Imágenes de páginas
PDF
EPUB

nérale. Mais tel n'est point l'objet ni le programme de l'enseignement économique et social: il tend à compléter dans un domaine particulier l'instruction du spécialiste : il doit donc être « spécial » comme les autres branches de l'enseignement fourni par l'école ; il doit être donné sous des formes distinctes selon que l'école s'adresse à des ingénieurs, à des officiers ou à des juristes; les diverses catégories de l'élite ont sans doute à jouer un rôle social qui présente de l'une à l'autre une série de points communs, et, par suite, elles doivent chacune posséder une formation dont certains éléments intellectuels et moraux sont identiques; mais, si les principes sont communs, l'application en varie selon le domaine d'action de telle ou telle phalange technique, militaire, ou juridique. Toutefois, si l'enseignement économique et social doit être contenu dans les limites des besoins à satisfaire pour la formation de l'élève, il peut et doit être défendu dans ces limites au nom de ces besoins mêmes, c'est-à-dire au nom des intérêts de l'élève. Ce n'est pas à un tel enseignement que l'on pourrait appliquer le verdict dont un grand organe (1) frappait à une date récente les cours de sociologie dans les écoles militaires, en déclarant que « la préparation morale est supposée achevée avant l'entrée à l'école militaire ». L'enseignement à donner, ne comporte en effet à aucun titre un programme de sociologie sur le terrain social, il ne tend ni à faire connaître aux jeunes gens le mécanisme du fonctionnement et l'évolution des sociétés humaines, ni à les mettre en préserve des théories les plus récentes sur le solidarisme ou sur le caractère social de la conscience ou de la morale; de même, sur le terrain économique, il s'abstient de la discussion des thèses abstraites sur la valeur ou le profit. Par contre, au point de vue économique, il initie l'élève aux quelques principes fondamentaux qui s'imposent dans tous les échanges et qui reprennent leur empire lors même que les individus ou les Etats cherchent à les fausser; au point de vue social, il rappelle au jeune homme que la vie n'est pas un mécanisme, que l'ouvrier n'est pas un automate et que les problèmes soulevés par les relations entre les individus ne se résolvent pas avec la précision des formules techniques précaution d'autant plus essentielle que le jeune technicien ne doit se trouver en présence des ouvriers qu'après avoir passé par le régiment et qu'il pourrait, s'il n'était mis en garde contre cet écueil par l'enseignement social de l'école, être tenté d'appliquer à l'ouvrier la discipline dont il a connu la pratique au régiment.

(1) Journal des Débats du 28 septembre 1913 (Les cours de morale dans les écoles militaires, 1re page, col. 2 et 3).

Le simple énoncé de ce bref programme montre que la modération de son envergure, aussi bien que le caractère fondamental des notions énumérées, doit en commander le maintien intégral. Si l'affirmation citée plus haut, d'après laquelle « la préparation morale est supposée achevée » au sortir du lycée, peut s'appliquer à l'acquisition théorique de notions de morale, elle ne saurait être étendue aux connaissances pratiques dont l'assimilation suppose à la fois une maturité d'esprit et une conscience des besoins de la carrière professionnelle, absentes l'une et l'autre chez le jeune lycéen c'est après avoir cherché sa voie et c'est au cours de la préparation poursuivie à l'école en vue d'y réussir que le jeune technicien peut utilement recevoir des connaissances dont il apprécie la portée parce qu'il en reconnaît le besoin.

Toutefois la difficulté qu'oppose l'insuffisance du temps laissé à l'ensemble des cours par la réduction du séjour à l'école, oblige à prévoir des mesures pour réaliser ce programme dans la moindre durée possible.

Ces mesures visent à la fois l'époque à laquelle l'enseignement sera donné et le nombre des leçons qui lui seront attribuées.

a) En principe, il est désirable que l'enseignement économique et social soit reçu par les élèves à l'époque la plus voisine de celle où ils doivent entrer dans l'industrie et cela parce qu'ils saisissent avec le plus de précision le caractère des problèmes qui se poseront devant cux dans leur pratique journalière et, dès lors, la nécessité d'être en mesure de les résoudre. Or il est possible que, dans certains cas, cet enseignement doive être reporté de la dernière à la première année d'études. Pour remédier à cet inconvénient, il suffira d'organiser pendant les derniers mois du séjour à l'école des conférences facultatives que les élèves ne manqueront point de suivre, poussés par le sentiment et l'utilité de ces notions.

b) Le recours à des conférences facultatives sera également le moyen le plus pratique de remplacer les leçons supprimées durant l'année où le cours lui-même sera suivi par les élèves.

:

L'organisation de ces conférences devra, du moins, être réalisée de manière à n'empiéter nullement sur le temps si absorbé des élèves les heures du soir paraissent naturellement indiquées dans ce but. Mais, si les conférences de la dernière année semblent devoir recruter aisément un auditoire conscient des besoins prochains de la carrière, celles de la première année pourraient être redoutées par des élèves déjà fatigués d'une journée trop remplie ; elles devront donc être offertes avec précaution, c'est-à-dire sous

la forme la moins envahissante et la plus discrète : un procédé qui semble particulièrement recommandable est celui qui consiste à profiter des réunions intimes tenues par les élèves pour que le professeur en une causerie presque familiale leur apporte les compléments de son enseignement didactique.

L'application de ce régime suppose à la fois chez le maître un art de sélection dans les parties du cours qui peuvent être traitées dans des entretiens familiers, et un tact de relations qui lui permette de faire accepter par les élèves ces développements additionnels avec autant de plaisir que de profit.

Telle est, en résumé, la solution qui me paraît de nature à concilier la sauvegarde de l'enseignement économique et social dans les écoles techniques avec la réduction de la durée de l'enseignement que nécessite l'application de la nouvelle loi militaire : d'une part, limitation du nombre des leçons obligatoires, consacrées à l'exposé des connaissances fondamentales; d'autre part, organisation de conférences facultatives destinées, les unes à fournir les notions complémentaires durant l'année affectée aux leçons obligatoires, et les autres, à rappeler aux élèves, pendant la dernière partie de leur séjour à l'école, les éléments appris naguère et à signaler de nouveau à leur plus vigilante attention la gravité des problèmes économiques et sociaux qui se poseront devant eux dès leur prochaine entrée dans la carrière industrielle. De la sorte cet enseignement évitera les périls que lui ferait courir soit l'excès de zèle d'amis inconsidérés, soit l'opposition d'adversaires plutôt mal avertis que mal intentionnés.

MAURICE BELLOM.

La liquidation balkanique.
Les Etats-Unis et le Mexique.

Paris, 1er octobre 1913.

La liquidation balkanique. Le mois de septembre aura marqué une nouvelle étape dans la liquidation des affaires balkaniques. Le 8, les délégués de la Bulgarie ouvraient officiellement à Constantinople, avec les délégués turcs, des négociations en vue de conclure un traité de paix. Ce traité a été signé le 29 septembre. Depuis huit ou dix jours, la grave question des frontières avait été réglée définitivement et les négociations se bornaient à débattre. des points secondaires, tels que le régime des biens vakouf dans les territoires acquis par la Bulgarie, les garanties accordées aux personnes, le délai pendant lequel les habitants de la nouvelle Bulgarie auraient le droit d'opter pour la nationalité turque, etc.

La rapidité avec laquelle cet accord difficile a été conclu aura été pour l'Europe entière une agréable surprise. On s'attendait, de la part des Bulgares, à des manoeuvres dilatoires que faisaient prévoir leurs longues hésitations antérieures. Pendant toute la fin du mois d'août, M. Natchevitch, leur représentant à Constantinople, avait en effet multiplié vainement ses efforts pour obtenir de son gouvernement qu'il engageât avec la Porte des négociations directes. La Bulgarie paraissait attendre une intervention quasimiraculeuse qui lui rendit, au dernier moment, Andrinople perdue par sa faute. Au début même des négociations proprement dites, elle comptait visiblement sur le deus ex machina, russe ou autrichien.

D'autre part, les conditions de paix qu'elle se déclarait prête à accepter, différaient sensiblement de celles qu'offraient les Turcs. On sut, dès les premières séances qu'elle entendait garder au Nord un faubourg d'Andrinople, Kirk-Kilissé et la frontière du traité

de San Stéfano. A partir d'Andrinople, le tracé qu'elle proposait devait, en suivant le cour de la Maritza, lui laisser non seulement Ortakeui et Dimotika, mais la voie ferrée, située sur la rive droite du fleuve, qui relie Andrinople au port désormais bulgare, à Dédéagatch. Elle demandait même l'embouchure du fleuve et une bande de territoire sur la rive gauche de cette embouchure. Or, les Turcs étaient résolus à conserver non seulement Andrinople tout entière, mais Kirk-Kilissé, le golfe d'Iniada et, au Sud-Ouest, la voie ferrée d'Andrinople à Dédéagatch, et par suite la rive droite de la Maritza. Entre ces deux conceptions, l'écart était assez grand pour rendre la négociation épineuse.

En fait, les délégués bulgares offrirent une résistance opiniâtre sur l'une des questions soulevées par le tracé, celle de l'attribution définitive de Dimotika. Ils avaient, il faut le reconnaître, de bonnes raisons pour tenir à la possession de cette ville. Les cent kilomètres de littoral que la Bulgarie vient de conquérir sur la mer Egée, depuis l'embouchure de la Mesta jusqu'à Enos sont séparés de l'intérieur par le mur de Rhodope, dont l'altitude atteint fréquemment 1.000 mètres et qu'une voie ferrée aurait la plus grande peine à franchir. Trois vallées seulement mettent cette côte en communication avec la Bulgarie proprement dite. Celles de la Mesta et de la Strouma, à l'Ouest, sont aux mains de la Grèce depuis le traité de Bucarest. Reste la vallée de la Maritza. Si les Bulgares avaient conservé Dimotika, ils auraient pu à la rigueur construire une ligne bulgare reliant Dédéagatch à Moustafa-Pacha sans passer sur le territoire turc. Dimotika restant turque, cette troisième route leur restait barrée comme les deux premières.

De là, leurs efforts. Mais la Turquie tenait également à Dimotika, la défense d'Andrinople en dépendant étroitement. Elle eût gain de cause sur ce point comme sur toute la ligne. Le traité qui vient d'être signé lui donne la voie ferrée Andrinople-Dédéagatch jusqu'à Feredjik. Elle garde également l'embouchure de la Maritza, dont elle barre la vallée dans la région de Dimotika. Ortakeui et Moustafa-Pacha deviennent sans doute bulgares, mais Kirk-Kilissé reste turque, aussi bien qu'Andrinople, et au lieu de redescendre jusqu'à Midia, comme l'avait décidé le traité de Londres et comme le demandaient les Bulgares, la frontière vient aboutir à la mer Noire au nord du golfe d'Iniada, ne laissant à la Bulgarie que le district de Tirnovo.

En un sens, ce partage est plus avantageux pour la Bulgarie que ne le fut celui de San Stéfano. La grande Bulgarie dessinée sur la carte par la Russie, il y a trente-cinq ans, mordait sans

« AnteriorContinuar »