Imágenes de páginas
PDF
EPUB

point d'honneur national le maintien des droits de l'Allemagne sur l'Archipel (1) ».

C'est lui encore qui, après la guerre sino-japonaise, le pressait d'occuper les îles Chusan ou le port d'Amoy (2).

Enfin, chose curieuse, les pangermanistes couvaient d'un œil jaloux l'arrière-pays du Cameroun et le bassin de la Sanga, et l'Association adressa, dès 1894, une supplique à l'Empereur en personne, pour le détourner d'accorder son agrément à la convention alors négociée avec la France (3).

L'Allemagne, aux yeux des pangermanistes, ne faisait pas grande figure de puissance coloniale: Hasse, au Congrès d'Eisenach, en 1902, déplorait que l'idée première des coloniaux eût été éludée, à savoir, l'acquisition de zones de peuplement

programme reculé de deux ou trois décades -- et que les territoires de plantations fussent laissés en proie aux capitalistes et spéculateurs internationaux. Le Congrès de Plauen fit le procès au système des concessions et des compagnies à privilèges régaliens. L'Empire doit désormais placer ces possessions sous sa régie propre (4): solution que le groupe berlinois recommande plus directement au chancelier Bülow.

Ce qui chagrinait aussi les censeurs, c'était l'excès de « bureaucratisme» et de « juristerie », le manque de sens pratique et commercial chez les fonctionnaires..., thèmes classiques dans tous les pays à colonies.

La Nouvelle Allemagne (deutsches Neuland) restait un mirage lointain, cette « patrie neuve, qu'on rêvait toute parée de noms allemands, où l'on entendrait les sons familiers qui réchauffent le cœur et lui donnent le sentiment du chez soi (5) ».

III

Mais, au gré des pangermanistes, l'œuvre coloniale ne se

(1) Résolution du Bureau, 16 avril 1899, p. 62.

(2) Pétition au Chancelier Hohenlohe, p. 31.

(3) 8 mars 1894, p. 4.

(4) p. 218.

(5) Congrès de Schandau, 1909, p. 426.

suffit pas à elle-même; elle n'est qu'un terme du problème national, ou, ce qui revient au même, de la politique mondiale. L'instrument de cette politique c'est la flotte. Les Alldeutsche se vantent de leur rôle de promoteurs de l'expansion maritime de leur pays. Et de vrai, ils ont lancé appel sur appel pour le renforcement de l'appareil naval. En cette matière encore, ils ne furent pas écoutés ; ils se plaignaient du manque de sens politique, de l'inintelligence de la masse (1). Ils secouèrent les philistins d'en bas et d'en haut.

་་

Ils dictèrent les mesures techniques, réclamèrent pour 1912 l'achèvement des unités fixé à 1920. En dépit des dénigrements, ils purent se féliciter d'avoir rallié à leurs voies la majorité du Reichstag et le gouvernement aussi (2). Ils avaient trouvé et c'est une des causes de leur succès un «< puissant allié » dans l'Empereur, un Empereur impérialiste. C'est ce qui enhardit les pangermanistes maintenant que cuirassés et croiseurs du dernier type voguaient, annonciateurs et gendarmes du deutschtum, à exercer des répétitions sur des contrées dont la prise consacrerait la grandeur maritime de l'Allemagne, entre toutes, le Maroc.

Le pangermanisme eut la bonne fortune que des hommes, comme le professeur Théobald Fischer de Marburg, le comte Joachim Pfeil, deux des plus pénétrants connaisseurs de l'Afrique du Nord, missent à son service l'autorité de leur science et de leur plume.

Théobald Fischer ne dédaigna pas, dans les Alldeutsche Blätter (3), d'allumer les convoitises allemandes, par des assertions douteuses; il écrivit que le commerce allemand au Maroc tenait le second rang, l'emportait sur celui de la France,« en recul incessant ». Il montra, tirant texte des arguments de Jaurès, les difficultés de la tâche que la France assumait. En cas de partage, il désigna la part de l'Allemagne, le Hous— tout l'avant-pays de l'Atlas depuis Rabat - et le Sous. Alors, conclut-il généreusement, nous pouvons abandonner le reste à la France, ou à la France et à l'Angleterre. >>

(1) Disc. du général de Liebert, à Worms, en 1905 (p. 272). (2) P. 457,

(3) No 41, de 1903 (p. 219).

Cette prétention, l'Association pangermaniste la fit sienne et l'amplifia; dès la publication de la convention franco-anglaise d'avril 1904, son bureau adressa un mémoire au Chancelier, où était demandée la mainmise sur la côte atlantique du Maroc«< bien entendu avec l'arrière-pays » (1). « Cette acquisition est nécessaire à la sécurité des relations avec nos colonies et marchés d'Afrique, d'Extrême-Orient et de l'Océanie, et s'impose d'autant plus pressante, que la route du canal de Suez est de plus en plus maîtrisée par une grande puissance étrangère... Le Maroc occidental offre à l'Allemagne la dernière possibilité d'entrer en possession, par voie pacifique et sans guerre de conquête contre de grands Etats européens, de territoires plus appropriés à l'expansion allemande que toutes les acquisitions d'outre-mer effectuées jusqu'ici. » L'on signalait en terminant le leurre de la « porte ouverte ».

Un des dirigeants de l'Association, l'avocat Class, devenu Président à la mort de Hasse, lançait sa brochure : Le Maroc est-il perdu? (2), où il essayait une justification morale de l'entreprise marocaine.

A l'apparition de Guillaume II à Tanger, les pangermanistes exultèrent. « Les voilà en marche, les arguments que de longue date nous avons émis en faveur d'une action marocaine énergique, s'écriait Class. Il y a un an nos libelles et nos résolutions n'avaient pas l'heur d'émouvoir ni le gouvernement ni le peuple; notre adresse au Chancelier ne recevait pas de réponse (3). » On déchanta bientôt : panaches et chamarrures s'évanouirent du grand Socco. Et Hasse, dans son allocution présidentielle à Worms, se demandait si le voyage au Maroc aurait des conséquences pratiques plus sérieuses que le voyage en Palestine.

La Conférence d'Algésiras apporta aux pangermanistes plus de tristesse encore et de rancœur; entente franco-anglaise fortifiée, Italie débauchée : « nous ne nous en sommes pas étonnés; car, d'après notre conviction, la TripleAlliance n'est plus qu'un chiffon de papier », ce que con

(1) Session de Gotha, 9-10 avril 1904 (p. 238).

(2) Flugschrift, 17.

(3) Alld. Blätter, 1905, no 13 (p. 259).

firmait avec éclat le lâchage,

s'il est permis de dire, de l'Autriche, l'amie à toute épreuve (1).

L'accord franco-allemand de février 1909, où étaient reconnus les intérêts spéciaux de la France, fut flétri au Congrès de Schandau, en septembre de la même année, « comme le triste dénouement d'une politique honteusement instable, sans clarté et sans but (2). » Le coup d'Agadir donna aux pangermanistes un réconfort et une joie éphémères ; l'accord de novembre 1911 les a définitivement déboutés.

IV

De ces déboires au dehors, les pangermanistes passent leur méchante humeur sur les nationalités non allemandes, que leur fâcheux destin a incorporées à l'Allemagne, et qui con servent la piété de leur langue, de leurs traditions et de leur idéal les pangermanistes se font les suppôts, policiers, au besoin aide-exécuteurs de l'administration contre les Polonais, Danois, Alsaciens et Lorrains, ces derniers aimablement qualifiés de Französlinge.

Bismarck avait, en 1886, pris l'offensive contre le polonisme, moins par une préoccupation ethnique ce côté de la question le touchait peu que pour frapper le catholicisme. Nourrissait-il de grandes illusions sur l'efficacité de la germanisation par des essaims de paysans transplantés dans les ingrates plaines orientales de la monarchie, isolés au milieu de populations hostiles, et docilement absorbés ? La vanité de l'entreprise éclata bientôt : l'Ansiedlungs Kommission et la General Kommission morcelèrent quelques grands domaines, bâtirent quelques villages, installèrent des colons; mais les Polonais achetèrent au nez des Commissions la plus grande partie des terres vacantes. Puis le gouvernement eut besoin de toutes les forces catholiques au Reichstag contre libéraux et socialistes: les Polonais furent rassurés; un de leurs représentants au Parlement, M. Stablewski, fut nommé

(1) Allocution de Class à la session de Dresde, 1-2 septembre 1906 (p. 284).

(2) Disc. de Class, p. 417.

archevêque de Posen; les écoles privées polonaises furent autorisées, etc.

L'Association pangermaniste poussa des cris de rage; elle dénonça l'Etat prussien polonisateur, et non pas coloni

sateur.

La question nationale se trouvait rapetissée à la mesure d'une combinaison parlementaire ou confessionnelle.

Le premier Congrès pangermaniste à Berlin, en septembre 1894, suggéra tout un programme enseignement exclusivement allemand; entretien par l'Etat des institutions d'instruction publique, professionnelles, agricoles, etc., germanisation des noms de localités; renforcement de la classe moyenne allemande, par l'établissement de biens-fonds à rente (1), par la création de banques de crédit pour les cultivateurs, artisans et commerçants allemands; prohibition de l'immigration de Polonais russes et galiciens; extension de la loi de colonisation à la Prusse orientale et à la Silésie, etc. (2).

On oubliait d'indiquer les voies et moyens (3).

En livrant les Polonais au bras séculier, le pangermanisme fulminait l'excommunication, au nom d'un dogme fondamental aux Polonais qui invoquaient les droits de l'homme et du citoyen... prussien, on répondait : vous n'êtes ni citoyens, ni Prussiens, ni Allemands; les droits constitutionnels allemands et prussiens ne s'appliquent pas à vous. « Il faut abroger dans la Marche de l'Est le principe de l'égalité (paritä!) des nationalités (4). » Le Chancelier fut requis de rompre « avec le principe de l'égalité à l'égard des sujets prussiens de nationalité polonaise (5) ». Paragraphe « en caoutchouc >>

(1) La loi sur les Rentengüter, dans les provinces orientales, prend une portée encore plus ethnique que sociale.

(2) Seules, en effet, la Prusse Occidentale et la province de Posen, que les pangermanistes voudraient baptiser « Prusse Méridionale ont été visées par la loi de 1886. Le savant professeur J. PARTSCH a poussé lui aussi le cri d'alarme contre le polonisme en Silésie. Von der deutschen Grenzwacht in Schlesien (Deutsche Erde, V, 1906, p. 2-7, avec carte des nationalités en Silésie, de PAUL LANGHAUS).

(3) Ce programme est développé dans les Alldeutsche Blätter du 14 octobre 1894, sous le titre: Une nouvelle politique polonaise (20 Jahre, p. 13-22).

(4) Alld. Blätter, 1899, n° 11 (Ibid., p. 59).

(5) Résolution du Bureau: Berlin, décembre 1901 (p. 114).

« AnteriorContinuar »