareillé discrètement de Toulon, la veille à 10 heures du soir, sans que les forces de blocus s'en fussent aperçu; on voit ainsi quel parti on peut tirer de croiseurs de bataille s'échappant de la sorte pour tomber inopinément sur le corps de bataille ennemi au mouillage dans sa base. A Port-Arthur, l'amiral Makharoff était pénétré des mêmes idées d'offensive que l'amiral Aubert, son but n'était pas de tenter, comme Witheft au 10 août, une évasion sans chercher à connaître préalablement les positions ennemies. Il voulait sortir, ayant en mains les atouts précieux que donnent la connaissance des points faibles de l'ennemi et l'évaluation exacte de ses forces.

Pour cela il veut tout d'abord percer le rideau qui l'enserre et lui masque le dispositif de l'adversaire. Il veut briser ce bandeau qu'on place sur ses yeux. Il veut utiliser sa force pour user les bloqueurs en les battant en détail. Ainsi il obligera les Japonais à renforcer leur service de blocus et à courir tous les risques du blocus rapproché, s'ils ne veulent pas

risquer qu'au cours de ses raids, il ne balaye les routes de la mer qu'utilisent les transports et bâtiments de commerce japonais. La campagne sur terre engloutit les hommes et les millions, le Japon sent qu'il est à la limite de ses forces, aussi les blessures de ce genre lui sont-elles particulièrement sensibles. Car si les voies maritimes ne sont plus sûres, c'est la paralysie qui le menace par la pénurie d'argent, l'augmentation des prix, les pertes que subit un matériel coûteux, indispensable à la vie des armées en campagne.

Au cours de ses sorties, Makharoff alla jusqu'aux îles Elliott, à 90 milles de Port-Arthur, il prit et coula des transports japonais tout en entraînant ses équipages, ses officiers, en élevant surtout leur moral. De même que Villeneuve essayait de prendre les frégates du contact immédiat à l'aide de ses vaisseaux légers, de même Makharoff donne la chasse aux contre-torpilleurs japonais avec ses croiseurs, afin d'user les forces de blocus en se trouvant toujours en forces supérieures à celles que l'ennemi peut opposer, suivant la grande maxime napoléonienne.

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Son tempérament offensif porte d'ailleurs l'amiral russe à arborer son pavillon sur le Bayan et à faire des reconnaissances offensives à 30 ou 40 milles au large, avec ses croiseurs afin de se rendre compte par lui-même des forces de l'ennemi et de la valeur des siennes.

Du jour de son arrivée jusqu'à sa mort, ce ne furent que sorties continuelles. Enfin le 14 avril, il sort avec 3 cuirassés et 4 croiseurs pour donner la chasse aux croiseurs ennemis, ceux-ci se replient devant lui, tout en avisant la première escadre qui, survenant, tente de lui couper la retraite. L'amiral russe se retirait devant ce déploiement de forces quand le Pétrapawlosk toucha une mine et sauta, engloutissant avec lui cet homme dont la conduite et les méthodes d'entraînement rappellent par bien des points, celles de Latouche Tréville lors du blocus de Toulon en 1804 où il réussit, au cours de ses sorties, à faire reculer Nelson.

L'amiral Makharoff nous a montré comment s'entreprendra l'usure du bloqueur. Une fois son dispositif de blocus connu, ses points faibles repérés, toutes les armes se lieront

encore plus intimement pour l'effriter et en atteindre si possible la clef de voûte.

Le blocus offre un exemple remarquable de la nécessité de la liaison entre les armes. C'est même en elle que reposent toutes les chances du bloqué. Ici ce sont des contre-torpilleurs qui chargent pour préparer la sortie des croiseurs que soutiendront les forces de ligne. Là, ce sont les croiseurs qui sortent à l'aube pour faciliter le retour de torpilleurs partis en chasse pendant la nuit. Ailleurs tous ensemble se jettent sur l'échelon intermédiaire que les croiseurs ont réussi à accrocher, enfin on tente d'attirer les forces de bataille ennemies sur les sous-marins, dans un champ de mines, sous le feu des batteries. Peut-on rêver un champ d'activité plus merveilleux pour un chef énergique, offensif et brillant. Et ce n'est point pendant quelques heures qu'il aura à déployer ses facultés, c'est pendant des jours, des semaines et des mois, jusqu'au moment où, jugeant l'ennemi suffisamment affaibli, il sonnera l'hallali et lancera tout son monde à la curée.

Ainsi compris, le blocus est une lutte continuelle. C'est l'épopée de la force et de la vitesse, l'apothéose de l'audace, de la décision et du talent. C'est pour le chef de nos rêves, l'une des plus belles occasions de donner la solution la plus élégante et la plus glorieuse du problème suprême de la guerre, vaincre le plus fort en le battant en détail, en portant enfin à ses forces essentielles le coup décisif dont elles ne peuvent se relever.

HENRY ROLLIN,

Enseigne de vaisseau.

I

PRÉSENT ET AVENIR DU SYNDICALISME

(A propos d'un ouvrage récent.)

Le « droit prolétarien » est-il en train de devenir, ou même est-il déjà devenu un droit légal? Il faudrait l'admettre si l'on en croyait l'auteur d'un nouveau livre sur la Coutume ouvrière (Syndicats, Bourses de travail, etc.). de M. Maxime Leroy.En tête de son Introduction, en effet, qui porte pour titre : Le Droit prolétarien, on lit ceci : « Au droit on donne communément pour source et pour éléments les lois et décrets, la jurisprudence et la coutume judiciaires... Il ne sera question dans ce livre que du droit spontané, œuvre directe et originale du prolétariat groupé dans les Fédérations.... droit en voie de formation, donc droit déjà partiellement formé... droit méconnu bien qu'écrit, droit inconnu bien qu'appliqué... ».

Il y a là sous la plume d'un juriste une confusion bien regrettable et dangereuse entre le droit légal, et ce qui est ou tend à être une coutume plus ou moins étendue, souvent combattue par le législateur, refusée par des groupes de citoyens, qui ont droit à la protection de ce législateur aussi bien que des groupes plus ou moins violents qui ont la prétention de souveraineté, sans la justifier autrement que par leur caractère dominateur ou la défaillance de leurs opposants. Une bande de malfaiteurs, dès qu'elle serait assez nombreuse ou audacieuse, aurait la faculté, d'après la définition de l'auteur, d'assimiler sa coutume à un droit. Chaque groupe d'intérêts ou d'ambitions aurait ainsi sa coutume-loi. C'est revenir à l'anarchie qui précède l'unité législative et d'Etat. « Classiquement, dit l'auteur, au lieu de grouper sous le nom de droit toutes les règles de la vie sociale, on le réduit aux règles ayant un caractère judiciaire, c'est-à-dire s'analysant finalement en une contrainte de l'autorité publique...

Les syndicats connaissent cependant une sanction: elle est dans cette contrainte inexorable égale à celle du Tribunal correctionnel, que quelques-uns appellent la tyrannie syndicale. Ainsi, un syndicat contraint par la pression un patron à renvoyer un nonsyndiqué n'est-ce pas là un cas de cette «< contrainte extérieure », qui différencie pour un jurisconsulte une règle juridique d'une simple règle morale ? » On irait loin avec cette argumentation-là. Le simple brigandage, ou la simple violence, pourvu que non empêchée ou réprimée, deviendrait droit; le fait que le prolétariat, comme le dit M. Leroy, « a écrit son nouveau droit », sous forme de statuts, règlements, etc, ne change nullement, malgré l'affirmation de l'auteur, le fond des choses. Nous nous trouvons en face de simples prétentions, de pressions subies ou non suffisamment repoussées ou punies, mais nullement d'un droit. La loi de 1884, en créant une sorte de privilège aux unions professionnelles par rapport aux autres associations, privées encore de tout droit d'exister, a fàcheusement encouragé le prolétariat à se croire tout permis en fait de pression syndicale, comme si on lui eût concédé un véritable tabou. Il est regrettable que des juristes le poussent dans cette voie en donnant une sorte de légitimation théorique et de principe à ses excès. La loi de 1901, en étendant la liberté des associations, a été un premier pas vers la suppression du soi-disant droit prolétarien. Celui-ci n'a jamais reposé que sur la défaillance du législateur ou des opprimés. Ne l'érigeons pas en principe juridique.

L'erreur de début que nous relevons dès les premières pages de son livre, se reflète malheureusement et porte ses conséquences dans tout l'ouvrage de M. Leroy. Qu'il s'agisse des institutions ou des doctrines, on sent qu'il les juge non d'après la logique ou l'expérience universelle, mais comme se rapportant « à une classe à part dans la nation », pour laquelle ni les faits acquis, ni les mots usuels n'ont plus leur valeur.

<<< Sans intentions combatives, nos préférences vont, historiquement, au syndicalisme. Nous avons écrit ce livre avec sympathie pour le régime d'égalité et de liberté (sic), basé sur le travail, que les syndicats préparent patiemment depuis la scission qui s'est produite entre producteurs et bénéficiaires de la production. »

Ce passage de la préface de M. Maxime Leroy indique, non sans franchise, les tendances dans lesquelles il a composé son études, qu'il s'agisse des réalités concrètes ou de doctrines encore à l'état de devenir. Celles-ci, dues surtout à des plumes.

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