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Théodore Romanof, fils aîné de Nikita devint l'homme de confiance du nouveau Tsar jusqu'au moment où Boris Godounof parvint, par diverses intrigues, à attirer la disgrâce du souverain sur la famille des Romanof, malgré le prestige que donnait à celle-ci une double alliance avec la maison des Rurik, et l'autorité qu'elle avait acquise dans les hautes fonctions exercées par plusieurs de ses membres.

On fit prendre de force les ordres monastiques à Théodore Romanof, sous le nom de Philarète; sa femme et son fils mineur furent séquestrés et séparés. Ainsi se manifesta le despotisme de Boris Godounof qui sut manoeuvrer avec beaucoup d'astuce, du vivant même de son maladif beau-frère. A la mort de Théodore, l'avènement de Boris fut béni par le patriarche et notifié par les seigneurs ainsi que par les représentants du peuple.

Boris Godounof n'était parvenu au trône de Moscovie en 1598 que grâce à l'autorité que lui donnait la haute confiance du Tsar Théodore auquel il succédait.

L'accusation portée contre lui d'avoir été l'instigateur du meurtre du Tsarévitch Dimitri n'avait pu être confirmée, les seigneurs envoyés à Ouglitch sur le lieu du crime pour faire la lumière sur cette affaire ayant d'ailleurs déclaré que le Tsarévitch s'était mortellement blessé au cours d'une crise d'épilepsie. Cette version avait trouvé peu de créance et Boris n'avait pu acquérir la popularité qu'il recherchait ardemment. On lui reprochait, à une époque où le souvenir du joug tartare était encore cuisant dans l'esprit populaire, d'être lui-même d'origine tartare tandis que certains de ses sujets avaient plus de droits légitimes au trône.

Les Romanof, qui avaient connu la disgrâce sous le règne précédent, retrouvèrent dans le nouveau Tsar leur adversaire d'antan, jaloux plus que jamais de leur popularité toujours croissante. Ils eurent à subir de nouvelles rigueurs. Plusieurs d'entre-eux furent exécutés, les autres exilés ou contraints d'entrer en religion. Les agissements de Boris envers les Romanof avaient fait croître encore la grande popularité de ces derniers, au point que, la famine ayant sévi quelques années pour être suivie de la peste, le peuple vit dans ces fléaux un avertissement du courroux divin envers Boris.

Un imposteur parut alors, affirmant être le Tsarévitch Dimitri, échappé à la mort; avec la complicité secrète des grands seigneurs polonais, grâce à son mariage avec Marine Mnichek, fille de l'un d'eux, il fit valoir ses droits au trône.

Le plus grand nombre ayant cru que ce faux Dimitri était réel

lement le Tsarévitch, il marcha de succès en succès sur Moscou. Boris Godounof mourut à ce moment (1605). Dimitri continua sa marche victorieuse sur Moscou, où le peuple soulevé massacra le fils et la femme de Boris.

Le mariage de Dimitri avec une catholique et son entourage de Polonais de même religion firent se dresser contre lui les seigneurs et le clergé orthodoxe.

C'est alors que commença en Russie une période d'événements invraisemblables. Des prétendants surgirent de toutes parts dont un, Vasili Chouïsky, après avoir dénoncé l'imposture de Dimitri et l'avoir vu assassiner, moins d'un an après son avènement, devait monter sur le trône pour abdiquer peu après. Sigismond, roi de Pologne, soutenait de son côté les prétentions de son fils Vladislas, dont les chances se précisaient, le peuple moscovite préférant être gouverné par un étranger que par un nouvel imposteur.

Déjà les habitants de Moscou avait juré fidélité à Vladislas quand le bruit se répandit que le second faux Dimitri venait d'être. mis à mort. Un revirement eut lieu sur-le-champ. Dans les luttes successives pour le pouvoir la Russie n'avait plus de gouvernement; cette situation angoissante ne pouvait durer. Un miracle seul pouvait sauver la Russie. Ce miracle se produisit, impressionnant dans sa simplicité le peuple moscovite, ce peuple qui depuis de longues années avait assisté, impuissant et anxieux aux rivalités des prétendants; ce peuple démoralisé allait se libérer en désignant son chef.

Un modeste bourgeois de Nijni, le marchand boucher Kouzma Minin, devant le peuple assemblé, tint ce langage : « Si nous voulons, dit-il, sauver l'empire de Moscovie, il ne faut épargner ni nos terres, ni nos biens, vendons nos maisons, engageons nos femmes et nos enfants; cherchons un homme qui veuille combattre pour la foi orthodoxe et marcher à notre tête ».

Sa voix fut entendue et tous contribuèrent au mouvement, de gré ou de force. En quelques mois, une véritable armée fut sur pied, commandée par le prince Dimitri Pojarsky. Les troupes ayant été concentrées à Yaroslav, la marche sur Moscou fut entreprise. Malgré les quelques dissentiments qui purent se produire dans cette armée rassemblée à la hâte, on put bientôt réduire à la famine la garnison polonaise du Kremlin. Sur la foi que sa vie serait sauve, elle capitula, rendant ses prisonniers parmi lesquels se trouvait Michel Romanof. Par le dévouement du peuple russe, la patrie était affranchie. Il restait à choisir en toute indépendance, un chef populaire, susceptible de conduire la Moscovie à de glo

rieuses destinées. Les délégués de la noblesse, les dignitaires ecclésiastiques, les marchands, les villes et les districts se réunirent en assemblée nationale et tombèrent d'accord, après une longue délibération, sur le nom de Michel Romanof, en rejetant les candidatures des princes royaux, Vladislas de Pologne et Philippe de Suède. Ce choix, heureux entre tous, avait une signification particulière.

Les délégués du Concile allèrent trouver Michel Romanof, alors âgé de 15 ans, dans son refuge du cloître d'Ipatief. Ce n'est qu'après une longue hésitation que le nouvel élu du peuple accepta le trône où il devait gouverner avec autorité, secondé par son père Philarète.

L'élection de Michel Romanof et son acceptation des lourdes charges du pouvoir répondaient à l'aspiration générale d'un peuple souhaitant voir réunies dans son souverain les vertus personnelles qui devaient constituer à ses yeux l'expression même du sentiment national.

L'avènement de Michel mettait fin à une période d'anarchie et d'incohérence. La voix du peuple : « Vox populi, Vox Dei » avait parlé haut et clair, clamant l'éveil d'une ère de prospérité où le Tsar allait s'engager résolument, avec le concours de la nation tout entière.

A. A. DE MOKEEVSKY.

IV

L'INTENDANCE COLONIALE

La loi du 7 juillet 1900, qui a organisé les troupes coloniales et les a rattachées au ministère de la Guerre, est venue modifier profondément leur mode d'administration, et a nécessité la création d'organismes nouveaux ou plus exactement la transformation. et l'adaptation aux besoins nouveaux des services administratifs déjà constitués.

Parmi ces organismes, le corps du commissariat des Colonies devenu par la suite corps de l'Intendance des Troupes Coloniales, est un de ceux dont l'évolution caractéristique est la plus intéressante à étudier.

Jusqu'en 1889, l'administration des troupes de la marine tant en France qu'aux colonies avait été assurée par les officiers du commissariat de la marine, qui, en dehors de leurs fonctions militaires, exerçaient outre-mer une foule d'attributions d'ordre civil à eux conférées par les ordonnances organiques des colonies. Ces attributions, notamment celles d'ordonnateur et de contrôleur colonial perdirent peu à peu de leur importance à la suite du remplacement des amiraux par des gouverneurs civils, et de l'accroissement des budgets locaux ; l'emploi de contrôleur colonial fut d'ailleurs supprimé par le décret du 15 avril 1873, celui d'ordonnateur par le décret du 15 septembre 1882.

D'un autre côté, comme le pouvoir central s'intéressait davantage aux choses coloniales, comme nos possessions d'outre-mer prenaient aussi chaque jour une extension nouvelle, il vint à l'esprit du ministre de la Marine de spécialiser, une fois pour toutes, les officiers du commissariat désireux de faire exclusivement leur carrière aux colonies. Le cadre colonial fut donc détaché du cadre maritime, mais le recrutement et les attributions restèrent les mê

mes.

En outre, pour remplacer les employés auxiliaires que l'on avait été obligé de recruter sur place afin d'assurer l'exécution du service, un décret du 14 mars 1884 créa le personnel des agents civils du commissariat; un décret du 25 juin 1887 réorganisa le corps des comptables des matières aux colonies.

Enfin, un décret du 5 octobre 1889 institua le cadre des officiers du commissariat colonial comme corps autonome et dépendant uniquement du sous-secrétariat d'Etat des colonies; ce corps se recrutait parmi les élèves de l'Ecole Coloniale et de l'Ecole Polytechnique, ainsi que parmi les agents civils du commissariat ayant subi avec succès les épreuves d'un concours.

Les détails de cette organisation furent remaniés à plusieurs reprises; toutefois, lors du passage à la Guerre des troupes coloniales, les grandes lignes avaient peu varié, sauf en ce qui concerne le personnel des comptables des matières des colonies, dont le décret du 6 décembre 1898 avait modelé l'organisation sur celle du corps des agents civils du commissariat.

A la veille de la loi de 1900, le personnel des services administratifs militaires et maritimes aux colonies, comprenait donc : Les officiers du commissariat colonial,

Les agents du commissariat colonial,

Les comptables des matières.

La direction du service appartenait aux officiers du commissa

rial, qui avaient un statut à forme militaire, mais auxquels le béné fice de la loi du 19 mai 1834 était contesté, à ceux au moins qui sortaient de l'Ecole Coloniale ou qui avaient été nommés par le sous-secrétaire d'Etat ou le ministre des Colonies. Ces fonctionnaires assuraient outre-mer l'administration des troupes, la surveillance des établissements militaires, le service de l'inscription maritime, la gestion des successions du personnel colonial, la censure des banques et quelques autres attributions d'ordre civil qu'ils tenaient des ordonnances organiques. En France, ils dirigeaient le service colonial dans les ports de commerce et tenaient un certain nombre d'emplois à l'administration centrale des colonies.

Ils étaient aidés dans l'exécution du service par le personnel des agents du commissariat; la gestion des approvisionnements appartenait aux comptables des matières. Les agents de ces deux catégories avaient un statut civil; cependant on leur appliquait les punitions disciplinaires militaires; ils étaient justiciables des conseils de guerre ; ils bénéficiaient enfin, comme les officiers du commissariat, de pensions à forme militaire (Lois du 18 avril 1831 et du 5 août 1879).

A l'encontre de la règle suivie par le Département de la Guerre, le chef des Services administratifs militaires et maritimes dans chaque colonie, n'était pas placé sous les ordres du commandement; il dépendait directement et exclusivement du gouverneur, seul responsable de l'administration civile et militaire, et du ministre des Colonies, Le commissariat colonial avait d'ailleurs été créé dans le but de laisser au sous-secrétaire d'Etat le moyen d'exercer son contrôle sur les ressources qui lui sont allouées par le Parlement » (Décret du 5 octobre 1889, rapport au Président de la République). Cette conception, peut-être rétrograde, cadrait à merveille avec l'esprit des ordonnances, elle donnait au chef du service administratif une situation privilégiée et indépendante, facilitant évidemment son contrôle, mais elle pouvait ainsi susciter les difficultés les plus graves au commandement. Cependant, 1 était impossible d'adopter une autre solution tant que le corps du commissariat demeurait sous l'autorité immédiate du ministre des Colonies.

Les choses en étaient là lorsque fut votée la loi du 7 juillet 1900, qui a rattaché les corps de troupes et les services militaires coloniaux, y compris le commissariat, au Département de la Guerre. Aux termes de l'art. 11 de cette loi, les officiers du com

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