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bâtiments rapides du blocus, surtout pendant la mobilisation. Malgré le désir de mieux surveiller l'horizon et de suppléer aux défaillances de l'échelon d'observation, le chef de la division légère ne doit pas oublier l'importance plus ou moins grande de sa présence au combat. La nécessité d'une liaison telle que des forces suffisantes participent à l'action contre toutes celles de l'ennemi, semble dicter au chef de l'armée de blocus la disposition de l'échelon intermédiaire par rapport à sa base.

Le blocus fut, pendant les guerres révolutionnaires et impériales, la base même de la stratégie britannique. Un défaut en caractérisait au début la tenue. Dans le désir de surprendre nos escadres pour les détruire, en vue de les inciter à sortir, les Anglais cherchaient à tenir secrète leur présence au large de nos ports; à plusieurs reprises nos escadres échappèrent ainsi à leur étreinte. La sortie de Brueys en 1798 fut une leçon dont Nelson profita. En 1804, il plaça des frégates en observation devant Toulon, Villeneuve les balaya et réussit par deux fois à sortir. Aussi l'amiral anglais fut-il conduit à faire tenir le blocus de Cadix, en 1805, par une escadre légère masquant l'armée, toujours placée elle-même hors de vue. C'est ce système que Villeneuve décrivait en ces termes au ministre, le 2 octobre 1805: « Le gros de l'armée ennemie se tient hors de vue de nos vigies. Leur escadre d'observation de cinq vaisseaux seulement se tient en vue de cette rade, mais elle laisse apercevoir de temps à autre ses intermédiaires. » Archives de la Marine. BB. 4.230.

Tôt ou tard, le blocus doit être forcé. Un chef doué d'un esprit offensif, mais ne disposant que d'une flotte inférieure à celle de l'adversaire, pourra être amené à attendre l'heure et les circonstances favorables à l'abri des forts d'un port de guerre. C'est la conception de Ganteaume, bloqué à Brest, en 1805 et à Toulon en 1809. Dans l'un et l'autre cas, quand il avait jugé l'occasion propice, il avait sollicité instamment l'autorisation d'aller combattre l'escadre de blocus, l'ordre formel de l'Empereur l'avait maintenu sur rade; enfin, en

1809, ayant pu obtenir cette autorisation, il exposait ainsi son but à ses capitaines dans son Mémorandum du 8 septembre 1809 « Messieurs, l'armée navale va sortir. L'ennemi est momentanément en force inférieure dans ces parages; au premier instant, il peut y être supérieur; il s'agit donc de profiter de la chance favorable que la fortune nous offre. Il faut dérober notre sortie à l'escadre anglaise qui croise devant ce port, la surprendre et la forcer au combat. » (Archives Vivielle.)

Courir la mer, en forces inférieures à proximité de l'ennemi, renouveler certaines campagnes du large qui illustrèrent Tourville, Bruix, ou Ganteaume ne semble plus guèrepossible, étant données les nécessités du charbonnage, l'extension des moyens d'éclairage et d'information à moins que certaines considérations telles que la crainte d'un débarquement ou de l'intervention d'un allié sur ses derrières ne retienne l'ennemi dans ses mouvements.

On sera peut-être amené à une sorte d'application de la tactique qu'employait Napoléon dans certains cas en se retranchant sur une position, afin de l'utiliser pour user l'ennemi, puis une fois la rupture d'équilibre rendue possible, la déchaîner par une attaque soudaine, violente, décisive.

La tenue du blocus pourra en effet coûter fort cher à celui qui l'entreprendra si son adversaire déploie une activité de tous les instants et profite de la dispersion obligée des forces de blocus pour les surprendre et les battre en détail. Ces pertes s'accroîtront encore de celles que le bloqué pourra infliger en donnant toute l'extension possible au champ d'action de ses torpilles, à l'activité de son escadre légère.

La passivité des escadres bloquées n'a jamais abouti qu'à de lamentables défaites.

Il semble au cours de l'histoire, que le bloqueur ait toujours eu raison de son adversaire. Le blocus en effet éveille les noms de Trafalgar, Sébastopol, Santiago, Port-Arthur, On oublie les sorties de Brueys, de Morard de Galles, de Ganteaume, de Bruix, de Villeneuve, que stérilisèrent seul l'ordre ferme d'éviter le combat en vue d'effectuer des opérations secondaires. Ces défaites retentissantes ne tiennent cependant pas à la nature même du blocus. Celui de Cadix en 1805, cou

ronné par le désastre de Trafalgar est un cas à part, l'armée n'est pas prête, elle manque de tout quand l'ordre formel de l'Empereur la jette hors de Cadix pour la livrer dès sa sortie aux coups de Nelson.

Sébastopol, Santiago, Port-Arthur sont des places assiégées; les généraux ne voient dans la flotte qu'un renfort de canons plus utile sur terre que sur mer, on les débarque ; on débarque aussi les équipages et lorsque arrive l'ordre de sortir, la flotte, amoindrie moralement et matériellement, va s'échouer à la côte comme l'escadre de Cervera ou revient, désemparée, subir le sort de toute place assiégée qui n'est pas secourue la capitulation, comme l'escadre de Witheft.

Au cours des tentatives de forcement du blocus de PortArthur, les Russes ont montré la même passivité qu'en pleine mer à Tsushima. Cette passivité se traduit par la même négligence, on pourrait dire plus, la même crainte de l'éclairage. Seul, Makharoff a donné au blocus sa véritable physionomie en déployant une activité, une audace de tous les instants. La passivité d'ailleurs engourdit les caractères, émousse les cœurs, rouille les armes ; elle use plus le bloqué que le bloqueur et si ses blessures sont pour lui souvent moins apparentes, elles sont toujours plus profondes.

Pour répondre au but de la guerre, à la raison même de la flotte, le bloqué devra donc préparer le combat décisif et la victoire finale par l'emploi intensif de toutes ses forces. C'est ainsi qu'il attendra le moment d'agir et fera naître l'occasion favorable. Il disposera pour cela de sa flotte de bataille, de ses croiseurs, de ses lance-torpilles, de ses mines et de ses batteries.

L'influence de l'emploi des mines sur la tenue du blocus serait intéressante à étudier, mais elle nous entraînerait au delà de notre sujet, aussi nous contenterons-nous de faire remarquer que leur emploi ne sera peut-être pas aussi intense qu'à Port-Arthur; aussi l'activité du bloqué n'en sera-t-elle pas réduite et ne risquera-t-il pas la perte d'un Makharoff. Les mines ne sont pas une arme véritable, elles n'obéissent pas à la volonté de l'homme, par suite elles ne se plient pas aux lois de victoire, ce sont des engins à deux tranchants, elles frappent l'ami comme l'ennemi. D'ailleurs, pendant la

guerre russo-japonaise, les pertes de ce fait ont été sensiblement égales de part et d'autre.

Le bloqué en les semant limitera son champ d'activité ; le bloqueur pourrait s'en servir pour embouteiller l'ennemi, mais cela entraînerait pour lui l'obligation de reculer d'autant son rideau d'observation et par suite augmenterait ses risques de surprise car les mines se draguent et le bloqué peut ainsi se garantir un chenal de sécurité lui permettant de sortir. Enfin dans les mers fréquentées, la menace de l'intervention violente de neutres puissants mettra peut-être les deux parties d'accord pour n'en point semer.

Ainsi l'influence des mines sur le maintien et la rupture du contact semble devoir être fort atténuée.

C'est dans l'emploi le meilleur des armes qui se plient à leurs conceptions que les chefs des deux partis chercheront sans doute la réalisation de leurs objectifs. L'amiral bloqué dispose pour rompre le blocus et provoquer des destructions partielles, de deux moyens la force et la vitesse. La première, d'ailleurs, ne devant servir qu'à mieux utiliser finalement la seconde ; cette dernière préparant parfois l'utilisation de la première. Tout d'abord l'amiral bloqué devra chercher à percer le rideau d'observation pour savoir ce qu'il cache, pour connaître la force de résistance du système qui lui est opposé.

Il se peut, en effet, que l'ennemi ait trouvé à utiliser ailleurs une notable partie de ses forces et n'ait établi qu'un simulacre de blocus. C'est ce qui peut se produire dans le cas où le blocus a pour but de fixer une fraction des forces adverses tandis que l'on va combattre la fraction principale. Un exemple en est donné par le premier thème des manœuvres de 1910, qui consistait à empêcher la jonction de deux escadres, l'une entrant dans la Méditerranée et l'autre stationnant dans la baie d'Ajaccio. Ce thème fut repris lors de la jonction de la troisième escadre avec l'armée navale en novembre 1912.

Dans ces deux cas le blocus d'Ajaccio fut employé pour immobiliser la fraction des forces ennemies qui s'y trouvaient. Tel fut encore le cas de Ganteaume bloqué dans Brest en 1805 pendant la poursuite aux Antilles de Villeneuve, qui devait venir se joindre à lui.

L'amiral bloqué est donc amené à faire de l'éclairage à travers le rideau d'observation pour connaître l'importance des forces de blocus et apprécier ses chances de victoire. C'est ce que prescrit Decrès à Ganteaume, le 19 juillet 1805, alors qu'on escompte encore l'arrivée de Villeneuve : « Tenez des escadres légères à la voile pour empêcher un ennemi inférieur de vous observer. » Le lendemain, l'Empereur, qui est revenu sur sa défense de combattre, confirme cet ordre en ces termes: «Nous vous avons fait donner l'ordre de sortir et de chasser les frégates ennemies et de reconnaître où l'ennemi s'est porté.

Si vous le trouvez au large de Brest, au nombre de moins de 16 vaisseaux, notre intention positive est que vous l'attaquiez avec vos 21 vaisseaux de ligne. Nous sommes fondés à espérer du succès. »

C'est dans le même but que Villeneuve, bloqué à Cadix, par la suite, fait sortir l'escadre légère et en rend compte au ministre : « J'ai donné l'ordre au contre-amiral Magon d'appareiller cette nuit avec 4 vaisseaux français et la frégate l'Hermione, pour tâcher de s'emparer de 4 frégates ennemies qui observent la baie et se tiennent communément assez près de terre la nuit; le second objet de cette sortie serait de reconnaître la position de l'ennemi et sa force et de faire appareiller l'armée si la position et le nombre des vaisseaux ennemis permettent de le faire avec quelque espoir de succès. » Archives de la Marine. BB. 4. 230.

On retrouve ici, comme lors de la sortie de Brueys, en 1798, une escadre de vaisseaux rapides, les croiseurs de bataille de l'époque, chargés du rôle de sûreté et d'exploration.

La lettre de Villeneuve à Decrés renferme la doctrine que suivra vraisemblablement de nos jours un amiral bloqué. Elle peut se résumer ainsi : usure des bloqueurs et reconnaissance de leurs forces. Tout d'abord, il cherchera à déterminer la disposition et la force du premier échelon, puis de l'échelon intermédiaire, enfin celles du corps de bataille. Les contre-torpilleurs essayeront de bousculer de jour le rideau d'observation, ce qui amènera celui-ci à révéler ses soutiens. En poussant l'expérience et en faisant sortir une division légère à l'aide d'une diversion de ce genre on obligera l'échelon

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