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lification de gouvernement; il est dès lors, disqualifié pour entretenir plus longtemps des relations internationales avec les puissances.

Yuen Chekai n'a plus maintenant aucune autorité pour accorder aucun territoire ou privilège aux nations étrangères et toutes les nations étrangères, ne devront, en aucune circonstance fournir à Yuen Chekai de l'argent ou des munitions de guerre.

Notre groupement est la représentation autorisée des assemblées provinciales de la Chine toute entière. Après la publication de cette déclaration, aujourd'hui 17 juillet, de la deuxième année de la République Chinoise (1913), nous attirons respectueusement l'attention de toutes les puissances sur les déclarations qu'elle contient, et nous les prions instamment de prendre note de ces déclarations. Si quelqu'une des puissances fournit à Yuen Chekai, traitre à la Chine, de l'argent ou des munitions de guerre le pays ne pourra pas assumer la responsabilité de ces transactions.

Nous espérons, sincèrement que les puissances seront mues par un sentiment de justice et d'humanité et qu'elles maintiendront une stricte neutralité. Leur bonne volonté à exaucer notre requête, non seulement, sera un bienfait pour la Chine mais même assurera la paix du monde qui dépend de cet acte ».

Les représentants des puissances ne tinrent aucun compte de cet appel des représentants du peuple chinois, car les combinaisons diplomatiques et financières reposaient toutes sur la personne du dictateur. Elles lui fournirent au contraire de l'argent et des munitions de guerre, afin qu'il pût plus facilement et plus rapidement écraser la révolte des constitutionnalistes et établir sa dictature. Le Parlement se trouvait réduit à un rôle inférieur à celui de la Douma russe. Le président du Sénat s'enfuit, des parlementaires furent arrêtés dans les deux Chambres et disparurent. Un certain nombre furent tués.

Les membres de la majorité républicaine avaient voulu se retirer dans le Sud; mais Yuen Chekai ne les laissa pas faire, il tenait à les garder sous le couteau, selon le conseil qui lui était donné par les organes étrangers se publiant en Chine, car il est nécessaire, pour le succès des emprunts possibles, que l'opinion publique européenne croie que tout se passe régulièrement dans la République chinoise.

De là, le simulacre d'élection présidentielle, qui a eu lieu ces jours-ci; au point de vue de l'état de l'opinion des représentants du peuple, il ne signifie plus rien; les malheureux parlementaires de Pékin ne votant qu'avec la perspective de la mort dans le cas où ils s'aviseraient de porter leurs voix en majorité sur d'autres que sur le président provisoire. On va reconnaître la République chinoise, maintenant qu'elle n'est plus qu'une appa

rence.

En somme, actuellement, la République Chinoise n'existe plus que de nom. A la place d'un gouvernement organisé se trouve une dictature sans moyens de s'établir solidement parce que les ressources d'une part, et le personnel d'autre part, lui font défaut : En effet, pour qu'une dictature puisse s'établir et durer il lui faut une administration organisée déjà. Or, en Chine, celle-ci n'existe pas, le peu qui existait ayant été détruit et rien de sérieux ne l'ayant remplacé. De tous côtés, une rébellion sourde succède à la rébellion ouverte; au centre, à Outchang, malgré les décapitations continuelles on se demande si la révolte ne va pas recommencer ; au Steutchoenn, au début de septembre, la dictature n'avait pu encore s'imposer; dans les provinces maritimes on signale encore des mouvements de révolte. La deuxième guerre civile a laissé des brandons allumés qui peuvent rallumer l'incendie à tout moment. La Chine d'aujourd'hui est dans une vaste anarchie qui menace de durer longtemps.

Les lettres de la deuxième quinzaine de septembre que j'ai reques de Pékin, de Français et de Chinois qualifiés, me disent. que les soldats qui ont assuré le succès de Yuen, deviennent de plus en plus exigeants et qu'on n'est pas sans appréhension sur ce qui se passera lorsque l'argent fera défaut pour les payer. Les fonds du dernier emprunt sont épuisés, d'autant que le dictateur n'en a pas reçu la moitié, le reste ayant servi à payer les dettes et l'arriéré.

De plus en plus, le mouvement de sympathie du peuple japonais pour les républicains chinois s'accentue. Il a été renforcé par les actes sauvages commis par les troupes de Tchanghiun, qui tuèrent des Japonais marchant sous la protection de leur drapeau et firent subir des outrages à un officier japonais distingué, le sous-lieutenant Hikoma Nishimura que l'on pendit par les mains, après l'avoir dépouillé de son uniforme. Le peuple japonais tout entier, si susceptible sur le point d'honneur, a senti avec une force incroyable, l'injure qui lui était faite et dix vaisseaux de guerre chargés de troupes furent envoyés devant Nankin, pour obtenir du gouvernement chinois une réparation et le châtiment des coupables. Malgré les bonnes paroles diplomatiques les nuées S'amoncellent. Les sentiments de colère du peuple japonais sont tels, en effet, qu'on a poignardé un diplomate japonais, M. Abé, parce qu'on le eroyait favorable à la politique du Yuen Chekai.

REVUE POLIT., T. LXXVIII.

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Derrière ce conflit chinois, voici qu'apparaît un conflit entre le Japon et la Russie notre alliée. Celle-ci profitant de la deuxième guerre civile, vient d'annexer, sous les apparences d'une indépendance de la Mongolie, un territoire chinois la Mongolie extérieure, grand environ comme cinq fois l'empire d'Allemagne. Cette session fut consentie par Yuen Chekai, à la condition qu'on lui fit le prêt promptement. Naturellement, l'acte du dictateur est tout aussi inconstitutionnel que la signature même de l'emprunt.

Cette session de la Mongolie n'est pas étrangère au changement de front de la politique japonaise.

Elle a eu une autre conséquence, un changement d'altitude de l'Angleterre. Les Japonais, en de nombreux articles de journaux, ont fait remarquer qu'ils entendaient que l'alliance fût effective et qu'il fallait choisir; si l'Angleterre voulait être soutenue dans les Indes frémissantes par les troupes du Japon, contre les armes russes, elle devait en échange donner un appui réel à la politique japonaise.

L'intérêt de l'Angleterre était trop puissant en la circonstance pour qu'elle ne comprit pas ce langage et la voici qui commence à marquer son évolution. Le fameux consortium des cinq puissances parait, par là, être affaibli.

Le gouvernement de Yuen Chekai, en traitant, à l'insu du consortium, avec une maison autrichienne et allemande a démontré que ce groupement était inefficace pour protéger les intérêts qu'il devait défendre. Le Times du 26 septembre, fait remarquer cette situation et dit que le Foreign Office veut reprendre sa liberté. «On demande, dit-il, un changement de politique qui rendra leur liberté d'action aux maisons anglaises et dégagera le Foreign Of fice de toute obligation de fournir son appui aux membres du groupe des cinq puissances... Nous pensons qu'un tel changement placera la Grande-Bretagne dans une position plus digne que celle qu'elle a dernièrement tenue en Chine ».

Puis le grand organe londonien fait remarquer que si la Chine veut obtenir encore des prêts, il faut qu'elle réforme son administration, sinon, les emprunts devront cesser automatiquement. C'est le cas de dire ici que poser la question, c'est la résoudre. Comme la dictature actuelle est impuissante à rien organiser; si la nouvelle politique vers laquelle semble s'orienter l'Angleterre s'affirme, ce sera pour la Chine, la faillite à bref délai.

Le gouvernement chinois actuel n'est-il pas d'ailleurs déjà dans une sorte d'état de faillite puisqu'il ne peut plus faire face à ses obligations et même aux frais de sa vie quotidienne sans emprunter

continuellement. Il est à la merci des banques; que celles-ci ferment les cordons de la bourse et il sera acculé. Mais, les titres des emprunts ont été placés par leurs soins dans leur clientèle et on ne voit pas sans appréhension s'avancer l'heure où l'épargne française pourra être exposée à de grandes pertes. Pour éviter la catastrophe, on parle d'un nouvel emprunt de 625 millions, à 6 0/0 et à 80 francs.

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Cette situation pose les questions les plus graves dans les deux domaines politique et financier.

Si la Chine tombait en déconfiture, les puissances dont les natio naux sont créanciers de ce pays, ne voudraient-elles pas saisir quelques gages pour garantir leur créance? Ainsi la tentation d'un partage de la Chine apparaîtrait.

Que deviendraient alors les traités qui garantissent son inté grité? D'ailleurs que sont-ils devenus, déjà, par le fait de l'action de la Russie en Mongolie? Quelles redoutables rivalités peuvent naître ?

On parle du partage de la Chine comme s'il s'agissait d'une opération sans grandes difficultés. Songe-t-on qu'il faudrait dépecer un territoire dix-sept fois grand comme la France, peuplé du quart de l'humanité, et dont les innombrables habitants sont hostiles à toute domination étrangère ?

Après s'être entendu sur le partage et l'avoir imposé par la force des armes, il faudrait ensuite administrer ce pays pour le mettre en valeur, créer tout un corps de fonctionnaires compétents pour diriger une population qui ne veut pas être dirigée, entretenir des troupes en nombre suffisant pour la maintenir dans l'obéissance, cela, à l'heure, où l'évolution des idées dans le monde, pose, au sujet de la durée de la domination des Anglais dans l'Inde, des Français en Indo Chine, les plus angoissants problèmes.

La réponse vient d'elle-même à ces questions. On se rendrait bien vite compte que les avantages d'un partage de la Chine n'en contrebalancent pas les inconvénients, et qu'on se trouverait plutôt. en présence d'une opération ruineuse, à laquelle les Parlements d'Europe, ne se prêteraient vraisemblablement pas, lorsqu'ils se verraient proposer de voter des fonds et d'approuver des envois de troupes ou des appointements de fonctionnaires pour cette sorte de conquête.

Yuen Chekai n'ignore pas cette situation, ainsi que d'ailleurs Fopinion publique chinoise reflétée par les journaux qui, déjà l'an dernier, faisaient remarquer à leurs lecteurs que la faillite de la Chine, en tant qu'Etat, intéressait bien plus les étrangers que les Chinois eux-mêmes, puisque toute la dette était placée à rétranger.

Aussi bien, le dictateur ne craint-il pas d'user de tous ses avantages et de traiter le consortium dont il connaît la fragilité avec une certaine désinvolture. Il a reçu l'argent; il l'a dépensé ; il n'a plus si grand besoin de tant ménager le groupe.

Ainsi, il vient de provoquer les protestations de ses membres en nommant un contrôleur général chinois de la Gabelle en réorganisation, au-dessus de sir Richard Dane, un Anglais auquel le contrat d'emprunt confiait ce poste. D'ailleurs cette réorganisation de la Gabelle est une entreprise pleine de difficultés dans l'état actuel de l'esprit public et à cause des intérêts nombreux qu'elle contrarie.

Donc, au point de vue financier, la situation n'est pas moins mauvaise qu'au point de vue politique.

En résumé, la situation actuelle en Extrême-Orient est la suiwante :

La cohésion du quintuple groupe paraît extrêmement précaire; le Japon tout en faisant officiellement partie de celui-ci, soutient une politique différente de celle du consortium en donnant son aide morale avouée et matérielle inavouée aux républicains pourchassés par le dictateur.

L'Angleterre semble vouloir suivre maintenant son allié.

L'Allemagne, après avoir aidé Yuen Chekai de munitions de guerre, attend de lui des commandes d'armes et de futurs emprunts, ne dût-elle en cela, que servir d'intermédiaire.

La Russie, vient de s'emparer d'un immense territoire malgré la protestation à Pékin, de plus de cent princes mongols; elle veut ainsi former une sorte d'Etat tampon pour empêcher les idées démocratiques de pénétrer chez elle, ce qui est sa constante préocsupation. C'est elle en somme qui est la bénéficiaire d'une situation

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