Imágenes de páginas
PDF
EPUB

cains comme peu différents de ceux admis par leur service de

[blocks in formation]

Soit pour cette période une diminution de près de 9.000 émigrants japonais sur le territoire de l'Union.

Ayant tout d'abord donné, par ces mesures, satisfaction à l'opinion américaine, le Japon a obtenu dans le traité de commerce de février 1911, la suppression de l'article 2 de l'ancien (1) qui pesait si lourd à son amour-propre, et, en retour, son ambassadeur a engagé par écrit la politique de son gouvernement :

<< Au moment de la signature du présent traité de commerce et de navigation entre le Japon et les Etats-Unis, l'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire soussigné à l'honneur, en exécution du mandat qu'il a reçu de son gouvernement, de faire la déclaration suivante le gouvernement japonais est disposé à maintenir en vigueur les restrictions qu'il apporte depuis trois ans au passage de ses nationaux aux Etats-Unis ». (21 février 1911).

Signalons simplement en passant l'anomalie du procédé ; le Japon y avait tenu pour sauvegarder son amour-propre, mais les Etats-Unis ont obtenu le résultat pratique qu'ils désiraient, aussi formellement que si la déclaration précédente avait été rédigée comme article du nouveau traité, et les Japonais admettent que le jour où ils ne la respecteraient plus, l'Amérique serait, sans nouvelles négociations, en droit de reprendre sa parole.

Malgré cette garantie, à chacune de ses sessions, le parlement de Sacramento est secoué de la même fièvre anti-japonaise.

Les Japonais n'émigrent plus en Californie, c'est un fait acquis; il reste à maintenir dans une situation inférieure ceux qui y vivent actuellement et à les empêcher de prendre racine dans le pays : voilà le programme des représentants californiens; ils ont sous les yeux l'exemple des Hawaii où 60.000 Japonais voient leur ascension dans l'échelle sociale arrêtée par les lois foncières communes à tous les «Territoires » de l'Union, lesquelles refusent aux étrangers la propriété du sol ; il faut qu'il en soit de même chez eux. En 1907, 1909, 1911, des projets sur la propriété foncière ont déjà

(1) Cet article reconnaissait aux Etats-Unis le droit d'interdire toute émigration des Japonais quand bon lui semblerait.

été déposés ; chaque fois l'intervention du gouvernement central en a empêché la réalisation (1).

Aujourd'hui la situation est différente et plus désavantageuse que jamais pour le Japon; aussi les représentants du parti ouvrier qui ont la majorité dans les deux assemblées sont-ils décidés à en tirer tout le parti possible. Le parti démocrate est à la tête du pays, et, de tout temps, il a promis dans ses programmes de respecter scrupuleusement les libertés des provinces et de s'immiscer le moins possible dans leur administration intérieure ; en outre, les Chambres de Californie sont progressistes ou républicaines (2), et ce n'est pas un mauvais travail pour les élections présidentielles suivantes que de mettre dans l'embarras le président Wilson tout en réalisant un désir qui leur tient suffisamment à cœur pour entraîner les minorités. Enfin elles ont un solide appui dans le gouverneur de la province, M. Johnson, que la campagne présidentielle de Roosevelt dont il fut peut-être le meilleur lieutenant a mis en lumière, et dont le rôle politique dépassera sans doute avant longtemps les limites de la Californie avocat habile, il plaide, auprès de Washington, la cause de ses administrés, ne paraît guère sensible aux adjurations qu'on lui prodigue, se fait le champion de l'autonomie provinciale et veut soigner avant tout sa popularité si le gouvernement fédéral empêche la réalisation des vœux de la Californie, il faut que ce soit la sienne seule qui soit atteinte ; si le succès couronne les efforts du gouverneur, il faut que ce soit sa situation intérieure, à lui, et celle de son parti qui en profite.

On conçoit dans ces conditions que le rôle du gouvernement démocrate soit particulièrement ingrat; pris entre les engagements extérieurs et sa popularité, il ne veut pas de complications diplomatiques, mais il tient encore davantage à ne pas mécontenter, dès son arrivée au pouvoir, la plus importante des provinces de l'Ouest, et dans la conciliation des thèses en présence, c'est à celle de la Californie qu'il se ralliera pour peu que quelque formule habile lui permette de repousser avec une apparence d'impartialité toute

(1) Une première loi refusant la propriété du sol aux Japonais passe à la Chambre basse le 28 février 1907, Roosevelt fait suspendre la discussion par télégramme; de même en 1909; en 1911, c'est le Sénat qui en vote une à son tour, mais après un avis du 23 février de Taft au gouverneur, elle ne revient pas devant la Chambre basse.

(2) Sénat: 27 progressistes (rooseveltistes), 12 démocrates, 1 républicain.

Chambre: 46 progressistes (rooseveltistes), 25 démocrates.

protestation du Japon; sa seule exigence, vis-à-vis de la province, sera de lui faire chercher cette formule; d'ailleurs, il l'y aidera.

Tandis qu'en Amérique, la politique intérieure n'est pas étrangère au développement que prend la question, il ne semble pas qu'il en soit de même dans la campagne de protestation du Japon. Certains organes ont voulu voir en elle une agitation dirigée contre le cabinet Yamamoto; nous n'avons trouvé dans la presse japonaise aucun fait de nature à confirmer cette opinion; députés et journalistes attaquent bien la diplomatie à laquelle ils reprochent son inertie, mais c'est-là un fait constant à la moindre difficulté avec l'étranger. Les meneurs hommes d'affaires pour la plupart veulent agir sur l'opinion américaine et n'ont aucune visée politique les reliant au mouvement constitutionnel qui a déterminé la retraite récente du prince Katsura; il semble au contraire que tous les partis se soient groupés autour du gouvernement dans cette question d'amour-propre national.

Il y a cependant en jeu des intérêts matériels autrement importants que ceux qui ont motivé la crise des écoles, mais ils ne viennent qu'en second lieu dans les préoccupations de l'opinion; comme il y a six ans, c'est avant tout l'orgeuil national qui est atteint, c'est lui qui se révolte le peuple japonais en a assez d'être traité en paria des nations; il lui semble que les blancs oublient bien vite la leçon infligée à la Russie; il est minutieux, aime les précisions, les statistiques et les comparaisons, il fait le décompte de par les traitement que lui valent les lois américaines, il vient dans l'échelle des races, après les Blancs, les Noirs, les Hindous des colonies britanniques, les Jaunes des possessions françaises ou russes; il ne reste au-dessous de lui que le Chinois, le Mongol et le Coréen, il estime qu'il a le droit de demander mieux à cette Amérique, qui plus que tout autre pays, a contribué à le faire entrer dans la voie de la civilisation européenne.

:

Il y a d'ailleurs des amis et de nombreux clients : de nobles esprits plaident sa cause; les provinces de l'Est pour lesquelles son expansion n'a jamais été un danger, mais au commerce et à l'industrie desquelles son animosité pourrait nuire, prennent sa défense; jusque dans les provinces de l'Ouest, en Californie même, les éléments sociaux qui l'utilisent propriétaires fonciers, manufacturiers, capitalistes protestent contre les votes d'un Parlement où triomphe une surenchère électorale qui laisse loin derrière elle, celle des mares les plus stagnantes de nos arrondissements.

Aux Etats-Unis, moins que partout ailleurs, dix millions d'igno

rance ne font pas un savoir, mais ce sont ces dix millions-là qui pèsent sur la vie publique d'une province, d'un Etat, sur les décisions d'un esprit large comme celui du docteur Wilson, sur les relations de deux grandes puissances dont la bonne entente est une des garanties de la paix dans une moitié du monde, sans que nous voulions dire par là que la guerre risque de sortir du désaccord actuel.

Jusqu'ici les arguments chers aux travaillistes de Californie pour obtenir le refoulement des Japonais étaient, comme on sait, les sui

vants :

L'émigrant japonais, dont les besoins sont moins grands, abaisse le Standard of Life de l'ouvrier blanc; ce n'est même pas le pays auquel il doit son salaire qui en profite; il thésaurise, renvoie ses économies dans ses banques, et quand le pécule qu'il a amassé lui paraît suffisant, il repasse l'océan, regagne ses rivages, pour y retrouver les horizons qu'il aime il n'est pas assimilable. Certains Japonais protestaient bien contre ces assertions, ils déclaraient que si les syndicats blancs voulaient l'accueillir, le Jaune ne chercherait pas à travailler au rabais, qu'aucun émigrant n'était assimilé dès la première génération et qu'il fallait attendre les résultats que donnerait la deuxième génération née dans le pays même ; il n'en est pas moins vrai que la grande majorité s'enorgueillissait de ces colonies de nationaux, à la personnalité robuste, qui se créaient sur les rivages opposés, de ces « Shin Nihon » (1) qui se levaient plus à l'orient que leur soleil levant, et, pour ceux-là il n'était nullement question d'une assimilation possible, d'une naturalisation que la loi américaine ne leur offrait pas, mais qu'ils auraient repoussée avec dédain, si on la leur avait proposée.

Auojurd'hui, les opinions se sont modifiées des deux côtés : l'Américain reproche au Japonais de rester dans le pays, il ne veut pas que la propriété de la terre puisse l'attacher au sol ; l'Allemand, l'Italien d'hier lui en veulent de ce qu'il ne travaille plus à vil prix, de ce qu'on lui offre autant et plus qu'à eux (2). Quant au Japonais qui voit dans cette mesure le seul moyen de salut, il accepte la possibilité de la naturalisation, il la réclame du gouvernement central, comme la seule solution capable de lui éviter les tracasseries des gouvernements provinciaux, et il fait le sacrifice

(1) Nouveaux Japons.

(2) Salaire journalier moyen des exploitations agricoles en 1910:
Avec nourriture: Blanc, 1$ 38; Japonais, 1 $ 49.
Sans nourriture: Blanc, 1 $ 80; Japonais, 1 $58.

[ocr errors]

de ses enfants qui seront sans doute perdus pour la cause de la mère-patrie, déjà sont rares parmi eux, ceux qui peuvent encore lire les journaux que reçoivent les parents, il accepte ces idées qu'un de ses professeurs émettait il y a deux ans :

« Je demande à ces individus qui discutent comme des grenouilles au fond d'un puits et veulent limiter à l'Extrême-Orient le champ d'action de la race japonaise de bien réfléchir avant de déclarer que nous ne devons pas laisser partir nos émigrants dans les provinces où on les obligerait à se faire naturaliser. »

La fermeture des Etats-Unis aux émigrants japonais a produit ce revirement, et la question des terres en Californie en est la manifestation sensible.

Le Japonais qui n'hésitait pas à quitter le pays quand l'accès lui en était facile, ne veut plus actuellement perdre le bénéfice du séjour qu'il y a fait, son droit de vivre en Amérique fait partie de son capital. Dans le passé, il y créait rarement une famille, et en dehors des quelques centaines destinées à compenser par la facilité de leur approche l'insuffisance numérique de leur sexe les femmes n'y venaient guère. Aujourd'hui, quand le travailleur ne peut aller dans ses îles chercher une compagne, les agences viennent à son secours, elles lui présentent un choix varié de photographies et d'assez nombreux mariages se concluent de la sorte. Il n'y a guère encore plus d'une femme par six hommes, mais le nombre croissant de ces mariages constitue certainement un premier pas vers l'acclimatement, vers l'attachement au sol à la conquête duquel ces anciens laboureurs se sont lancés (1).

Ce ne sont pas, en effet, de puissantes compagnies ou de riches particuliers qui ont réussi dans ces entreprises de ce genre les rares capitalistes japonais qui l'ont essayé, ont échoué lamentable

ment.

Nous avons dit que du jour où l'ouvrier blanc avait obtenu la fermeture du pays à son émigration, le paysan japonais qui s'y trouvait avait résolu de s'y attacher : il a cessé d'envoyer ses éco

(1) D'après l'enquête du bureau du Travail de Californie, il y avait au 1er janvier 1910 dans la province: 28.000 Japonais travailleurs agricoles et 6.200 femmes. L'ensemble des trois provinces: Californie, Orégon, Washington comptait en 1908, 120.000 Japonais répartis de la sorte:

[blocks in formation]
« AnteriorContinuar »