construction d'une pièce de 20 liv., au même système que les 2 autres, comme pièce de réserve. Jusqu'en 1854 le gouvernement anglais ne possédait pour l'armée de terre qu'un armement et des ateliers de munitions insuffisants. Mais après la guerre de Crimée et par suite de l'état de paix armée qui dure encore aujourd'hui, on établit à Woolwich, Elswick et Enfield des ateliers qui dépassent en grandeur et en organisation tout ce qu'il y a de mieux dans ce genre sur le continent. L'Angleterre est aujourd'hui mieux préparée à toutes les éventualités possibles qu'elle ne l'était à l'ouverture de la guerre d'Orient. Canon rayé anglais se chargeant par la culasse 12 liv. Armstrong. Poids du canon 780 liv.; obus 103/4 liv. ; charge 43 loths. L'obus à segments du canon Armstrong de 12 liv. avec la charge d'ordonnance, pénétre, à 485 pas, dans un massif de bois de chêne, à 2 pieds; à 1500 pas, à 2'. Le projectile plein du 40 liv. (pesant 37 liv.) a pénétré, tiré avec une charge de 4, liv. de poudre, à la distance de 1200 pas, de 4 à 5 pieds dans une tour en maçonnerie de briques. Le projectile du 70 liv., tiré à la même distance, avec une charge de 9 liv., a pénétré de 4 1⁄2 à 7 1⁄2 pieds, ou ce qui revient au même, a traversé le mur de part en part. LAUSANNE. 2 (A suivre.) IMPRIMERIE PACHE, CITÉ-DERRIÈRE, 3. REVUE MILITAIRE SUISSE dirigée par F. LECOMTE, lieut.-colonel fédéral; E. RUCHONNET, major fédéral d'artillerie; E. CUÉNOD, capitaine fédéral du génie. N° 3. SOMMAIRE. Lausanne, le 2 Février 1867. XIIe Année. Les petits Etats dans la situation actuelle de l'Europe. Nouvelles et chronique. SUPPLÉMENT. - Tableau des écoles fédérales en 1867. LES PETITS ETATS DANS LA SITUATION ACTUELLE DE L'EUROPE. Les dernières années ont été rudes à la plupart des petits Etats. Bon nombre d'entr'eux ont disparu, d'autres sont en voie de disparaître de la carte d'Europe, pour satisfaire à des besoins nouveaux d'unité et de force, qui ne sont rien moins que basés sur le droit. Ces antécédants fâcheux et l'état précaire qui en résulte pour toutes les nations secondaires, éveillent chez celles-ci des soucis légitimes. La Suisse n'en saurait être exempte, et comme ce n'est pas dans l'ignorance vraie ou feinte du danger que s'en trouve le meilleur préservatif, nous ne répugnerons pas à considérer face à face la nouvelle situation pour sonder les plaies qu'elle nous fait et les remèdes qu'elle nous offre. Nous ne sommes pas les seuls, fort heureusement, à la tâche. Sans compter maintes voix directement intéressées des petits pays, quelques voix généreuses se font entendre dans les grands. Seront-elles écoutées? Les conseils de sagesse de plusieurs hommes d'état anglais, ceux non moins éloquents de M. le sénateur Michel Chevalier et de M. Edgar Quinet dans quelques pages qui viennent de faire grand bruit, prévaudront-ils sur la surexcitation des appétits et sur les exemples récents du gouvernement prussien? Un proche avenir nous l'apprendra. En attendant, les petits Etats ne semblent pas se décourager, et ne se décourageront point. Nous les voyons tous se mettre en mesure de ne pas laisser passer en douceur les trafics qui se lieraient dans l'ombre à leur détriment. Les coûteux perfectionnements du matériel moderne, les frais immenses qu'occasionnent le progrès incessant dans ce domaine ne les arrêtent pas. L'indépendance nationale ne leur étant pas moins chère, ils redoublent de sacrifices; ils vivront pauvres peut-être, mais ils vivront, armés et libres; et, au moment critique, ils lutteront avec énergie, stimulés par les beaux exemples que quelques-uns ont déjà donnés au monde. D'ailleurs, nulle guerre mieux que la dernière n'a montré que la lutte a ses hasards, et que les déroutes peuvent aussi frapper les plus grands. Et enfin faudrait-il désespérer à ce point de la justice de l'Europe du XIXe siècle, pour ne pouvoir en attendre, à la première occasion où les principes du droit international devront être réaffirmés, quelques garanties de plus, sous une forme ou sous une autre, en faveur de l'existence des petits Etats? Au contraire, et cette attente a déjà dicté à un officier des plus distingués de notre état-major fédéral un livre où d'éminentes qualités littéraires sont employées à exprimer les plus nobles sentiments et un pur patriotisme ('). M. le colonel fédéral Huber-Saladin, ancien attaché militaire de notre Légation à Paris, et qui depuis longtemps habite ordinairement ce centre universel des lettres et de la politique, était mieux à même qu'aucun autre, grâce à sa grande connaissance des hommes et des choses qui ont un poids réel dans le monde, jointe à une vaste érudition et à une remarquable sagacité d'esprit, d'aborder avec autorité la question qui préoccupe tant de gens d'élite. Son livre, commencé il y a quelques années, a vu le jour au milieu des évènements terrifiants de l'été dernier, qui sont venus renforcer tristement ses conclusions et leur donner un pressant mérite d'actualité. Les quatre parties principales qu'il comprend en somme sont également attachantes: Une introduction, pétillante d'appréciations fines et élevées, passe en revue les affaires générales de l'Europe moderne et les origines de la neutralité; elle est suivie d'une étude approfondie de la neutralité et de la situation politique de la Suisse; la Belgique, notre seule sœur jusqu'ici en neutralité et en liberté, est ensuite l'objet d'une étude semblable; enfin une conclusion, où les vues les plus larges se font jour, essaie de réclamer du bon sens et de la modération des puissances européennes la continuation de l'oeuvre commencée, c'est-à-dire l'agrandissement du principe de la neutralité, et la création d'une fédération de neutres garantie au même titre que les simples neutres eux-mêmes. Tel est le fond de l'ouvrage, vaste et important s'il en fut jamais comme on voit, et toujours basé sur les faits de l'histoire et sur les textes des traités. Quant à la forme, - car il y a des gens qui tiennent encore à la forme dans les livres sérieux, disons en passant qu'elle revêt - (1) Les petits Etats et la neutralité continentale dans la situation actuelle de l'Europe, par J. Huber-Saladin, colonel fédéral, ancien attaché à la Légation de la Confédération suisse à Paris. Paris, Amyot, éditeur. 1866. 1 vol. grand in-8° avec deux cartes. tous les charmes de la plus spirituelle causerie. L'élégance et le piquant du style s'y soutiennent sans cesse, à côté de la netteté et de la vigueur de la pensée. Aussi, et malgré quelques différences de points de vue, nous ne saurions étayer plus agréablement et plus solidement. notre sujet, qu'en mettant sous les yeux de nos lecteurs le plus possible du texte même de cette remarquable publication: «Toucher à l'honneur et à l'indépendance des petites nations, dit le colonel Huber-Saladin, des petits Etats, des petits peuples, c'est briser l'arche sainte; c'est le sacrilége, c'est l'ingratitude pour les berceaux de la civilisation, la patrie des arts, le foyer des lumières, les refuges de la pensée. La Grèce antique, les républiques et les duchés d'Italie des XVme et XVIme siècles n'étaient que de petits Etats. L'Europe leur doit la lumière, la renaissance des lettres et des arts. Le petit Portugal trouve la route des Indes. La Castille et l'Aragon ouvrent à Colomb les chemins du Nouveau-Monde. Plus près de nous, la Hollande, Leyde, Upsal, Copenhague, les universités allemandes, Weimar, furent pour les sciences et les lettres des centres intellectuels européens. On peut en dire autant de Genève, de Zurich et de Bâle. Rome et Genève sont encore les symboles des deux hémisphères du monde chrétien. Dans les petits territoires, la pensée, les mœurs s'y retrempent, la famille est un sanctuaire, le patriotisme se concentre, l'individualité grandit au profit de l'humanité tout entière. Les petites tribus de Juda furent l'asile de Dieu au sein de l'énervement des gigantesques despotismes. La croix vengeresse de la Rédemption s'est élevée sur la plus haute ruine de ces infimes tribus englouties dans l'empire romain. « Les petits Etats, si l'on en excepte Venise, Gênes et le Danemark, n'ont pas eu à se plaindre des traités de 1814 et de 1815. A Paris et à Vienne on a sécularisé et médiatisé, avec des ménagements pour de très petites souverainetés restaurées. Les villes libres de l'Allemagne ont reçu une constitution particulière. On réunit à la Suisse, en qualité de cantons, ses anciens alliés, Genève, Neuchâtel et le Valais. L'évêché de Bâle est devenu bernois. Quelques communes françaises et savoisiennes sont échues au canton de Genève. Mais la belle vallée de la Valteline, demeurée entre les mains de l'Autriche, n'était pas un équivalent pour la cession du Frickthal par cette puissance; Mulhouse est la seule conquête de la France sur le corps helvétique qui lui soit restée. « Le rôle d'Etats neutralisés dans l'intérêt général ou celui de leurs voisins, fut confirmé par les neutralités de la Confédération suisse et de Cracovie. Cette petite république a définitivement été annexée à la Galicie en 1847. « Depuis 1815, toutes les puissances ont reconnu l'indépendance de deux nouveaux petits Etats, la Grèce et la Belgique : le premier arraché à la Turquie, le second séparé de la Hollande. La Grèce est un neutre naturel sur la route maritime de Constantinople. La Belgique est un neutre perpétuel dans les mêmes conditions, à peu de chose près, que la Suisse. << Indépendamment de la Suisse et de la Belgique, petits Etats auxquels des considérations stratégiques et politiques ont fait une position exceptionnelle, si l'on considère tout ce qui compose la Confédération germanique comme un corps de nation, en donnant une place à part à l'Italie, les Etats secondaires isolés se trouvent réduits à l'Espagne, au Portugal, à la Hollande, à la Suède-Norvège et au Danemark. Les Provinces danubiennes se rattachent, avec la Turquie et la Grèce, à la question d'Orient. L'excentricité géographique de l'Espagne et du Portugal les mettent en quelque sorte ici hors de cause. « Quelles garanties assurent aujourd'hui la neutralité et l'équilibre européen à l'isolement des petites nations. « La neutralité n'a jamais assuré que des garanties passagères, soumises à toutes les éventualités de la guerre, des alliances, des ruptures et des cas de force majeure. Elle a offert et offre encore des tentations trop fortes sous le régime du droit national exclusif. L'adage, que tout ce qui nuit aux autres est un avantage pour soi; le droit d'empêcher autrui de chercher sa force là où nous l'avons trouvée et celui de faire au prochain ce que nous ne voudrions pas qui nous fût fait, sont loin de la modération et du respect du droit qu'exige la neutralité, surtout à l'égard des faibles. « Nous n'avons pas à tracer ici son histoire chez les anciens. Toujours est-il bon de remarquer qu'elle fut considérée par leurs granās législateurs comme un moyen de paix et de trève. Chez les Grecs, l'Elide fut neutralisée sous prétexte de jeux Olympiques. Les villes immunes, les temples sacrés, l'asile de Théos étaient des neutralisations locales. Si la politique conquérante de Rome ne connut que des ennemis ou des alliés, ces derniers furent souvent plus ménagés que bien des alliés modernes. Quel homme de guerre de notre civilisation, sans excepter le roi philosophe ami de Voltaire, a fait apposer des cachets sur les épées de ses soldats, comme Pompée en traversant le territoire d'un ami des Romains? Les accusations de Cicéron contre Verrès témoignent sur ce sujet d'un sens moral digne de la philanthropie politique la plus sévère. Sans admettre, avec Hübner, que l'antiquité considérait le respect pour la neutralité comme un principe si naturel, qu'il est permis d'interprêter l'absence d'un mot qui rende celui de neutre par cela même que ce mot n'était pas nécessaire, et, sans combattre une exagération par une autre, admettons avec M. Egger que les écrivains chrétiens des premiers siècles ont trop abaissé l'antiquité, au profit de la religion nouvelle, en lui refusant les bénéfices les plus élémentaires du droit des gens. « Au moyen-âge, le premier rayon qui perce les ténèbres brille sur |