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vement rapproché. Au printemps prochain, un premier emprunt de 500 millions pourrait, semble-t-il, être placé dans de bonnes conditions.

Il le serait surtout, si ce nouvel emprunt ne venait pas alourdir outre mesure le marché de notre 3 0/0. Et il l'alourdira au minimum, si la loi qui l'autorise porte en même temps: les excédents budgétaires seront désormais affectés à l'amortissement de la dette publique 3 0/0 perpétuelle. A cette offre nouvelle de 3 0/0 correspondra une demande nouvelle résultant de l'affectation obligatoire des excédents budgétaires à l'amortissement.

Et pour conclure, préconisons l'émission au-dessous du pair de rentes 3 0/0 perpétuel avec affectation obligatoire des excédents budgétaires au rachat en Bourse au-dessous du pair de rentes 3 0/0 perpétuel. Ce rachat sera possible, car des excédents de recettes sont à prévoir à la suite du vote de nouveaux impôts. Et, par ailleurs, en période de hausse de l'intérêt, le cours des valeurs à revenu fixe, des fonds d'Etat notamment, baisse plutôt qu'il ne monte. Mais viendraient-ils à hausser, il serait à souhaiter que la nécessité de convertir un 3 1/2 émis au pair ne recule pas la date de la conversion de nos 30 milliards de 3 0/0. Peut-être estimera-t-on avec nous qu'on réussit ainsi à éviter les inconvénients d'un amortissement obligatoire permanent, comme ce serait le cas avec une émission de 3 0/0 amortissable ou d'obligations vingtenaires, l'on maintient l'unité de type de notre dette publique, tout en éliminant les inconvénients d'une émission au-dessous du pair; on consolide le crédit public en introduisant dans nos finances la pratique jusqu'ici trop négligée et désormais indispensable de l'amortissement.

Nous proposons, en somme, d'émettre du 3 0/0 perpétuel tout en introduisant par voie législative, la pratique traditionnelle en Angleterre de l'amortissement sur excédents.

JEAN LESCUre.

Professeur agrégé à la Faculté de Droit de Bordeaux.

REVUE POLIT., T. LXXVIII.

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L'Etat moderne a en tous pays une regrettable tendance à se charger de missions qui, naguère, appartenaient exclusivement au domaine de l'industrie privée. Cette intervention résulte tantôt de préoccupations financières, tantôt de bienveillance sociale:dans le premier cas, l'Etat vise les industries à bénéfices considérables; dans le second, il aborde des industries dont il reconnaît lui-même la difficulté de gestion, mais dont il croit devoir assumer la charge en s'imaginant à tort qu'il supplée à l'inertie ou à l'impuissance de l'initiative privée.

La réalisation de l'assurance contre la grêle en est un exemple, ainsi que le prouve une série de manifestations récentes.

I. ETAT ACTUEL DE LA QUESTION.

1. Attitude des pouvoirs publics. Au cours de l'année 1913, dans les milieux officiels, l'assurance des risques agricoles et notamment du risque de grêle a été l'objet de fréquentes communications.

D'après une note du 19 avril 1913, le Conseil des Ministres avait décidé de faire étudier par une commission interministérielle comprenant des représentants des ministères de l'Agriculture, des Finances, de l'Intérieur et du Travail, les conditions dans lesquelles pourrait être organisée l'assurance contre la gelée et la grêle.

Le lendemain, 20 avril, parlant à Ennezat (Puy-de-Dôme), M. Clémentel, ministre de l'Agriculture, abordait la question, après avoir manifesté toute sa sollicitude pour les sociétés de mutualité et de coopération agricoles :

« A ces œuvres de solidarité, disait-il, le Gouvernement doit apporter le couronnement, par l'organisation d'une Caisse nationale d'assurance ou de réassurance contre la gelée et la grèle, ces deux fléaux si redoutables pour le monde agricole. La Mutualité ne peut, pour ces grandes calamités, jouer un rôle efficace si elle doit agir sur l'étendue d'une commune ou d'un canton, voire d'un département. La grêle et la gelée dévastent des régions entières. Perdant tous ensemble leurs récoltes, comment les paysans pourraient-ils, dans l'espèce, s'entr'aider? D'autre part, aucune société privée n'a, jusqu'à ce jour, réussi à couvrir, de façon acceptable, ces risques agricoles.

« Et cependant, il est indispensable d'assurer au cultivateur les sommes suffisantes pour pouvoir vivre et travailler en attendant les récoltes prochaines. Sans doute, les voies et moyens pour réaliser cette grande œuvre sont difficiles. J'estime toutefois que la question n'est pas insoluble. Aussi, mon collègue des Finances (1), et moi, avons-nous obtenu, hier, du Conseil des Ministres, que ce grave problème soit mis à l'étude immédiatement. J'ai le ferme espoir que, de la conférence interministérielle décidée par le Gouvernement, sortira un projet pratique que je serai heureux de soutenir devant le Parlement. »

Le 16 mai 1913, la question reparaissait au Sénat, dans le cours d'une discussion à laquelle prenaient part MM. Ponteille, Pontbriand, Cazeneuve, Audiffred et M. Clémentel, ministre de l'Agriculture.

M. Ponteille demanda une solution rapide du problème en ce qui concerne la grêle, déclarant que, quels que fussent les

(1) M. Charles Dumont. M. Charles Dumont est l'auteur de plusieurs propositions de loi tendant à établir des assurances agricoles obligatoires contre la grêle, la gelée, les inondations, etc. La proposition qu'il a présentée au Sénat, le 10 juin 1910, mérite qu'on s'y arrête: D'après lui, l'Administration des Contributions directes procédant, en vertu de la loi du 31 décembre 1907, à une évaluation nouvelle du revenu foncier en vue d'aboutir à un dégrèvement foncier, il suffirait, pour que le problème fût résolu, d'appliquer tout ou partie de co dégrèvement au paiement d'une prime d'assurance obligatoire, imposée d'après les nouvelles évaluations. Il s'agirait, par conséquent, d'un véritable impôt, qui serait perçu par les agents du fisc et dont le produit servirait à indemniser les sinistrés.

moyens employés pour conjurer le fléau, et en admettant que quelques-uns d'entre eux eussent une certaine efficacité, il fallait néanmoins recourir à l'assurance. Or, ajoutait M. Ponteille, « l'élévation des primes réclamées par les Compagnies privées et la crainte, trop souvent justifiée, de contestations, au moment du règlement des sinistres, avec les assureurs, défournent malheureusement les viticulteurs de cet acte de prévoyance. » D'où la nécessité d'une assurance mutuelle agricole généralisée par l'institution d'une Caisse nationale de réassurance.

Le ministre de l'Agriculture, spécifiant qu'il se bornait a formuler son opinion personnelle, donna son entière adhésion aux paroles de M. Ponteille, et se déclara prêt à aller jusqu'à l'assurance obligatoire.

M. Emile Rey préconisa de même la création d'un organisme général national, dont l'assurance-grêle, d'après lui, ne pouvait se passer, si elle ne voulait aboutir à un échec, mais il déclara rejeter tout principe d'obligation.

Après une discussion »ssez étendue sur les moyens mécaniques (paragrêles ou niagaras électriques), de supprimer le risque de grêle en supprimant la grêle elle-même ou tout au moins ses effets désastreux 'directs, discussion qui parut aboutir à une déclaration d'actuelle impuissance, le Ministre déclara consentir à favoriser d'une subvention limitée l'œuvre de défense contre la grêle par les canons et les fusées paragrêles, en ajoutant que, si l'efficacité des niagaras venait à être reconnue, le Gouvernement ne marchanderait pas les encouragements financiers.

Enfin, le préfet du Puy-de-Dôme, à la séance du Conseil général de ce département du 18 août dernier, a donné lecture d'une lettre du ministre de l'Agriculture affirmant, à nouveau que, d'accord avec son collègue des Finances, il estimait qu'il convenait de tenter un effort décisif là « où jusqu'ici, déclaraitil, les initiatives individuelles ont complètement échoué ou n'ont obtenu que des résultats notoirement insuffisants ». La solution se trouverait, d'après lui, dans la création d'une Caisse nationale, relevant du ministère de l'Agriculture, mais ayant son autonomie, son budget propre et son Conseil d'administration responsable, composé d'une partie des intéressés eux

mêmes, l'assurance ainsi envisagée devant avoir un caractère d'obligation, qui pourrait d'ailleurs être tempéré par la liberté du choix des moyens.

2. Attitude de la Mutualité agricole. La question, ainsi mise à l'ordre du jour, devait être reprise au Congrès national de la Mutualité agricole, dont les huitièmes assises se sont tenues à Clermont-Ferrand, du 20 au 24 août 1913, La présence du ministre à la séance inaugurale et l'assistance permanente d'un des Directeurs de son département, la présidence effective d'un sénateur, ancien ministre de l'Agriculture, M. Viger, la participation de nombreux parlementaires devaient, d'ailleurs, donner au Congrès, à la fois, l'empreinte gouvernementale et une certaine garantie d'orthodoxie. Toutefois, l'intervention de l'Etat dans le domaine de l'assurance a été l'objet de réserves formelles. Contre l'Etat accapareur, créateur de fonctions et enclin à la contrainte, l'indépendante Mutualité a, par la bouche du rapporteur de la question des assurances, M. Vermorel, sénateur du Rhône, revendiqué sa liberté et celle de ses adeptes. « Nous pensons, a-t-il dit, qu'on doit rejeter absolument l'assurance par l'Etat et ne laisser à l'Etat que le contrôle financier des opérations. De même aussi, l'obligation ne saurait être admise. S'assurera qui voudra. Lorsque les agriculteurs auront vu à l'œuvre nos mutuelles-grêle, leurs manières de régler sans chicanes les sinistres, qu'ils auront comparé les tarifs tout à l'avantage des mutuelles, ils se rallieront aux mutuelles-grêle, comme ils l'ont fait pour la mortalité du bétail. » D'après M. Vermorel, dès que l'appui d'une Caisse nationale de réassurance sera certain, les caisses locales et départementales pourront se créer partout rapidement.

L'antithèse est évidente. Le représentant du ministre, bien obligé de la relever, l'a d'ailleurs soulignée, disant qu'il lui semblait impossible d'organiser l'assurance-grêle par la seule initiative privée. Mais le Congrès a suivi son rapporteur. La Mutualité française veut faire d'elle-même. Elle ne réclame à l'Etat que des ressources pour alimenter une Caisse nationale, mais libre, de réassurance.

En définitive, l'accord n'existe donc qu'au point de départ,

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